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Logiciel libre, entre mythe et réalité ! Par Claudia Weber, Avocat et Etienne Guignard, Juriste-Stagiaire.
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Parution : jeudi 21 mars 2024
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Contrairement à ce qu’inspire son nom, le logiciel libre n’est pas libre de droits d’auteur et des conditions doivent être respectées dans leur usage et exploitation !
Orange en a fait les frais et a été condamné à payer 800 000 euros de dommages et intérêts à l’auteur du logiciel libre utilisé pour un projet.
La Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur la contrefaçon d’un open source le 8 janvier 2024.
Cette décision devrait interpeller aussi bien les prestataires informatiques qui intègrent des open source dans leur pratique, qu’aux clients qui vont en bénéficier !
En 2005, un appel d’offres a été remporté par la société Orange pour la fourniture d’une solution de gestion d’identité. Dans le cadre de sa prestation commerciale, Orange a utilisé, sans verser de redevances, un logiciel édité par la société Entr’Ouvert, sous forme de licence libre GPL (General Public License).
En 2011, estimant que l’utilisation par Orange de son logiciel était contrefaisante, la société Entr’Ouvert a procédé à une saisie-contrefaçon dans les locaux d’Orange puis l’a assigné devant le Tribunal de grande instance de Paris pour contrefaçon et parasitisme.
En 2019, les juges n’ont pas fait droit aux demandes de la société Entr’Ouvert, au motif qu’un manquement à un contrat de licence n’ouvrait droit qu’à une action contractuelle, distincte de la contrefaçon.
En appel, les juges n’ont toujours pas retenu la contrefaçon mais seulement le parasitisme. L’éditeur a donc formé un pourvoi en cassation pour que la contrefaçon soit reconnue.
C’est ainsi que la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel. L’affaire a donc dû être rejugée.
Cet arrêt est la fin d’une saga jurisprudentielle longue de plus d’une décennie. La cour d’appel fait ici application d’un arrêt de la CJUE (du 18 décembre 2019) qui a retenu que la violation d’un contrat de licence ouvre le droit à une action en responsabilité délictuelle, soit une action en contrefaçon.
La cour d’appel estime que le logiciel développé par l’éditeur relève bien de la protection par le droit d’auteur. En effet, la société a fait preuve d’un effort personnalisé. La solution a requis dix ans de travail et permet surtout de faciliter le travail ultérieur d’intégration, ce qui la distingue des autres logiciels ayant la même nature.
Selon l’article 2 du contrat de licence, dans le cas où une solution est fondée sur le logiciel libre, celle-ci doit être mise à disposition à titre gratuit. Selon l’article 3 du contrat de licence, dans le cas d’une distribution du logiciel libre, le distributeur doit communiquer le code source lors d’une modification du logiciel. Selon les articles 4 et 10, en cas d’incorporation d’une partie du logiciel libre dans d’autres programmes libres, il faut demander l’autorisation de l’auteur.
La Cour constate que la solution développée par Orange a été fondée sur une partie du logiciel libre, en ne respectant pas le principe de commercialiser le tout à titre gratuit, ni la communication du code source, ou encore l’autorisation de l’auteur.
Orange a donc violé les conditions du contrat de licence et commis des actes de contrefaçon devant être indemnisés.
La cour constate enfin pour chiffrer le préjudice de la contrefaçon les points suivants :
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