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L’habilitation du syndic à agir en justice. Par Charles Dulac, Avocat.
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Parution : vendredi 27 octobre 2023
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Spécificité du droit de la copropriété, l’action en justice du syndicat est par principe conditionnée à l’autorisation de l’assemblée générale. Quid de la mise en œuvre de cette condition ?
Le 12 octobre 2023, les Hauts Magistrats de la Troisième Chambre civile de la Cour de cassation se sont penchés sur la question de la capacité du syndicat des copropriétaires à agir en justice. Plus précisément, la cour a repris la problématique moulte fois abordée de l’autorisation du syndic à représenter le syndicat devant les tribunaux.
L’arrêt, certes inédit en ce qu’il ne constitue pas une décision de principe, est intéressant de par sa subtilité technique. Dans les faits, deux copropriétaires sollicitaient la reconnaissant d’un droit de jouissance exclusive sur des terrasses de la copropriété afin de permettre la régularisation de leurs aménagements privatifs. A la suite d’une expertise judiciaire, lesdites terrasses ont été requalifiées de technique par l’Expert et le syndicat des copropriétaires a donc sollicité, reconventionnellement, l’interdiction à leur accès et la suppression des aménagements édifiés, sous astreinte de 500 euros.
Pour se défendre, les copropriétaires ont invoqué l’absence d’autorisation par l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires à se prévaloir de telles demandes nouvelles. Réponse de la Cour de cassation : ces demandes ne sont pas nouvelles car elles ne sont fondées que sur le rejet des demandes des copropriétaires en revendication d’un droit de jouissance exclusive.
Or, le syndicat des copropriétaires ne nécessite aucune autorisation en justice pour se défendre d’un contentieux, l’absence d’habilitation dans le cas présent ne constituant pas un défaut de capacité à agir [1].
C’est ici le paradigme de la copropriété ; si depuis la Loi du 10 juillet 1965 il ne persiste plus de doute quant à la personnalité morale du syndicat des copropriétaires, qui ne se traduit pas comme un aggloméra d’individus propriétaires mais bien comme une « collectivité […] qui a une personnalité civile » [2], le caractère communautaire de cette entité persiste. De ce fait, le syndicat dispose certes d’une personnalité morale qui lui permet d’être représenté en justice mais sa capacité à ester est quant à elle subordonnée.
Effectivement, cette capacité est conditionnée par deux éléments. Tout d’abord par une condition propre à la personnalité morale du syndicat des copropriétaires. Ainsi, à l’instar d’une société, la copropriété doit être représentée en justice par un syndic régulièrement élu, professionnel ou bénévole [3].
Puis, par une condition propre à son caractère communautaire. Et c’est ce qui nous intéresse ici, pour agir en justice le syndic doit préalablement recueillir une habilitation de l’assemblée générale des copropriétaires. Ce principe a été posé par l’article 55 du Décret du 17 mars 1967, qui déclare en son alinéa premier : « Le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l’assemblée générale ». Il est dès lors intéressant d’examiner l’application concrète de cette règle et, comme c’est évidemment le cas, de ses nombreuses exceptions.
Il faut comprendre de cette affirmation que, par principe, la représentation du syndicat des copropriétaires dans le cadre d’une procédure judiciaire nécessite impérativement une autorisation préalable de l’assemblée générale des copropriétaires. Peu importe que l’action en justice soit introduite devant un tribunal de proximité ou un tribunal judiciaire, ou encore que l’affaire soit jugée par l’ordre judiciaire ou administratif.
Premièrement, la nature de la demande doit être précise. Elle doit indiquer autant le type de tribunal saisi (référé, fond, judiciaire ou administratif…), que le contenu des prétentions qu’entend revendiquer le syndicat des copropriétaires. Ainsi, le syndicat qui est habilité à agir en référé pour obtenir la condamnation sous astreinte d’un copropriétaire à déposer une installation irrégulière, ne l’est pas pour agir au fond afin de solliciter des dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de cette installation.
Deuxièmement, les personnes concernées doivent être citées. En effet, la résolution autorisant le syndic à agir au nom du syndicat doit nommer la ou les personne(s) contre la(es)quelle(s) l’action judiciaire est dirigée. Ainsi, le vote d’une saisie immobilière doit préciser non seulement le propriétaire mis en cause mais également les lots qui feront l’objet de l’adjudication. Néanmoins, en matière de construction, la jurisprudence semble tendre vers un assouplissement de cette règle admettant que la résolution porte contre tous les constructeurs et leurs assureurs dans le cadre des malfaçons citées. Cela peu notamment s’expliquer par la difficulté à anticiper la recherche des responsabilités qui fait souvent l’objet d’une expertise judiciaire préalable.
