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Pas d’ancienneté minimale requise pour bénéficier des activités sociales et culturelles du CSE. Par Kevin Bouleau, Avocat.
Parution : lundi 8 avril 2024
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Par un arrêt en date du 3 avril 2024 (Cass. soc., 3 avril 2024, n°22-16.812), la Cour de cassation précise pour la première fois que le comité social et économique (CSE) ne peut réserver le bénéfice des activités sociales et culturelles (ASC) aux salariés ayant une ancienneté minimale. Une précision importante qui devra inciter les CSE à modifier rapidement leur règlement intérieur.

Le CSE est l’organe de la société qui assure, contrôle ou participe à la gestion de toutes les activités sociales et culturelles établies dans l’entreprise prioritairement au bénéfice des salariés, de leur famille et des stagiaires [1].

Le CSE établit lui-même les critères d’attribution permettant aux salariés de bénéficier des ASC.

Néanmoins, ces critères doivent être fixés de manières objectives et légitimes. Par conséquent, le CSE ne peut pas s’appuyer sur des critères discriminatoires comme l’origine ethnique, le sexe ou l’appartenance à une religion.

En pratique, de nombreux CSE réservent le bénéfice des ASC aux salariés ayant une ancienneté minimale au sein de l’entreprise.

Dans cet arrêt rendu le 3 avril 2024, le CSE de la société Groupama Assurances Mutuelles avait voté la modification de son règlement intérieur pour prévoir, à partir du 1ᵉʳ janvier 2020, une condition d’ancienneté de six mois pour bénéficier des ASC.

En premier lieu, après un jugement rendu en première instance, une organisation syndicale avait saisi la Cour d’appel de Paris, considérant ce critère d’ancienneté illicite car il portait atteinte à l’égalité de traitement et était discriminatoire, écartant une partie des salariés du bénéfice des ASC.

Le CSE soutenait que ladite condition devait s’appliquer à tous les salariés de la société et à toutes les catégories d’employés. Par conséquent, il considérait que le critère n’était aucunement discriminant.

La Cour d’appel de Paris faisait droit aux arguments développés par le CSE, considérant que

« l’ancienneté est un critère objectif, non discriminatoire, dès lors qu’il s’applique indistinctement à tout salarié quel qu’il soit et notamment quel que soit son âge ».

Par ailleurs, il convient de noter que dans une affaire similaire, la Cour d’appel de Rennes avait déjà statué en ce sens [2].

Cette position était aussi celle retenue par l’URSSAF qui considérait que l’ouverture des droits aux ASC pouvait

« être réservé aux salariés ayant une ancienneté, dans la limite de six mois » [3].

La Cour de cassation, dans cet arrêt en date du 3 avril 2024, précise pour la première fois que le CSE ne peut pas subordonner l’ouverture des droits aux ASC à une condition d’ancienneté.

Cette solution est à inédite et va à l’encontre des décisions de fond prises antérieurement en la matière.

La Cour de cassation rejoint, sur ce point, la position du Ministère du Travail qui avait estimé, en 2014, lors d’une réponse à l’Assemblée que

« la différence de traitement entre les salariés au regard d’un même avantage doit être fondée sur des raisons objectives et pertinentes, ce qui n’apparaît pas, sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, compatible avec des critères en lien avec l’activité professionnelle tels que l’ancienneté ou la présence effective des salariés dans l’entreprise » [4].

En tout état de cause, cette solution impliquera pour les CSE une nécessaire modification des règlements intérieurs prévoyant une telle condition d’ancienneté.

En effet, malgré le guide pratique du CSE, l’URSSAF pourrait, en cas de contrôle, s’appuyer sur cette jurisprudence pour remettre en cause des exonérations de cotisations sociales.

Kevin Bouleau Avocat au Barreau de Paris Cabinet Ekipe Avocats http://ekipe-avocats.com

[1Article L2312-78 du Code du travail

[2CA Rennes, 9 septembre 2015, n°14/07142.

[3Guide pratique 2024, Comité Social et économique, URSSAF, 2024, page 5.

[4Rép. min., JOAN Q n°43931, 6 mai 2014, p. 3688.

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