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Le cautionnement : le rôle de la fiche de renseignements dans l’appréciation de la disproportion. Par Nathalie Aflalo, Avocat.
Parution : mardi 30 avril 2024
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Nouvelle précision donnée par la Cour de cassation : arrêt en date du 13 mars 2024 n°22-19.900
La Cour de cassation dans un arrêt en date du 13 mars 2024 précise, qu’en matière de cautionnement et d’analyse de la disproportion, une fiche de renseignement donnée postérieurement à l’engagement de caution ne peut être retenue.
L’analyse de cet arrêt est un moyen de revenir sur le contentieux abondant de la disproportion du cautionnement, du moins avant l’ordonnance en date 21 septembre 2021.

1 - La disproportion de l’acte de cautionnement.

Pour rappel, les concours financiers accordés aux sociétés (ouverture d’un compte courant, prêt professionnel…) sont généralement assortis de garanties, dont la caution solidaire du dirigeant.

La caution s’engage sur ses revenus et biens, en rédigeant la mention manuscrite suivante :

« En me portant caution dans la limite de la somme de X euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts, et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de X mois, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si la société Y n’y satisfait pas elle-même.
En renonçant au bénéfice de discussion de l’article 2298 du Code Civil et en m’obligeant solidairement avec la société Y, je m’engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive préalablement la société Y.
 ».

Le principe de proportionnalité est inhérent à cette garantie. Posé depuis 2016 par l’article L332-1 du Code de la consommation, et précédemment par l’article L341-1 du Code de la consommation, il s’applique au contentieux du cautionnement jusqu’à l’entrée en vigueur au 01.01.2022, de l’ordonnance en date du 15 septembre 2021.

Aux termes de cet article :

« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».

Est ainsi posé le principe de la proportionnalité entre le montant auquel s’engage la caution dans l’acte de cautionnement et ses biens et revenus nets, dont il dispose, par ailleurs.

L’essence de cet article, étant que, la caution au moment T où elle s’engage doit financièrement être capable de rembourser au créancier, si un jour elle est appelée, les sommes dues au titre de l’opération garantie et dans la limite du montant cautionné.

Le banquier doit connaître ainsi sa capacité financière, avant de recueillir cet acte. Sa responsabilité pourrait par ailleurs être engagée, face à une caution non avertie.

Par ailleurs et en matière d’analyse de la disproportion, celle-ci s’analyse à deux moments :

a) Au jour de la signature des actes de cautionnement, la charge de la preuve de la disproportion incombant à la caution.

b) Si les cautionnements sont considérés comme disproportionnés, la Banque doit démontrer un retour à meilleure fortune : au jour de l’assignation.

Et c’est dans ce cadre juridique rigoureux que la fiche de renseignements revêt toute son importance.

2 - Rôle de la fiche de renseignements.

Il est intéressant de relever qu’aucun texte juridique ne vient régir l’existence de cette fiche.

Néanmoins, elle est en général largement utilisée par les établissements bancaires, puisqu’il s’agit in fine de déterminer si le patrimoine de la caution (biens et revenus) est suffisant pour garantir l’opération en cours, in fine dans l’hypothèse d’une défaillance de l’emprunteur principal.

C’est ainsi, et alors que la rédaction de l’aspect formel de la fiche de renseignements revient à l’établissement bancaire, il ressort de manière constante que sont demandés à la caution, le montant de ses revenus professionnels et autres, la valeur de son épargne, la nature et valeur de ses biens immobiliers, ainsi que ses emprunts immobiliers, dettes, et autres engagements de cautionnements.

Par ailleurs, les éléments portés sur ladite fiche, sont difficilement contestables par une caution qui, ayant voulu obtenir un concours financier pour sa société aurait artificiellement valorisé les valeurs constituant son patrimoine.

La fiche est donc difficilement contestable sauf anomalie apparente, jurisprudence constante de la Cour de cassation.

Néanmoins, il ne fait nul doute, qu’elle constitue la pièce maîtresse dans l’analyse de la disproportion.

Pour les conseils, elle permet de déterminer si l’engagement de la caution dans son quantum est disproportionné à son patrimoine (biens et revenus).

3 - La portée de l’arrêt de la Cour de cassation en date du 13 mars 2024.

Dans ce cadre, la portée de l’arrêt de la Cour de cassation est primordiale car cet arrêt réaffirme la temporalité et l’obligation de connaître le patrimoine de la caution si ce n’est antérieurement à la signature ad minima au jour de la signature de l’acte.

Si l’article L341-4 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, n’impose pas au créancier de vérifier les déclarations fournies par la caution, à qui il incombe de prouver la disproportion manifeste de son engagement, le créancier a le devoir de s’enquérir de la situation patrimoniale de cette dernière avant la souscription du cautionnement de sorte qu’elle ne peut être tenue compte pour l’appréciation de la disproportion, d’une fiche de renseignement signée postérieurement.

En l’espèce, le cautionnement avait été conclu le 4 juillet 2008 et la fiche de renseignements le 11 août 2008, soit plus d’un mois plus tard.

La règle est claire : le banquier ne peut se prévaloir d’une fiche de renseignements postérieure à la signature de l’acte caution.

Enfin, l’ordonnance en date n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 a réformé le droit des sûretés, et en particulier le cautionnement.

Néanmoins, s’agissant des cautionnements souscrits postérieurement au 1ᵉʳ janvier 2022, le contentieux lié à la fiche de renseignements semble transposable à ces derniers, dont cet arrêt.

Nathalie Aflalo, Avocat Barreau de Paris www.aflalo-avocat.fr [->avocat.aflalo@yahoo.fr]