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Le médecin traitant peut diagnostiquer un burn-out. Par Xavier Berjot, Avocat.
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Parution : mardi 18 juin 2024
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Le médecin traitant, en tant que professionnel de santé extérieur à l’entreprise, n’est généralement pas en mesure de connaître les conditions de travail de son patient, sauf via les informations fournies par ce dernier. Ainsi, les avis des médecins traitants mentionnant une situation de burn-out ou de souffrance au travail sont parfois source de litiges. Le Conseil d’Etat (CE 28-5-2024, n° 469089) vient de rendre une décision sur le sujet.
L’article L162-4-1 du Code de la Sécurité sociale prévoit que les médecins sont tenus de mentionner, sur la prescription d’arrêt de travail destinée au service du contrôle médical, dont la transmission conditionne le versement au salarié des indemnités journalières, « les éléments d’ordre médical justifiant l’interruption de travail ».
Ainsi, lorsque le salarié est victime d’un burn-out et qu’il décrit son état à son médecin traitant, il peut sembler légitime que ce dernier en fasse état sur la prescription d’arrêt de travail.
Cependant, aux termes de l’article R4127-28 du Code de la santé publique :
« La délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite ».
L’article 28 du Code de déontologie médicale reprend ces dispositions règlementaires que le Conseil National de l’Ordre des médecins éclaire en ces termes [1] :
Pour le Conseil d’Etat, l’employeur est recevable à introduire une plainte disciplinaire à l’encontre du médecin traitant, dans la mesure où les mentions portées sur le certificat médical produit par le salarié devant le Conseil de prud’hommes peuvent lui porter préjudice [2].
La Fédération des Médecins de France illustre la problématique rencontrée par les médecins confrontés à cette situation :
« Les CDOM [3] se trouvent ainsi surchargés par ces dossiers où le médecin est mêlé, malgré lui, dans un conflit employeur-employé. Cela représente plusieurs dossiers chaque mois.
Lors des conciliations, les conseillers ont beau argumenter :
Le 9 octobre 2020, la Chambre disciplinaire de première instance du Grand Est de l’Ordre des médecins a infligé un avertissement à un médecin généraliste pour avoir délivré un avis portant, dans la rubrique « éléments d’ordre médical », la mention « burn out ».
Le 22 septembre 2022, sa décision a été confirmée par la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins.
Au soutien de sa décision, la Chambre disciplinaire a invoqué la recommandation de bonne pratique de la Haute Autorité de santé, en date du 22 mai 2017.
Selon cette dernière :
Ainsi, pour la Chambre disciplinaire, le médecin incriminé ne pouvait pas
« pour motiver la prolongation de l’arrêt de travail par l’existence d’un burn out, se fonder sur les seules déclarations de M. A... indiquant que son stress et son angoisse trouvaient leur origine dans son activité professionnelle sans disposer de l’analyse de ses conditions de travail émanant notamment du médecin du travail ».
Cette décision est annulée par Conseil d’Etat, pour lequel la seule circonstance que le médecin ait fait état de ce qu’il avait constaté l’existence d’un syndrome d’épuisement professionnel, sans disposer de l’analyse des conditions de travail du salarié émanant notamment du médecin du travail, ne saurait caractériser l’établissement d’un certificat tendancieux ou de complaisance au sens des dispositions de l’article R4127-28 du Code de la santé publique.
Pour la Fédération des Médecins de France
« les élus ordinaux de tout le pays attendent avec impatience la décision de la chambre disciplinaire nationale qui va devoir rejuger cette affaire » [5].
Xavier Berjot Avocat Associé au barreau de Paris Sancy Avocats [->xberjot@sancy-avocats.com] [->https://bit.ly/sancy-avocats] LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b[1] Site conseil-national.medecin.fr.
[2] CE 11-10-2017, n° 403576.
[3] Conseil National de l’Ordre des Médecins.
[4] FMFpro.org ; Dr Marcel Garrigou-Grandchamp.
[5] FMFpro.org ; Dr Marcel Garrigou-Grandchamp.
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