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Le Président de la République peut-il empêcher la nouvelle Assemblée nationale de se réunir ? Par Paul de Vaublanc, Juriste.
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Parution : mercredi 3 juillet 2024
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Imaginons un instant que le chef de l’État prononce à nouveau la dissolution du Palais Bourbon moins d’un an après l’avoir décidée contrevenant ainsi à l’article 12 de la Constitution [1].
Autre hypothèse, le chef de l’État empêche l’Assemblée nationale de se réunir !
La France pourrait-elle de nouveau se voir dépourvue de députés ?
Ce serait sans compter sur la résurrection d’une loi jamais appliquée, mais toujours en vigueur : la loi du 15 février 1872, dite Tréveneuc.
Ce texte adopté après la Commune de Paris précise que si l’Assemblée nationale est illégalement dissoute ou empêchée de se réunir, les Conseils généraux (départementaux) doivent s’assembler immédiatement et de plein droit.
Elle prévoit ainsi qu’« une assemblée composée de deux délégués élus par chaque conseil général (départemental), en comité secret, se réunit dans le lieu où se seront rendus les membres du Gouvernement légal et les députés qui auront pu se soustraire à la violence ».
Cette même assemblée « est chargée de prendre, pour toute la France, les mesures urgentes que nécessite le maintien de l’ordre ».
Elle pourvoit provisoirement à l’administration générale du pays.
Pour l’Assemblée nationale, il s’agit d’une loi de circonstance, inappliquée depuis près d’un siècle et demi.
Relevant, en 2009, sans le développer, « l’existence d’autres dispositifs constitutionnels ou législatifs permettant aux pouvoirs publics d’agir en cas de circonstances exceptionnelles », le rapporteur de la commission des lois admet que son abrogation « si elle peut sembler justifiée, dépasse cependant le cadre d’un simple toilettage des textes ».
Ainsi, la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit renonça à abroger cette loi de 1872.
Jamais mise en œuvre, la loi Tréveneuc a cependant déjà été mise en avant.
Ainsi, peu de temps après l’Appel du 18 juin, le général de Gaulle évoqua, dans un discours de novembre 1940, cette législation. Il souligna qu’à la suite de la débâcle et « à défaut d’un Parlement libre et fonctionnant régulièrement, la France aurait pu faire connaître sa volonté par la grande voix de ses Conseils généraux ».
Et de poursuivre : « Les Conseils généraux auraient même pu, en vertu de la loi du 15 février 1872, et vu l’illégalité de l’organisme de Vichy, pourvoir à l’administration générale du pays ».
À noter aussi que la loi du 17 mai 2013 – qui transforme le Conseil général en Conseil départemental et le conseiller général en conseiller départemental – conserve ce texte vieux de 150 ans.
Les prochaines élections départementales de mars 2028 sont sans doute plus importantes qu’il n’y parait…
[1] Le Président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des Présidents des Assemblées, prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale.
Les élections générales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution.
L’Assemblée nationale se réunit de plein droit le deuxième jeudi qui suit son élection. Si cette réunion a lieu en dehors de la période prévue pour la session ordinaire, une session est ouverte de droit pour une durée de quinze jours.
Il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l’année qui suit ces élections
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