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La procédure d’expulsion du domaine public : quand et comment l’utiliser ? Par Quentin Clément, Avocat.
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Parution : vendredi 12 janvier 2024
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Par principe, il est de jurisprudence ancienne et constante que l’Administration ne peut pas procéder elle-même à l’expulsion d’un occupant sans droit ni titre de son domaine public [1].
Pour ce faire, la personne publique dont le domaine public est occupé doit saisir un juge afin que celui-ci prononce l’expulsion de l’occupant sans droit ni titre.
Le juge administratif apparaît que le juge naturellement compétent pour prononcer l’expulsion d’un occupant sans droit ni titre du domaine public [2].
Pour statuer sur une demande d’expulsion d’un occupant sans droit ni titre, le juge administratif est tenu, pour se reconnaître compétent, de vérifier que l’endroit occupé appartient bien au domaine public et non au domaine privé [3].
Si le bien occupé appartient au domaine privé de la personne publique, le juge administratif sera alors incompétence, au contraire du juge judiciaire qui pourra être saisi.
Le contentieux de l’expulsion du domaine public trouve à se développer la plupart du temps devant le juge des référés, permettant ainsi d’obtenir une décision de justice rapide.
S’il existe différentes procédures de référés telles que le référé-liberté [4] ou le référé-suspension [5], c’est le référé mesure-utile - également appelé référé- conservatoire - qui apparaît comme la procédure la plus efficace et opportune.
Aux termes de l’article L521-3 du Code de justice administrative :
« En cas d’urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l’absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative ».
Saisi sur le fondement de ces dispositions pour prononcer l’expulsion du domaine public d’un occupant droit ni sans titre, le juge des référés doit y faire droit lorsque cette demande ne se heurte à aucune contestation sérieuse et que la libération des lieux présente un caractère d’urgence et d’utilité [6].
Il ressort donc des textes et de la jurisprudence trois conditions à réunir afin que le juge des référés mesures utiles prononce une expulsion du domaine public :
L’urgence peut résulter du fonctionnement du service public que le maintien dans les lieux de l’occupant sans droit ni titre aurait pour effet de compromettre [7].
L’urgence peut également résulter de la nécessité de réaliser ou poursuivre des travaux sur la dépendance du domaine public occupé irrégulièrement la réalisation, ou la poursuite, de travaux [8].
La bonne gestion du domaine public peut également être avancée au soutien de l’urgence à expulser un occupant sans droit ni titre, afin de permettre l’installation d’un nouvel occupant privatif [9].
Il résulte de tous ces exemples que l’urgence à prononcer l’expulsion du domaine public peut être démontré de nombreuses façons.
S’il est démontré que ces trois conditions sont réunies, alors le juge des référés mesures utiles devra prononcer l’expulsion du domaine public de l’occupant sans droit ni titre.
En moyenne, le juge des référés rend son ordonnance de référé un mois après l’introduction d’une requête sur le fondement des dispositions de l’article L521-3 du Code de justice administrative.
Cette procédure du référé mesures utiles, également appelée parfois référé-expulsion tant son efficacité est redoutable, permet d’obtenir une décision de justice dans un délai relativement bref.
Pour plus d’efficacité de la mesure, il est opportun de demander au juge administratif que l’expulsion du domaine public soit prononcée sous astreinte [10].
Une fois l’ordonnance du juge des référés obtenue et prononçant une injonction de quitter les lieux - prononçant donc l’expulsion, l’Administration pourra procéder si nécessaire d’elle-même à l’expulsion de l’occupant de son domaine public en recourant à la force publique sur réquisition du préfet.
Quentin Clément Avocat au Barreau de Lyon [->quentin.clement@clement-avocat.fr] https://www.clement-avocat.fr/[1] CE, 12 novembre 1955, Cazauran, Rec. p. 537.
[2] CE, 29 mars 1957, Rec. p. 223 ; TC, 24 septembre 2001, Société BE-Diffusion, n° 418417.
[3] CE, 8 novembre 2019, Cne de Seyne-sur-Mer, n°421491.
[4] Article L521-1 du Code de justice administrative.
[5] Article L521-2 du Code de justice administrative.
[6] Voir par exemple CE, 12 mars 2021, n°443392.
[7] CE, 27 février 1987, Ville de Biarritz, n° 63370.
[8] Voir par ex. CAA Nancy, 11 mars 1992, Époux Jacquesson, n° 91NC00650.
[9] CE, 5 janvier 2005, Cne de Six-Fours-les-Plages, n° 268435.
[10] CE, 27 mai 2020, n°432977.
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