Troisièmement, l’objet de la demande doit être spécifié. Il ne doit donc pas être vague ou imprécis. Ainsi, l’autorisation donnée au syndic « d’engager une procédure pour mettre fin à tous les troubles subis par la copropriété » ne sera pas valable. De même, contrairement à ce qui a été dit précédemment quant à l’identité de la demande, en matière de construction les désordres doivent être précisés. Si d’autres malfaçons sont toutefois découvertes, une nouvelle habilitation devra être accordée au risque de voir l’action engagée par le syndicat des copropriétaires déclarée d’office irrecevable.
Une fois le principe de l’autorisation posé, les exceptions doivent être excipées.
Parce que tout principe comporte une ou plusieurs exceptions, l’article 55 du Décret du 17 mars 1967 mentionne en son alinéa 3 les cas où l’habilitation du syndic à agir au nom du syndicat des copropriétaires ne nécessitent pas d’autorisation préalable :
« Une telle autorisation n’est pas nécessaire pour les actions en recouvrement de créance, la mise en œuvre des voies d’exécution forcée à l’exception de la saisie en vue de la vente d’un lot, les mesures conservatoires, l’opposition aux travaux permettant la recharge normale des véhicules électriques prévue à l’article R136-2 du Code de la construction et de l’habitation et les demandes qui relèvent des pouvoirs de juge des référés, ainsi que pour défendre aux actions intentées contre le syndicat. Elle n’est pas non plus nécessaire lorsque le président du tribunal judiciaire est saisi en application des premiers alinéas des articles 29-1A et 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 ou du premier alinéa de l’article L615-6 du Code de la construction et de l’habitation ».
Il faut évidemment comprendre de cette liste détaillée qu’elle est bien limitative. En conséquence, aucune autre exception ne saurait être autorisée. Quelles sont celles principalement admises ?
En tout état de cause, qu’il doive être autorisé ou nom, le syndic doit rendre « compte à la prochaine assemblée générale des actions introduites » [6]. Ce règle découle du statut général du syndic dont la fonction tire sa légitimité du quitus donné par l’assemblée générale des copropriétaires. Et se pose justement la question des conséquences d’une action initiée sans autorisation.
La sanction de l’action en justice du syndicat des copropriétaires sans autorisation est simple et unique : l’irrecevabilité. Il s’agit d’une irrégularité de fond qui entraîne l’échec complet de la procédure. La conséquence peut être importante pour le syndicat en ce qu’il doit être considéré que l’action n’a pas existée et les délais de prescription ont continué à courir. Aussi, imaginons que le délais de prescription était de cinq années et que l’action du syndicat des copropriétaires est finalement déclarée irrecevable six ans après son introduction, toute demande sur ce sujet sera par nature prescrite.
Toutefois, cette vision doit être tempérée par deux éléments :
Enfin, rappelons que si l’irrecevabilité est finalement prononcée, le syndic qui est redevable de sa gestion auprès des copropriétaires pourra, s’il n’avait pas sollicité un vote d’autorisation préalable, engager sa responsabilité civile professionnelle. En conséquence, une grande précaution doit être portée quant à cette condition et il est primordial pour le syndic de toujours s’interroger en amont d’une procédure avant de prendre l’initiative de son engagement.
Charles Dulac Avocat au Barreau de Paris [->contact@dulac-avocat.com][1] Cass. Civ. 3ème, 12 octobre 2023, n°22-19.407.
[2] Article 14 - Loi 10 juillet 1965.
[3] Article 17 - Loi du 10 juillet 1965.
[4] Article 121 du Code de procédure civile.
[5] Article 19-2 - Loi du 10 juillet 1965.
[6] Article 55 alinéa 4 - Décret du 17 mars 1967.
[7] Décret du 27 juin 2019.
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Bonjour,
Dans le cas de la contestation d’une décision du Bâtonnier concernant des honoraires d’avocat, ceci est-il considéré comme une action en justice, et en tant que tel, relève-t-elle de l’accord obligatoire de l’AG que doit obtenir le syndic pour agir en justice OU relève-t-elle des pouvoirs ordinaires du syndic pour agir en justice contre un tiers attaquant ?
merci par avance pour votre réponse.
