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L’obligation de sécurité de l’employeur. Par Lucile Quenet, Avocate.
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Parution : lundi 29 juillet 2024
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L’existence d’une obligation de sécurité au travail pesant sur l’employeur est affirmée pour la première fois en 2002 par la Cour de cassation, à l’occasion de plusieurs affaires de maladies professionnelles dues à l’amiante : « en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l’entreprise » [1].
Depuis, l’obligation de sécurité de l’employeur est devenue légale [2] et, non plus seulement contractuelle ; mais surtout, elle s’est généralisée à tous les domaines liés à la protection de la santé et à la sécurité des salariés, allant ainsi au-delà de la prévention des accidents du travail et maladies professionnelles.
L’objet de cet article est de proposer un examen des mesures prises par l’employeur dans le cadre de son obligation de sécurité.
En vertu de ces dispositions légales, l’employeur doit ainsi prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
En complément de ce texte, l’article L4121-2 du Code du travail édicte les principes généraux de prévention sur lesquels se fondent les mesures prises par l’employeur (éviter et évaluer les risques, adapter le travail à l’homme, remplacer ce qui est dangereux, donner des instructions appropriées aux travailleurs…).
Le respect par l’employeur de son obligation de sécurité se mesure alors :
Depuis 2015, la Cour de cassation semble reconnaître une obligation de moyens renforcée plutôt qu’une obligation de résultat : l’employeur n’est pas tenu de parvenir à un résultat déterminé, mais est tenu de prouver qu’il a mis en œuvre toutes les mesures de préventions nécessaires [3].
En ce sens, une jurisprudence récente vient sévèrement rappeler que, dès lors que le salarié invoque un manquement à l’obligation de sécurité, les juges doivent rechercher si l’employeur a bien mis en place les mesures nécessaires.
Ce rappel est sévère en ce sens que, dans cette affaire, une salariée avait été placée en arrêt par suite d’une agression sur son lieu de travail, puis à sa reprise, victime d’un malaise pris en charge comme accident du travail. Reconnue inapte, l’employeur avait procédé à son licenciement pour impossibilité de reclassement.
La Cour de cassation a considéré, malgré le fait que la salariée ne justifiait par aucun élément de cette agression, ni de la reconnaissance par l’employeur de cette agression, que dans la mesure où la salariée avait invoqué un manquement, les juges étaient tenus de rechercher si des mesures de sécurité avaient été prises. En d’autres termes, la Cour d’appel aurait dû rechercher si l’employeur avait pris toutes les mesures nécessaires pour faire cesser des agissements qui n’étaient ni prouvés, ni reconnus [4].
Cependant, par un arrêt du même jour, la Haute juridiction estime que l’employeur ne peut être sanctionné pour manquement à son obligation de sécurité si la Cour d’appel n’a pas précisément examiné les mesures qu’il soutenait avoir mises en place [5].
À la lumière de ces développements, que conseiller à l’employeur ?
Plusieurs arrêts illustrent l’existence de mesures de prévention nécessaires et suffisantes dégageant l’employeur de sa responsabilité.
Il sera cité les éléments suivants :
En cas de harcèlement moral :
En cas de harcèlement sexuel :
En définitive, l’employeur doit toujours mettre en exergue sa démarche de prévention et d’évaluation des risques.
Lucile Quenet, Avocate au Barreau de Paris, Lumel Associées.[1] Cass.soc., 28 février 2002, n°00-10.051.
[2] Article L4121-1 du Code du travail.
[3] Cass.soc., 25 novembre 2015, n°14-28.870.
[4] Cass.soc., 3 juillet 2024, n°23-10.947.
[5] Cass.soc., 3 juillet 2024, n°23-13.865.
[6] Cass.soc., 7 décembre 2022, n°21-18.114.
[7] Cass.soc., 18 janvier 2023, n°21-23.796.
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