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CSE : pas de condition d’ancienneté pour le bénéfice des activités sociales et culturelles. Par Xavier Berjot, Avocat.
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Parution : lundi 8 avril 2024
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Dans un arrêt du 3 avril 2024 (n° 22-16.812), la Cour de cassation juge que l’ouverture du droit de l’ensemble des salariés et des stagiaires au sein de l’entreprise à bénéficier des activités sociales et culturelles ne saurait être subordonnée à une condition d’ancienneté.
Le CSE (Comité social et économique) assure, contrôle ou participe à la gestion de toutes les activités sociales et culturelles (ASC) établies dans l’entreprise prioritairement au bénéfice des salariés, de leur famille et des stagiaires, quel qu’en soit le mode de financement « dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’Etat » [1].
Toutefois, les dispositions réglementaires sont muettes sur les conditions et modalités que le CSE peut retenir dans l’attribution des ASC aux salariés, à leur famille et aux stagiaires.
En effet, seules sont définies la nature des activités incluses dans les ASC [2] et leurs modalités de gestion par le CSE [3].
Pour la Cour de cassation, la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l’attribution d’un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard de cet avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence [4].
Ainsi, l’appartenance à une catégorie professionnelle n’est pas un critère d’attribution autorisé pour l’attribution des titres-restaurants [5].
De même, le bénéfice des prestations servies aux salariés au titre des ASC pour compenser les frais exposés par eux dans l’exercice d’un droit individuel à congé qu’ils tiennent du Code du travail ne peut pas dépendre de leur appartenance ou de leurs choix de nature syndicale [6].
Ont également été jugés discriminatoires les critères liés à la qualité de gréviste ou de non-gréviste [7], à la longue maladie [8] ou à l’absence de lien de filiation entre la fille de la concubine d’un salarié et ce dernier [9].
Dans une réponse ministérielle du 6 mai 2014, le ministère du Travail a affirmé que
« la différence de traitement entre les salariés au regard d’un même avantage doit être fondée sur des raisons objectives et pertinentes, ce qui n’apparaît pas, sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, compatible avec des critères en lien avec l’activité professionnelle tels que l’ancienneté ou la présence effective des salariés dans l’entreprise » [10].
L’Urssaf (Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales) retient à ce jour une position différente, indiquant que le bénéfice des ASC « peut être réservé aux salariés ayant une ancienneté, dans la limite de six mois » [11].
S’agissant de la présence dans l’entreprise, plusieurs Cours d’appel ont jugé ce critère comme illicite car non pertinent [12].
Dans son arrêt du 3 avril 2024, la Cour de cassation tranche le débat à l’appui d’un dispositif de principe :
« L’ouverture du droit de l’ensemble des salariés et des stagiaires au sein de l’entreprise à bénéficier des activités sociales et culturelles ne saurait être subordonnée à une condition d’ancienneté ».
Dans cette affaire, le CSE d’une compagnie d’assurance avait décidé de modifier son règlement intérieur relatif aux ASC afin d’instaurer un délai de carence de 6 mois avant de permettre aux salariés nouvellement embauchés de bénéficier des avantages correspondants.
La Cour d’appel de Paris [13] avait annulé cette disposition du règlement intérieur et l’arrêt est approuvé par la Cour de cassation.
Compte tenu de cette jurisprudence de la Cour de cassation, les CSE doivent procéder à une mise en conformité de leurs règlements, notes, etc., pour supprimer les conditions d’ancienneté jugées désormais illicites.
A défaut, les salariés lésés pourraient introduire une action devant le Conseil de prud’hommes.
Par ailleurs, l’Urssaf pourrait remettre en cause le régime social de faveur des avantages alloués par les CSE.
L’Urssaf considère, en effet, que le non-respect des conditions d’attribution des ASC fait perdre le bénéfice des exonérations de cotisations et de contributions sociales.
Dans les entreprises de moins de 50 salariés, l’employeur doit également veiller à ne pas introduire de condition d’ancienneté ou de présence pour l’octroi d’avantages tels que : CESU préfinancés, chèques-vacances, titres-restaurants, chèques-cadeaux, etc.
À défaut, les mêmes sanctions s’appliquent (action éventuelle d’un salarié et redressement Urssaf).
Xavier Berjot Avocat Associé au barreau de Paris Sancy Avocats [->xberjot@sancy-avocats.com] [->https://bit.ly/sancy-avocats] LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b[1] C. trav. art. L2312-78.
[2] C. trav. art. R2312-35.
[3] C. trav. art. R2312-36 et s..
[4] Cass. soc. 1-7-2009, n° 07-42.675.
[5] Cass. soc. 20-2-2008, n° 05-45.601.
[6] Cass. soc. 16-4-2008, n° 06-4439.
[7] Cass. soc. 8-6-1977, n° 75-13.681.
[8] Rép. Gorges : AN 13-12-2011 n° 84460.
[9] Délib. Halde n° 2009-131 du 16-3-2009.
[10] Rép. Pallois n° 43931, JO 6 mai 2014, AN quest. p. 3688.
[11] Guide pratique, Comité social et économique, édition 2024.
[12] CA Rennes 26-3-2014, n° 12/07553, CA Pau 8-9-2016, n° 14/01450, CA Douai 21-12-2018, n° 517/18.
[13] CA Paris, 24-3-2022, n° 20/17265.
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