Bonjour,
A priori, cela nécessite une autorisation préalable de l’AG.
Toutefois, chaque cas mérite une étude spécifique et je vous invite à contacter mon Cabinet si cela est nécessaire.
Bien à vous.
Bonjour,
Le syndic a enclenché une procédure de référé contre un tiers, dans les intérêts de la copropriété. L’assemblée générale a validé cette action. Néanmoins, un propriétaire n’est pas favorable à cette action de justice qui d’une part, présente beaucoup de risques de pertes de procès et de lourdeur administrative, d’autre part, le syndic demande, en amont, le paiement d’une somme conséquente pour couvrir les frais de procédure (en sachant qu’il y a de fortes chances que le référé soit accompagné d’un procédure au fond).
Mon questionnement est le suivant :
1) Le propriétaire récalcitrant ne peut il pas individuellement décider de se retirer de la procédure en envoyant par exemple, un désistement par LRAR au syndic. Ainsi, il ne paiera pas les frais de procédure mais n’obtiendra pas les éventuels dommages et intérêts en cas de gain du jugement au fond.
2) Le syndic a t’il droit de demander, en amont de la procédure, aux propriétaires de payer les frais de procédure ? Ne devrait il pas prélever ces sommes dans la provision établie annuellement dans un premier temps ?
Je vous remercie d’avance pour votre réponse.
Respectueusement,
Chère Madame,
Ne connaissant pas le détail de votre situation, je me permets de vous apporter une réponse générale.
En tout état de cause, il n’est pas possible pour un copropriétaire, à titre individuel, de se désolidariser d’une action menée par le Syndicat des copropriétaires.
Comme tout organe collectif, les décisions ne peuvent pas convenir à l’ensemble des copropriétaires qui doivent néanmoins s’y soumettre du fait de la majorité.
S’agissant des fonds levés, j’ignore la comptabilité de votre copropriété mais il est certain que si l’enveloppe financière doit être complétée, votre syndic a le devoir d’appeler des fonds supplémentaires pour couvrir les dépenses.
J’espère que cette réponse vous aura éclairée.
Je vous invite à contacter mon Cabinet si vous souhaitez un rdv.
Bien Cordialement.
Bonjour,
Un copropriétaire de la résidence a assigné le SDC représenté par son syndic pour irrégularité lors de l’AG. Sur l’assignation que le syndic nous a transmis en tant que propriétaires pour information il est inscrit la date de l’audience pour fin octobre 2024. A la fin de son information, le syndic nous dit qu’il reviendra vers nous à l’issue du dossier. Il a d’ores et déjà choisi un avocat.
Question svp : le syndic ne doit il pas nous (SDC)demander l’autorisation d’agir en justice par un vote en AG sachant que les irrégularités viennent de son propre chef ? Sans autorisation du SDC, l’action ne risque t elle pas d’être frappée d’irrecevabilité .
Merci pour votre retour
Bonjour Je suis propriétaire d’un appartement dans un immeuble de 73 appartements au total. Il y a sept ans, le syndicat a décidé d’isoler l’immeuble. J’ai de sérieux doutes sur les travos qui ont été réalisés. comment puis-je ouvrir une enquête légalement ?
Comment se présente un syndic bénévole sur un document de "demande d’injonction de faire" contre un copropriétaire
SA, SARL, EURL, SCP ?
syndic bénévole de copropriété ?
Le syndicat a été débouté en appel d’une procédure qu’il avait initié, et le syndic en a été informé par l’avocat qui représente la copropriété. L’information n’est pas transmise immédiatement à l’ensemble des copropriétaires, seuls quelques conseillers de la commission juridique en sont informés. Ces personnes, l’avocat et le syndic décident d’un pourvoi en cassation au nom du syndicat sans même consulter le conseil syndical. L’information du lancement de ce pourvoi n’est donnée que 3 mois plus tard au conseil syndical et un an plus tard aux copropriétaires lors d’une AG.
Sommes-nous dans le cadre où le syndic serait habilité à agir au nom du syndicat alors qu’il ne l’a même pas informé ?
Et quid de l’obligation (votée en AG) du syndic de demander l’avis du conseil syndical dès qu’une dépense dépasse un certain seuil ?
Merci