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Salariat déguisé : comment le déceler et quels sont les risques ? Par Flora Labrousse, Avocat.
Parution : lundi 19 février 2024
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La problématique du salarié déguisé existe depuis plusieurs années même si elle n’était jusqu’alors que très peu reconnue en jurisprudence. Ce phénomène fait partie des grandes tendances sociales des dix dernières années avec l’apparition de l’auto-entreprenariat, ou du « freelancing ».

Ce sujet a connu une recrudescence dans l’actualité avec le lancement des plateformes de services en ligne. Or, il touche tous les corps de métiers et il se trouve à toutes les échelles économiques.

Définition du salariat déguisé.

Le salariat déguisé est une situation par laquelle un travailleur indépendant exerce ses fonctions pour une entreprise dans des conditions semblables à celles d’un salarié. Or, par définition, le statut de l’indépendant ne doit pas être confondu avec celui du salarié.

- D’une part, le salarié est celui qui accepte de fournir une prestation de travail, et de se soumettre aux ordres et aux directives de son employeur, en l’échange d’une rémunération fixée au contrat de travail.
Le salarié bénéficie également d’avantages tels que la protection sociale et le bénéfice de congés payés.

- D’autre part, le travailleur indépendant, quant à lui, n’est soumis à aucun pouvoir hiérarchique. Contrairement à un salarié, il est autonome dans la gestion de son organisation, dans le choix de ses clients et dans la tarification de ses prestations. Il ne bénéficie en revanche pas des mêmes avantages sociaux.

Le salariat déguisé est une pratique illégale qui consiste, pour une entreprise, à faire croire qu’elle confie des prestations de service à un travailleur indépendant, alors que ce dernier est soumis, dans la réalité, aux mêmes contraintes qu’un salarié, sans toutefois bénéficier des mêmes avantages.

Certains « employeurs » peuvent se rendre coupables de ces manœuvres sans en avoir conscience mais, la plupart du temps, cette pratique est utilisée sciemment aux seules fins d’échapper au règlement des charges sociales des cotisations patronales qui sont normalement dues dans le cadre d’un contrat de travail classique.

En effet, embaucher un salarié revient deux fois plus cher que de faire appel à un auto-entrepreneur, notamment à cause du coût des cotisations sociales que cela engendre.

Or, dans les faits, le travailleur indépendant qui n’est pas autonome et qui exerce ses fonctions comme le ferait un véritable salarié, doit pouvoir bénéficier des mêmes avantages que ce dernier. Une telle dérive observée constitue une précarisation des travailleurs en France sous forme de salariat déguisé.

C’est pourquoi, dans un tel contexte, il est possible de saisir le conseil de prud’hommes aux fins de faire constater l’existence d’un lien de subordination et donc d’un contrat de travail.

En 2024, la traque au salariat déguisé continue plus que jamais.

C’est ainsi qu’après plus de quatre années de bataille judiciaire, la cour d’appel de Paris, dans un arrêt rendu le 18 janvier 2024, a considéré qu’un contrat de travail existait entre une consultante comptable exerçant sous le statut d’auto-entrepreneur depuis le mois de novembre 2009 et la société comptable pour laquelle elle exerçait à titre exclusif.

Cette décision permet de déterminer les contours de cette notion, et d’apporter des précisions sur les critères et les indices retenus pour caractériser la dissimulation d’une relation salariale de subordination sous la forme d’une relation commerciale de sous-traitance.

En l’espèce, pour caractériser l’existence d’un contrat de travail, la cour d’appel de Paris a retenu que les indices suivants étaient réunis :

Au vu de l’ensemble de ces éléments, la cour d’appel de Paris a pu constater que la requérante travaillait au sein d’un service organisé par la société, directement avec les deux associés du cabinet comptable qui fixaient les conditions d’exécution du travail et sa rémunération.

Par conséquent, pour caractériser l’existence d’un contrat de travail, la cour d’appel de Paris a considéré que le faisceau d’indices faisait ressortir que la société donnait des ordres à la demanderesse qui dépassaient l’orientation des travaux et le but à atteindre que fixe un maître de l’ouvrage à un prestataire qui travaille en toute indépendance, et que la société exerçait un contrôle sur l’exécution du travail dépassant un simple contrôle de qualité.

Les entreprises pratiquant l’externalisation abusive de salariés et l’embauche volontaire de faux indépendants sont lourdement punies par la justice.

Les risques encourus.

L’employeur qui se serait livré à du salariat déguisé, encourt la condamnation à verser au salarié les indemnités suivantes :

Si, en qualité d’indépendant, vous pensez être victime de salariat déguisé, ou si en qualité d’employeur, vous souhaitez obtenir des conseils pertinents pour éviter de telles dérives, il vous est recommandé de consulter un avocat spécialisé qui saura vous orienter au mieux en fonction de la particularité de votre situation.

Flora Labrousse, Avocat au Barreau de Paris https://avocat-flora-labrousse.fr/ 06 34 05 03 74 https://consultation.avocat.fr/avocat-paris/flora-labrousse-41657.html

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