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L’Autorité de la concurrence : nouveau dispositif spécifique de recueil et de traitement des signalements pour les lanceurs d’alerte. Par Laurent Thibault Montet, Docteur en Droit.
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Parution : vendredi 3 mai 2024
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Est un lanceur d’alerte, la personne physique qui, de bonne foi et de manière désintéressée (c’est-à-dire sans contrepartie financière) [1], porte certains faits (un crime, un délit ou une menace pour l’intérêt général) à la connaissance de son employeur (ou supérieur hiérarchique direct ou indirect) ; d’une autorité administrative ou au « grand public » [2]. Il importe peu que les faits dénoncés aient été découverts (ou non) à l’occasion de l’activité professionnelle de l’intéressé. Il est surtout impératif que la personne physique en ait eu personnellement connaissance.
Afin de pouvoir bénéficier de la protection [3] prescrite par la Loi n°20216-1691 dite Loi Sapin 2 », le lanceur d’alerte doit :
Quel que soit le type de signalement opté par le lanceur d’alerte ou qui s’impose à lui, la protection dont il pourra bénéficier profitera également aux personnes qui ont un lien [7] avec lui ou qui l’ont soutenu dans la démarche de signalement.
Ainsi, bénéficient également de la protection contre d’éventuels représailles [8] :
Le régime de protection du lanceur d’alerte est un arsenal non négligeable comme outil « incitatif » de la réalisation de signalement [10].
En effet, outre un régime d’irresponsabilité civile [11] et d’irresponsabilité pénale [12], le lanceur d’alerte dispose d’un régime de protection contre les représailles [13] notamment exprimées par :
Mais vous l’aurez compris, afin que le lanceur d’alerte puisse espérer bénéficier d’un dispositif de protection, il faut au préalable qu’existe un dispositif spécifique de recueil et de traitement des signalements accessible par les potentiels lanceurs d’alerte.
L’institution d’un dispositif de recueil et de traitement des signalements est obligatoire et doit garantir la confidentialité de l’identité de l’auteur du signalement.
La mise en place d’un dispositif interne de recueil et de traitement des signalements des lanceurs d’alerte est obligatoire [14] dans les structures suivantes [15] :
En outre, certaines autorités [18] en plus de mettre en place un dispositif interne à leur structure doivent également établir un dispositif externe de recueil et de traitement des signalements dans le domaines suivants [19] :
Les entités listées précédemment doivent rendre accessible (mise en relief par rapport aux autres rubriques et aisément identifiable) sur leur site internet les informations suivantes [20] :
Qu’ils soient internes ou externes les dispositifs de recueil et de traitement des signalements doivent garantir la confidentialité de l’identité de l’auteur du signalement [21]. En effet, sauf consentement de l’intéressé ou sur demande de l’autorité judiciaire (voire du fait d’une obligation de dénonciation [22]), les éléments de nature à rendre identifiable ou de nature à identifier le lanceur d’alerte ne doivent pas être divulgués sous peine d’être puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.
Dès lors, l’accès aux informations relatives aux signalements internes ou externes est limité aux personnes autorisées désignées par la structure pour le recueil et le traitement [23]. Ces informations doivent être conservées durant le temps strictement nécessaire et proportionné au traitement du signalement et à la protection du lanceur d’alerte ainsi que celle des personnes qui lui sont liées [24].
Outre l’exigence de garantie de confidentialité, les dispositif de recueil et de traitement doivent constituer un canal de réception des signalements permettant aux lanceurs d’alerte d’adresser leur dénonciation soit par écrit, soit oralement [25].
Lorsque le signalement est réalisé oralement il doit être consigné [26] :
En tout état de cause, le déposant à droit à la vérification, à la rectification ainsi qu’à l’approbation de la transcription de son signalement [27]. Le lanceur d’alerte a également le droit de compléter son signalement par la transmission par tout moyens (c‘est à dire quel que soit son support ou sa forme) tout élément pouvant étayer la dénonciation [28].
Dans le délai de 7 jours ouvrés à compter de la réception du signalement, l’auteur du signalement doit être par écrit de la bonne réception du signalement. Le cas échéant, c’est-à-dire si le signalement n’a pas été fait sous couvert d’anonymat, l’auteur de la dénonciation devra apporter les éléments attestant qu’il recouvre bien les qualités prescrites [29] par la loi pour être lanceur d’alerte :
À l’issue de cette vérification, le cas échéant, à la suite de la sollicitation d’éléments complémentaires, deux grandes voies sont possibles [30] :
La première démarche de traitement par le dispositif de signalement interne ou externe consiste en l’évaluation de l’exactitude du contenu de la dénonciation. Cette étape peut imposer la sollicitation auprès du lanceur d’alerte des informations complémentaires. Ainsi, si les faits dénoncés sont avérés alors, l’entité saisie met en œuvre les moyens propres à remédier à la situation dénoncée [32].
Dans un délai raisonnable qui, sauf circonstances particulières (nature de l’affaire et/ou complexité), ne peut être supérieur à trois mois à compter de l’accusé de réception du signalement ou, à défaut d’accusé de réception, à compter de l’expiration du délai préfixe de sept jours ouvrés ; l’entité communique les informations et motifs sur les mesures envisagées ou prises pour évaluer l’exactitude des allégations et, le cas échéant, pour y remédier.
Dans le cadre du dispositif externe, le délai de trois mois peut être prolongé dans la limite de six mois si les circonstances l’exigent (complexité et/ou nature de l’affaire). Dans ce cas, le lanceur d’alerte est informé de la prolongation de délai avant l’expiration du délai de trois mois [33].
En tout état de cause, l’entité saisie et qui, après vérifications, procède au traitement du signalement communique par écrit à l’auteur du signalement le résultat final des diligences mises en œuvre.
