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La saisine d’une juridiction non spécialisée en droit des pratiques restrictives. Par Benoit Henry, Avocat.
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Parution : lundi 20 novembre 2023
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Le contentieux de la saisine d’une juridiction non spécialisée en droit des pratiques restrictives découlant de l’application combinée des articles L442-6 III devenu l’article L442-4 III et D442-3 devenu l’article D442-2 du Code de Commerce, désignant les juridictions spécialisées en droit des pratiques restrictives vient d’opérer un revirement de jurisprudence salutaire.
L’article L442-6 III devenu l’article L442-4 III du Code de commerce définit les pratiques commerciales abusives, tel l’abus de position dominante, le déséquilibre significatif, les commandes conditionnées de façon déséquilibrée, la menace abusive de rupture des relations contractuelles, les interdictions de revente, révisions de prix et refus de livraisons injustifiés ou illicites pour ne mentionner que les plus fréquemment rencontrées.
La jurisprudence appréhende traditionnellement la question en y voyant dans la saisine d’une juridiction non spécialisée en droit des pratiques restrictives un cas de défaut de pouvoir juridictionnel synonyme d’irrecevabilité de la demande initiale ou incidente.
La Cour de cassation sanctionne la saisine d’une juridiction non spécialisée en matière concurrentielle par une fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel en lieu et place d’une incompétence.
Dès lors, lorsqu’un défendeur à une action fondée sur le droit commun présente une demande reconventionnelle en invoquant les dispositions de L’article L442-6 III devenu l’article L442-4 III du Code de commerce, la demande du demandeur est jugée irrecevable en raison du défaut de pouvoir juridictionnel de la juridiction saisie non spécialisée.
La doctrine a inlassablement critiqué cette jurisprudence tant du point de vue des concepts que des effets qu’elle engendre.
Cette construction jurisprudentielle complexe ne correspond pas à la terminologie des articles D442-3 et D442-4 devenu l’article D442-2 et D442-3 du Code de Commerce lesquels se réfèrent à la compétence de ces juridictions et non à leur pouvoir juridictionnel.
Cela aboutit à des solutions confuses et génératrices pour les parties d’une insécurité juridique quant à al détermination de la juridiction ou de leur cour d’Appel pouvant connaitre de leurs actions, de leurs prétentions ou de leurs recours.
C’est peu dire que le revirement était espéré.
Tout d’abord, la règle découlant de l’application combinée des articles L442-6 III devenu l’article L442-4 III et D442-3 devenu l’article D442-2 du Code de Commerce, désignant les juridictions spécialisées pour connaître de l’application des dispositions des I et II de l’article 442-6 précité devenu l’article L442-1 institue désormais une règle de compétence d’attribution exclusive et non une fin de non-recevoir.
La sanction est donc renversée.
Dés lors lorsqu’un défendeur à une action fondée sur le droit commun présente une demande reconventionnelle en invoquant les dispositions de l’article L442-6 III devenu l’article L442-4 III du Code de commerce, la juridiction saisie non spécialisée doit, si son incompétence est soulevée, selon les circonstances et l’interdépendance des demandes : soit se déclarer incompétente au profit de la juridiction désignée par ce texte et surseoir à statuer dans l’attente que cette juridiction spécialisée ait statué sur la demande, soit renvoyer l’affaire pour le tout devant cette juridiction spécialisée.
La saisine d’une juridiction non spécialisée en matière de pratiques restrictives de concurrence se paie, non plus d’une irrecevabilité de la demande mais d’une incompétence de la juridiction à raison de la méconnaissance des règles de compétence d’attribution exclusive.
C’est dès lors le régime des exceptions de procédure qui doit être scrupuleusement observé par les parties.
Pour les juridictions non spécialisées qui s’estimeraient incompétentes, cela entrainera la transmission directe du dossier à la juridiction spécialisée jugée compétente.
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