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Le droit à l’image des salariés : questions/réponses. Par Xavier Berjot, Avocat.
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Parution : lundi 29 avril 2024
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Selon l’article 9 du Code civil, chacun a droit au respect de sa vie privée. Cette disposition, faisant partie des droits fondamentaux de la personne, est applicable au salarié et notamment à son image.
Le point en 5 questions/réponses.
Toute personne a sur son image un droit exclusif et absolu et peut s’opposer à sa fixation, à sa reproduction ou à son utilisation sans autorisation préalable [1].
L’autorisation du salarié est requise, même pour une diffusion de son image limitée à des documents internes à l’entreprise (ex. trombinoscope, intranet,…) [2].
En cas d’autorisation accordée par le salarié, celle-ci est valable uniquement pour les supports compris dans le périmètre qu’elle vise.
Ainsi, le seul fait pour un salarié d’avoir accepté d’être pris en photo ne vaut pas acceptation que l’image soit utilisée par son employeur sur une affiche promotionnelle [3].
L’employeur commet une faute engageant sa responsabilité envers un salarié en reproduisant sa photo à des fins publicitaires et promotionnelles avec les annotations ou commentaires qui l’accompagnaient [4].
Le droit dont la personne dispose sur son image porte sur sa captation, sa conservation, sa reproduction et son utilisation.
La seule constatation d’une atteinte au droit à l’image ouvrant droit à réparation, une cour d’appel ne peut pas débouter des salariés de leur demande de dommages-intérêts motivée par le délai mis par l’employeur pour supprimer leur photographie de son site internet au motif qu’ils ne démontrent pas l’existence d’un préjudice [5].
La Cour de cassation a réaffirmé sa position dans un arrêt du 14 février 2024, jugeant que le salarié ne pas être débouté de ses demandes de dommages-intérêts au titre de son droit à l’image alors que l’employeur ne conteste pas avoir utilisé son image sans son accord pour réaliser une plaquette adressée aux clients [6].
Il appartient aux juges du fond de se prononcer sur le montant des dommages-intérêts alloués au salarié, en fonction des éléments de preuve apportés par ce dernier (ex. 1500 euros pour un salarié dont le nom et la photo sont restés publiés sur le site internet de son employeur postérieurement à son licenciement, pendant 6 mois : CA Chambéry 21-4-2009 n° 08-2089).
L’employeur souhaitant utiliser l’image des salariés doit leur proposer de signer une convention d’utilisation de leur image.
Cette autorisation doit être limitée dans le temps et lister les supports sur lesquels elle porte :
Le cas échéant, la convention peut définir une zone géographique (ex. panneaux publicitaires montrant des salariés d’une enseigne de bricolage dans telle ou telle région).
L’utilisation du droit à l’image peut être délivrée à titre gratuit ou faire l’objet d’une contrepartie sous forme de salaire.
Enfin, il est recommandé de prévoir le sort de l’autorisation d’utilisation du droit à l’image en cas de rupture du contrat de travail (est-elle maintenue ? Prend-elle fin ?).
La rupture du contrat de travail n’entraîne pas nécessairement l’interdiction, pour l’employeur, d’exploiter l’image de son ancien salarié.
Ainsi, est valable la clause du contrat de travail par laquelle, lors de son embauche, une salariée, partie prenante du spectacle organisé à Euro Disney (aujourd’hui Disneyland Paris), accepte d’être enregistrée photographiquement ou filmée dans le cadre de ses fonctions en autorisant l’usage de ces documents durant sa collaboration et pendant une durée ultérieure de 10 ans après sa cessation, alors que la salariée n’établit ni n’allègue que son consentement à une clause qui n’a rien d’exorbitant ait été vicié de quelque manière [7].
Une durée de 10 ans après la rupture du contrat de travail a été jugée raisonnable [8].
A l’inverse, un salarié dont la photo est restée publiée sur le site internet de son employeur postérieurement à son licenciement subit un préjudice qui doit être indemnisé au titre du droit à l’image, dès lors que l’employeur n’avait pas mis à jour immédiatement le site internet et ne pouvait justifier de l’autorisation de son ancien salarié [9].
La convention d’utilisation du droit à l’image peut donc prévoir que la rupture du contrat de travail entraîne l’interdiction de l’utilisation de l’image du salarié.
La rémunération due au mannequin au titre de la cession de ses droits pour l’exploitation de l’enregistrement de sa présentation doit être distincte de la rémunération de sa prestation initiale.
En effet, la rémunération due au mannequin à l’occasion de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de sa présentation par l’employeur ou tout autre utilisateur n’est pas considérée comme salaire [10] :
L’Administration [11] a précisé que la rémunération due à l’occasion de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de la présentation du mannequin dès que sa présence physique n’est plus requise doit correspondre à la facturation du droit pour l’utilisateur de diffuser l’image du mannequin.
Cette rémunération ne doit pas se substituer à la partie salariale de la rémunération du mannequin, mais s’y ajouter, ni conduire à la minoration des horaires de travail réellement effectués.
Ces horaires doivent pouvoir être contrôlés tant par l’administration compétente que par les organismes sociaux, au moyen soit d’une feuille d’horaires, soit par la mention de l’heure de début et de fin de prestation indiquée sur un des exemplaires du contrat de mise à disposition.
Xavier Berjot Avocat Associé au barreau de Paris Sancy Avocats [->xberjot@sancy-avocats.com] [->https://bit.ly/sancy-avocats] LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b[1] CA Douai 31-1-2012, n° 11/00586.
[2] CA Versailles 11-5-2004, n° 03-3256.
[3] CA Basse-Terre 8-11-2021, n° 19/01738.
[4] CA Grenoble 27-1-2003, n° 99-4102.
[5] Cass. soc. 19-1-2022, n° 20-12.420.
[6] Cass. soc. 14-2-2024, n° 22-18.014.
[7] CA Paris 18-10-1994, n° 94-30596.
[8] CA Paris 18-10-1984, n° 94-30596 ; Cass. soc. 18-12-1996, n° 93-44.825.
[9] CA Chambéry 21-4-2009, n° 08-2089.
[10] C. trav. art. L7123-6.
[11] Circ. DGT/DPM 2007-19 du 20-12-2007, III, A, b : BOMT 2008/01 du 30-1-2008.
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