L’obligation d’information quant aux motifs s’applique également à plus forte raison lorsqu’il est décidé de la clôture du traitement du signalement notamment :
L’Autorité de la concurrence compte parmi les entités listées par la Loi [34] et qui doivent mettre en place un dispositif de recueil et de traitement des signalements.
À ce titre, l’Autorité de la concurrence est soumise au tronc commun présenté précédemment.
Sur son site internet [35], sont accessibles les informations exigées par le décret n°2022-1284 [36].
Les alertes qui peuvent être soumises à l’Autorité de la concurrence concernent [37] :
[1] Voir sur village-justice : Le lanceur d’alerte : une procédure d’alerte simplifiée et une protection renforcée. Par Laëtitia Brahami, Avocat.
[2] Article 6 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la « transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique » modifiée par la loi n°2022-401 du 21 mars 2022 dite « Loi Waserman ». Voir également sur village-justice : Définition et protection juridiques du lanceur d’alerte. Par Julien Autin, Avocat..
[3] Article 7-1 de la loi n°2016-1691 modifée par la loi n°2022-401 dite « Loi Waserman ». Voir également sur village-justice : Protection des lanceurs d’alerte : la nouvelle loi du 21 mars 2022. Par Avi Bitton, Avocat et Oreline Claudepierre, Juriste.
[4] Art. 8.I de la loi n°2016-1691 modifiée par la loi n°2022-401.
[5] Article 8.II de la loi n°2016-1691 modifiée par la loi n°2022-401.
[6] Article 8.III de la loi n°2016-1691 modifiée par la loi n°2022-401.
[7] Article 10-1 de la loi n°2016-1691 modifiée par la loi n°2022-401.
[8] Article 6-1 de la loi n°2016-1691 modifiée par la loi n°2022-401.
[9] Article L233-3 du Code de commerce.
[10] Art. 10, 10-1, 11, 12, 12-1 et 13 de la loi n°2016-1691 modifiée par la loi n°2022-401.
[11] Art. 10-1.I de la loi n°2016-1691 modifée.
[12] Art. 10-1 al.2 de la loi n°2016-1691 modifée.
[13] Art. 10-1.II de la loi n°2016-1691 modifée.
[14] La création du dispositif de recueil et de traitement des signalement est soumise à la consultation des instances de dialogue social.
[15] Article 8.IB de la loi n°2016-1691 modifiée par la loi n°2022-401 ; Décret n°2022-1284
[16] le seuil de 50 agents est déterminé selon les modalité de calcul des effectifs pris pour base pour la composition du comité social territorial, c’est-à-dire que le seuil est apprécié au 1er janvier de chaque année (art. 2.II et III du décret n°2022-1284).
[17] le seuil de 50 salariés est apprécié à la clôture de deux exercices consécutifs (art. 2.I du décret n°2022-1284).
[18] Article 3.III du décret n°2022-1284 : « Les autorités publiques indépendantes d’au moins cinquante agents et les autorités administratives indépendantes établissent leur procédure interne de recueil et de traitement des signalements […] après consultation des instances de dialogue social ».
[19] Article 8.II de la loi n°2016-1691 modifiée par la loi n°2022-401 ; art. 9 à 14 et annexe du décret n°2022-1284
[20] Art. 13.I du décret n°2022-1482.
[21] Art. 9 de la loi n°2016-1691 ; art. 6 et 12 du décret n°2022-1284.
[22] Art. 9. Al. 2 de la loi n°2016-1691 modifiée.
[23] Art. 5 et 11 du décret n°2022-1284.
[24] Art. 6 in fine et 12.II du décret n°2022-1284.
[25] Art. 4 et 10 du décret n°2022-1284.
[26] Art. 6 et 9 du décret n°2022-1284.
[27] Art. 6.II in fine et 12 in fine décret n°2022-1284.
[28] Art. 4 al. 2 et 10 al. 2 du décret n°2022-1284.
[29] Art. 6 de la loi n°2016-1691 modifiée par la loi n°2022-401.
[30] Art. 4.II et 10.II du décret n°2022-1284.
[31] Art. 4.III et 10.III du décret n°2022-1284.
[32] Art. 4.III et 10.III du décret n°2022-1284.
[33] Art. 10.III du décret n°2022-1284.
[34] Article 8.II de la loi n°2016-1691 modifiée par la loi n°2022-401 ; art. 9 à 14 et annexe du décret n°2022-1284.
[35] Art. 13.I du décret n°2022-1482 ; allez voir sur le site https://www.autoritedelaconcurrence.fr/fr les rubriques :le dispositif lanceur d’alerte et l’article « l’autorité de la concurrence met à disposition des lanceurs d’alerte un dispositif de recueil et de traitement des signalements ».
[36] C’est-à-dire : l’existence de procédures internes de recueil et de traitement des signalements ; Les conditions et modalités pratiques pour bénéficier des mesures de protection ; La nature et le contenu des signalements dont elle peut être saisie au regard des compétences qui sont les siennes ; Les coordonnées postales, électroniques et téléphoniques permettant de lui adresser des signalements ; La procédure de recueil et de traitement des signalements qu’elle a établie ; Le régime de confidentialité applicable aux signalements, en particulier en matière de protection des données à caractère personnel ; La nature des mesures pouvant être prises pour évaluer l’exactitude des allégations formulées dans les signalements et pour remédier à leur objet ; Les recours et procédures permettant de protéger les auteurs de signalement contre les mesures de représailles ; Des explications sur les conditions d’irresponsabilité en cas de signalement ou de divulgation publique ; Les coordonnées postales, électroniques et téléphoniques du Défenseur des droits.
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