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Engagement d’une procédure disciplinaire à l’encontre du fonctionnaire : règles et principes applicables, réflexes en matière de défense. Par Julien Di Stephano, Avocat.
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Parution : mardi 23 juillet 2024
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Le fonctionnaire peut faire l’objet de sanctions disciplinaires pour toute faute commise dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, sans préjudice le cas échéant, des sanctions prévues par le Code pénal [1].
À ce titre, le fonctionnaire informé qu’une procédure disciplinaire est engagée à son encontre se doit de connaître les règles et principes en la matière, afin de pouvoir exercer pleinement ses droits tout au long de la procédure, de l’établissement de sa stratégie de défense à la contestation éventuelle de la sanction prononcée.
Article actualisé par son auteur en février 2025.
L’article L532-2 du Code général de la Fonction publique encadre le délai dans lequel une procédure disciplinaire peut être engagée à l’encontre d’un fonctionnaire.
Ainsi, par principe, aucune procédure disciplinaire ne peut normalement être engagée à son encontre après un délai de trois ans qui commence à courir à « compter du jour où l’administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits passibles de sanction ».
Néanmoins, en cas de poursuites pénales exercées à l’encontre du fonctionnaire, ce délai peut être interrompu jusqu’à la décision définitive de classement sans suite, de non-lieu, d’acquittement, de relaxe ou de condamnation.
L’article L532-2 du Code général de la fonction publique prévoit enfin que, passé le délai de trois ans et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire aurait été engagée à l’encontre du fonctionnaire avant l’expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d’une procédure disciplinaire.
Il importe donc de vérifier ce délai lorsque l’autorité disciplinaire décide d’engager une procédure disciplinaire à l’encontre de l’un de ses agents.
En cas de non-respect, le fonctionnaire pourra chercher à s’en prévaloir pour faire cesser la procédure ou faire constater l’illégalité de la sanction prononcée.
Quelles que soient les sanctions envisagées à l’encontre d’un fonctionnaire, ce dernier a droit à l’assistance d’un ou de plusieurs défenseurs de son choix lorsqu’une procédure disciplinaire est engagée à son encontre [2].
Il appartient ainsi à l’administration d’informer l’agent de son droit à l’assistance de défenseurs de son choix pour sécuriser la procédure.
À défaut, le fonctionnaire pourrait se prévaloir d’une telle omission pour obtenir l’annulation de la sanction prononcée à son encontre.
Selon l’article L532-4 du Code général de la fonction publique, lorsqu’une procédure disciplinaire est engagée à l’encontre d’un fonctionnaire, l’administration doit l’informer de son droit à communication de l’intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes.
L’article 65 de la loi du 22 avril 1905 prévoit encore que tous les militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d’être l’objet d’une mesure disciplinaire ou d’un déplacement d’office, soit avant d’être retardés dans leur avancement à l’ancienneté.
Le droit à la communication du dossier individuel et disciplinaire constitue une garantie essentielle pour le fonctionnaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée.
En effet, c’est à partir de ces éléments qu’il pourra élaborer une stratégie de défense pertinente.
Ainsi, après avoir pris connaissance des manquements qui lui sont imputés, le fonctionnaire pourra contester tout ou partie des faits reprochés et notamment, parmi ces faits, ceux qui ne sont assortis d’aucune preuve. Il pourra également contester le caractère fautif des faits reprochés.
Pour l’administration, c’est également sur la base de ces éléments qu’elle pourra sécuriser la procédure et établir la matérialité des fautes retenues à l’encontre du fonctionnaire pour le sanctionner.
A la suite de plusieurs décisions rendues par le Conseil constitutionnel [3] et le Conseil d’État [4], le droit de se taire a finalement été étendu à la procédure disciplinaire des fonctionnaires.
Ce droit impose désormais à l’administration d’informer l’agent disciplinairement poursuivi du droit qu’il a de se taire avant qu’il soit entendu sur les manquements reprochés.
Le droit de se taire doit être notifié selon certaines modalités, dont la méconnaissance est susceptible d’entraîner l’annulation de la sanction prononcée.
Pour davantage de précisions sur les modalités de notification et le régime juridique applicable [5].
Enfin, dans la mesure où les déclarations d’inconstitutionnalité prononcées par le Conseil constitutionnel peuvent être invoquées dans toutes les instances non encore jugées définitivement, il en résulte que de nombreuses sanctions déjà prononcées - y compris il y a plusieurs années - sont encore aujourd’hui susceptibles d’être annulées par le juge administratif.
Pour s’en assurer, il convient également de vérifier le caractère définitif ou non de la sanction prononcée, et le cas échéant de la décision juridictionnelle rendue par le juge administratif, afin de déterminer si une voie de recours est toujours ouverte.
L’article L211-2 du Code des relations entre le public et l’administration, également applicable aux fonctionnaires, prévoit que les sanctions doivent être motivées.
L’article L211-5 du même Code énonce que la motivation doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision.
Ainsi, il appartient à l’autorité disciplinaire de préciser, dans sa décision, les griefs qu’elle entend retenir à l’encontre de l’agent, afin notamment de lui permettre de connaître précisément les motifs de la sanction.
Enfin, la sanction prononcée à l’encontre du fonctionnaire devra être proportionnée aux fautes et manquements qui lui sont reprochés, à défaut de quoi elle pourra être annulée par le juge administratif s’il est saisi par le fonctionnaire sanctionné.
Dans le cas d’un tel recours, le juge administratif exercera un contrôle de la sanction prononcée en vérifiant notamment :
Pour s’assurer de la proportionnalité de la sanction, il pourra ainsi être tenu compte d’éventuels antécédents disciplinaires du fonctionnaire, des fonctions exercées et du niveau de responsabilité assumé par le fonctionnaire, et des sanctions qui ont pu être prononcées légalement dans des situations similaires.
En conclusion, le fonctionnaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée bénéficie de garanties qu’il importe de connaître et de maîtriser, afin de lui permettre d’exercer ses droits et pour sécuriser la procédure.
Dans le cas, notamment, où la procédure ne serait pas respectée, le fonctionnaire concerné pourra utilement envisager de saisir le juge administratif en vue d’obtenir l’annulation de la sanction prononcée à son encontre.
Julien Di Stephano Avocat au Barreau de Paris www.jdistephano-avocat.fr[1] Article L530-1 du Code général de la Fonction publique.
[2] Article L532-4 du Code général de la fonction publique.
[3] Décision n° 2024-1105 QPC du 4 octobre 2024.
[4] Conseil d’État, 19 décembre 2024, n° 490157 et Conseil d’État, 6 janvier 2025, n° 471653.
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