Village de la Justice www.village-justice.com |
Dissimulation d’une relation amoureuse à son employeur et licenciement disciplinaire. Par Kevin Bouleau, Avocat.
|
Parution : mardi 11 juin 2024
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/lorsque-dissimulation-une-relation-amoureuse-travail-devient-fautive,49992.html Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur. |
En principe, un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation de son contrat de travail (Cass. ass. plén., 22 décembre 2023, n° 21-11.330).
Dans un arrêt rendu le 29 mai 2024 (Cass. Soc., 29 mai 2024, n° 22-16.218), la Chambre sociale de la Cour de cassation applique cette exception, considérant qu’en dissimulant sa relation amoureuse, en rapport avec ses fonctions professionnelles et de nature à en affecter le bon exercice, ce dernier avait manqué à son obligation de loyauté justifiant un licenciement disciplinaire.
En l’espèce, un salarié exerçait des fonctions de direction. En particulier, il était en charge des ressources humaines et détenait plusieurs délégations de pouvoirs en matière d’hygiène, de sécurité et d’organisation du travail. Il présidait également les instances représentatives du personnel au sein de la société.
Le salarié était par la suite licencié pour faute grave, son employeur lui reprochant un conflit d’intérêt et un acte de déloyauté.
Dans le courrier de notification du licenciement, il lui était reproché d’avoir caché depuis plusieurs années une relation amoureuse avec une salariée exerçant des mandats de représentation syndicale et de représentation du personnel.
Le salarié contestait le bien fondé de son licenciement devant la juridiction prud’homale.
Débouté de ses demandes, ce dernier formait un pourvoi en cassation, considérant que le silence gardé sur un fait relevant de sa vie privée ne saurait être vu comme une méconnaissance des obligations découlant de son contrat de travail.
Il estimait également qu’un manquement à son obligation de loyauté ne pourrait être considéré qu’en présence d’un préjudice pour la société, ce qui n’était pas selon lui le cas en l’espèce.
La Cour de cassation confirmait l’arrêt de la cour d’appel (CA Nîmes, 15 mars 2022, chambre sociale), soulignant que cette liaison impliquait une représentante du personnel, qui s’était notamment investie dans des mouvements de grève ainsi que lors de la mise en œuvre d’un projet de réduction des effectifs, et participait à des réunions présidées par le salarié licencié et au cours desquelles avaient été abordés des sujets sensibles relatifs à des plans sociaux.
Ainsi, elle considérait que la liaison litigieuse était en rapport avec les fonctions professionnelles du salarié et de nature à en affecter le bon exercice, de sorte qu’en la dissimulant à son employeur, le salarié avait manqué à son obligation de loyauté.
Enfin, la haute juridiction précisait qu’il importe peu qu’un préjudice pour l’employeur soit ou non établi.
Ainsi, selon le contexte, la dissimulation d’une relation amoureuse au travail peut conduire à un licenciement pour faute grave.
La frontière entre vie privée et professionnelle du salarié s’apprécie dans cet arrêt au regard des obligations contractuelles du salarié, à savoir ses fonctions au sein de la société.
Kevin Bouleau Avocat au Barreau de Paris Cabinet Ekipe Avocats http://ekipe-avocats.comCet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion, plus d'infos dans nos mentions légales ( https://www.village-justice.com/articles/Mentions-legales,16300.html#droits ).