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![]() Lorsque la Haute juridiction se conforme à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Par Marie-Laure Tarragano et Sarah Larbi, Avocats.
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Parution : lundi 30 octobre 2023
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Les enseignements tirés des trois arrêts rendus le 13 septembre 2023 en matière de congés payés sont apparus dans notre ordre juridique et pour tous, comme une éruption volcanique [1] !
Et pour cause, l’applicabilité des dispositions du premier alinéa de l’article L3143-3 du Code du travail subordonnant l’acquisition de congés payés à une période de travail effectif a été écartée par les magistrats du Quai de l’horloge par ces arrêts.
La Haute juridiction a tout simplement satisfait à son obligation consistant à laisser inappliquées les dispositions légales nationales qui ne seraient pas conformes au droit de l’Union européenne. Statuant à la lumière de l’article 31-2 de la Charte des droits fondamentaux, il n’est donc plus possible de subordonner l’acquisition de congés payés à l’obligation d’avoir effectivement travaillé durant la période de référence.
Cette solution n’est finalement pas si surprenante. Une première alerte avait déjà été donnée en 2018 [2] lorsque la Cour de Justice de l’Union Européenne a reconnu l’effet direct horizontal de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et de son article 31-2, selon lequel « tout travailleur a droit (…) à une période annuelle de congés payés ».
L’applicabilité de la Charte dans les litiges opposant des particuliers ne faisait dès lors plus l’ombre d’un doute, et il était ainsi loisible à tout justiciable d’invoquer l’article 32-1 de la Charte des droits fondamentaux afin d’écarter les dispositions de l’article L3143-3.
Mais ce n’est pas tout. Une seconde alerte du 17 juillet 2023 [3] a confirmé la nécessité de tenir compte des dispositions de la Charte des droits fondamentaux dans notre ordre juridique pour les litiges « particulier- particulier ».
Et pour cause, par cet arrêt, la Cour administrative d’appel de Versailles a condamné l’Etat français à payer à la CGT, à la CGTFO, et à l’Union syndicale Solidaires, la somme de 10 000 euros pour chacune, à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice moral collectif des salariés qu’elles représentent, responsabilité étatique engagée du fait des lois, et de la non-prise en compte en droit interne, des textes européens consacrant le droit fondamental pour tout travailleur de bénéficier d’un congé annuel payé.
Cette seconde alerte donnée par une juridiction nationale cette fois, aurait dû sonner le glas de l’applicabilité de l’article L3143-3 du Code du travail, et conduire les juges nationaux à l’écarter.
C’est désormais chose faite avec ces trois nouveaux arrêts !
Les employeurs ne peuvent désormais plus se prévaloir de la réglementation sociale nationale pour considérer que le salarié n’acquière pas de congés payés lorsqu’il est en arrêt maladie, et ce peu important l’origine professionnelle ou non de l’arrêt, et la durée de l’absence du salarié.
Morale de l’histoire : il n’est pas bon de prendre « congé » de la Charte des droits fondamentaux ...
Marie-Laure Tarragano Avocat Associé en Droit social - Relations collectives et individuelles du travail Barreau de Paris Cabinet DTMV Avocats et Sarah Larbi Avocate collaboratrice chez DTMV Avocats Barreau de Paris Droit social - Relations collectives et individuelles du travail[1] Cass. Soc., 13 septembre 2023, n°22-17.340, n°22-17.342, n°22-17.342
[2] CJUE, C-569/16 et C-570/15, arrêt du 6 novembre 2018.
[3] CAA, 17 juillet 2023, n°22VE00442.
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