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[Réflexion] Le fléau de l’usurpation d’identité : quand l’usurpateur mène la belle vie. Par Rachel Nakache, Avocat.
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Parution : mardi 16 janvier 2024
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L’usurpation d’identité, qu’elle soit civile ou numérique, est un fléau dans notre société actuelle. Se faire usurper son identité est se faire voler son nom, son prénom, son anniversaire, son numéro de sécurité sociale ou encore son pseudonyme, voire son compte sur les réseaux sociaux.
Il s’agit d’un délit pénalement répréhensible. Toutefois, le système actuel, s’il s’améliore, contient encore des failles ne permettant pas de protéger efficacement la victime d’usurpation, de sorte que sa vie pourrait être suspendue.
L’usurpation d’identité est sanctionnée par la loi et constitue un délit.
Le législateur a su s’adapter aux nouveaux types d’usurpation liés à notre présence sur internet et aux services en ligne.
Ainsi, plusieurs dispositions légales ont été adoptées pour sanctionner les différents types d’usurpation d’identité pouvant exister :
« par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge ».
L’article 226-4-1 du Code pénal résultant de la loi LOPPSI 2 du 14 mars 2011 sanctionne l’usurpation d’identité d’un tiers ou l’usage d’une ou plusieurs données permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération par une peine d’emprisonnement de 1 an et 15 000 euros d’amende.
La loi sur les violences conjugales du 30 juillet 2020 a doublé les sanctions encourues à 2 ans de prison et 30 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise par le conjoint/concubin/partenaire de la victime.
Ces textes étaient lacunaires puisqu’ils ne sanctionnaient l’utilisation du nom d’un tiers que, dans le cadre d’infractions pénales répréhensibles ou dans le cadre de documents administratifs, publics ou authentiques à destination de l’autorité publique ou encore lorsque l’auteur avait une intention de nuire envers la personne victime de l’usurpation d’identité.
La loi LOPPSI 2 a rendu l’infraction de l’article 226-4-1 du Code pénal autonome puisque l’usurpation d’identité est condamnable en lui-même, sans avoir besoin de prouver que l’auteur du délit avait l’intention de commettre une infraction sous l’identité du tiers usurpé.
Néanmoins, il faut prouver l’intention de l’auteur du délit de nuire à la victime, ce qui n’est pas aisé.
Ainsi, le délit d’usurpation d’identité, d’abord limité au vol de notre identité civile (nom, prénom, date et lieu de naissance, adresse, plaque d’immatriculation…) a été étendu à notre identité numérique (pseudonyme, mail, identifiants électroniques, compte sur un réseau social, logo, image, adresse IP, URL, profil en ligne, site internet, courriels, messages publiés sur les réseaux sociaux, avatar…).
Si la loi punit désormais l’usurpation d’identité au sens large, le système reste défaillant dans la protection de la victime, de la personne dont l’identité est usurpée qui dispose d’un délai de 3 ans pour agir.
Les constats sont les suivants :
La victime d’usurpation d’identité doit donc avoir conscience des délais administratifs et judiciaires. Elle doit rapidement prendre des mesures pour être accompagnée et éviter un engrenage pour limiter les effets néfastes de l’usurpation dont elle est victime. Outre les conseils d’un avocat dans les démarches juridiques à entreprendre rapidement, des sociétés privées se sont développées pour apporter un soutien matériel et moral dans les démarches administratives à accomplir.
La vie de la victime est nécessairement affectée dans une plus ou moins grande mesure en fonction des actes délictuels commis par son usurpateur.
Tandis que son usurpateur souscrit des crédits, se marie, bénéfice de prestations sociales, voit ses frais médicaux pris en charge, commet des infractions au Code de la route… au détriment de la victime dont la vie et la construction de celle-ci sont dérobées.
Certains de mes clients dont l’identité a été usurpée ont reçu de la part d’amis ou d’agents privés ou publics les conseils suivants :
Au final, c’est demander à la victime de renoncer à son histoire, de renoncer à construire sa vie, à avancer sans aucune certitude sur le sort de son usurpateur, et à terme, la reprise du cours normal de sa vie.
Ce système d’une « identité alias » permettrait à la victime de :
Il serait intéressant que les pouvoirs publics se penchent sur cette solution.
Rachel Nakache Avocat au barreau de ParisCet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion, plus d'infos dans nos mentions légales ( https://www.village-justice.com/articles/Mentions-legales,16300.html#droits ).