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SPFPL de pharmacie (partie II) : actualités sur la distribution des dividendes : virus ou infection ? Par Benjamin Markowicz, Avocat.
Parution : mardi 19 décembre 2023
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Les sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL) ont pour objet social la prise de participation dans une ou plusieurs sociétés d’exercice libérale, ainsi que des activités accessoires en relation directe avec son objet. Il s’agit d’une véritable « holding » des professions libérales, dont l’intérêt juridique et fiscal mérite une grande attention.
L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 19 octobre 2023 est-il inquiétant pour les SPFPL ?

Chaque pharmacien envisageant l’acquisition/cession d’une officine ou son expansion par l’acquisition de biens immobiliers ou de parts dans une autre officine ou une SCI, doit se poser la question de la création d’une SPFPL.

Bien entendu, une fois la structure établie, les relations entre associés doivent être régies précisément par des statuts adaptés, des pactes d’associés et règlements intérieurs (conditions d’exercice, modalités de départ, modalités de cession des parts ou actions...).

Les différents régimes fiscaux applicables permettent notamment de verser les dividendes à la SPFPL, de rembourser le prêt d’acquisition par la SPFPL, faciliter la cession de titres...

Par exemple :

Cette technique permet de compenser les bénéfices et les déficits des différentes sociétés membres du groupe.

L’impôt est acquitté au niveau de la société mère : la SPFPL.

La remontée des dividendes vient rembourser le prêt d’acquisition contracté par la société mère ou la holding (SPFPL).

Les dividendes distribués par la SEL à une SPFPL étaient jusqu’ici considérés par tous comme hors champs de toute charges sociales.

Seule la distribution des dividendes est alors soumise au prélèvement forfaitaire unique et donc aux prélèvements sociaux (17,2%).

En effet, le texte ne visant que les revenus « perçus par le travailleur indépendant », les dividendes reçus par une société holding ne pouvaient entrer dans l’assiette des cotisations sociales.

Le 19 octobre 2023, la Cour de cassation est venue nuancer ce point :

La Cour de cassation retient que les bénéfices de la SEL, au sein de laquelle le travailleur indépendant exerce son activité, constituent le produit de son activité professionnelle et doivent entrer dans l’assiette des cotisations sociales dont il est redevable, y compris lorsque ces bénéfices sont distribués à la SPFPL qui détient le capital de la SEL :

« Les bénéfices de la société d’exercice libéral, au sein de laquelle le travailleur indépendant exerce son activité, constituent le produit de son activité professionnelle et doivent entrer dans l’assiette des cotisations sociales dont il est redevable, y compris lorsque ces bénéfices sont distribués à la société de participations financières de profession libérale qui détient le capital de la société d’exercice libéral.
...ces dividendes correspondent à la rémunération d’un travail plutôt qu’à des revenus d’un patrimoine. Il ajoute qu’il importe peu qu’au regard de la réglementation applicable, la société de participations financières soit dotée d’une personnalité morale distincte et soit soumise à l’impôt sur les sociétés et non à l’impôt sur les revenus
 ».

Cet arrêt inédit a suscité l’indignation de nombreuses professions libérales et semble étonnant dans sa prise de position puisqu’il ne tient pas compte de la personnalité juridique de la personne morale.

La portée de cet arrêt semble cependant limitée :

La Cour de cassation considère, à tort, que le praticien est le seul bénéficiaire effectif, avec son épouse.

L’assimilation des dividendes distribués par la SEL à la SPFPL à des revenus est parfaitement incorrecte et critiquable.

En effet, le Code de la sécurité sociale prévoit expressément que les dividendes soumis aux cotisations sont ceux « perçus par le travailleur indépendant ».

La distribution de dividendes à la SPFPL rend indisponible le dividende encaissé pour le praticien.

Sauf à ce que le dividende soit lui-même redistribué à son associé, ce qui n’est évidemment pas systématique.

En cas de distribution, le dividende serait alors soumis au prélèvement forfaitaire unique et donc aux prélèvements sociaux (17,2%).

Cette double taxation serait alors parfaitement contestable.

En effet, pour les cotisations sociales relevant de la compétence des URSSAF, le cotisant dispose d’une garantie en cas d’abus de droit : la saisine du Comité de l’Abus de Droit Social (CADS). Or, pour assujettir l’assuré aux cotisations sur les dividendes versés par sa société d’exercice à la SPFPL, la Cour de cassation a implicitement mais nécessairement admis que l’organisme collecteur avait écarté à bon droit l’interposition de cette dernière.

Dans cette hypothèse, les dividendes ne sont pas distribués aux dirigeants de la SPFPL mais affectés à ses charges.

Selon cet amendement, les dividendes remontant d’une SEL vers une SPFPL soumise à l’impôt sur les sociétés seraient écartés de l’assiette des cotisations sociales.

Les fonctions de la SPFPL restent avantageuses depuis l’acquisition jusqu’à la cession.

La création d’une SPFPL mérite donc une étude attentive en fonction des besoins de la SEL et quant au régime fiscal approprié.

La SPFPL offre ainsi de nombreuses opportunités de développement de l’activité de pharmacien en créant une structure juridique solide et fiscalement optimisée.

Benjamin Markowicz Avocat au barreau de Paris

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