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![]() RSE et directions juridiques : sortir de la "confort-mité".
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Parution : jeudi 29 août 2024
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La Responsabilité Sociétale et Environnementale (RSE) et les politiques ESG (Environnement, Social, Gouvernance) se sont progressivement imposés dans le quotidien des entreprises. Les nouvelles « réglementations [en la matière] visent à renforcer la transparence des acteurs et à structurer une information RSE homogène et normalisée, au niveau de ce qui se pratique en matière d’information financière. » [1].
Or, nous le savons, la norme juridique et les obligations de mise en conformité sont de puissants leviers de transformation des organisations. Logiquement dès lors, le Baromètre ESG-RSE et Directions Juridiques 2024 réalisé par PwC-AFJE [2] révèle que les directions juridiques ont un potentiel important à exploiter pour accompagner la transition ESG-RSE et devenir des contributeurs aussi incontournables, que stratégiques des entreprises. Ici comme ailleurs, le droit au cœur du business !
Mais l’étude montre également « le défi paradoxal » pesant sur les directions juridiques : avec un niveau global de maturité assez faible sur ces sujets, elles vont devoir évoluer pour renforcer leur rôle, leur crédibilité et leur légitimité. La bonne nouvelle est qu’au-delà des constats, le baromètre propose 4 plans d’action, selon le profil du couple entreprise-DJ concerné.
Les constats du Baromètre ESG-RSE et Directions Juridiques 2024 sont sans appel : le sujet n’a pas encore été appréhendé à sa juste mesure, indépendamment du chiffre d’affaires de l’entreprise.
En effet :
Selon les résultats de l’enquête menée auprès des juristes, le sujet ESG-RSE est d’abord cité comme un sujet de conformité, avant d’être considéré comme un enjeu réputationnel, puis business et enfin comme un enjeu stratégique.
C’est particulièrement vrai pour les plus petites entreprises (moins de 100 millions d’€ de chiffre d’affaires) ; à partir de 100 Millions d’€, les entreprises l’envisagent davantage comme un enjeu stratégique et business.
Or, comme le soulignent Sylvain Lambert, Associé Développement durable, PwC France et Maghreb et Fabien Radisic, Associé, ESG Leader, PwC Société d’Avocats, « adresser [la CSRD] avec une vision de compliance et de reporting est l’erreur à ne pas faire. Bien sûr il faut être conforme, bien sûr il faudra produire un reporting, mais c’est un texte qui traite de stratégie et de performance avant tout ».
Quel que soit le sujet ESG-RSE, il n’y a pas d’organisation "type" pour le piloter. Le baromètre met néanmoins en lumière 2 points saillants sur les directions métiers :
Au-delà de ces constats, deux idées-clés :
Il ressort de l’enquête que le sujet ESG est d’abord traité sous l’angle "E" (Environnement). Et, ce, quelle que soit la direction pilote de l’ESG-RSE et quel que soit le CA de l’entreprise.
Néanmoins, le secteur d’activités a un impact sur cette focalisation : la focale est placée sur le S (Social) pour les secteurs du BTP-Construction, des Médias-Édition-Communication, et la Pharma.-Santé.
Autre leçon du baromètre : si l’entreprise tend vers le "E", le Juridique, lui, tend vers le "G" (gouvernance).
Comme l’explique l’étude, il n’y a rien de très surprenant à ce que les directions juridiques déclarent être principalement impliquées sur les sujets de gouvernance, en raison de l’assimilation assez systématique et culturelle de l’aspect Gouvernance au Réglementaire et au Corporate, donc au Juridique.
Parallèlement, la moindre implication du Juridique sur les sujets Environnement s’expliquerait par l’absence de compétences spécifiques au sein des directions juridiques. Une difficulté renforcée par le fait que le sujet est "éclaté" entre différentes directions.
Tout ceci n’aiderait ainsi pas la DJ « à matérialiser et structurer le périmètre de ses missions et négocier des ressources pour développer ces compétences en interne ».
Autre enseignement, assez surprenant : malgré le désalignement sur les priorités ESG, 91% des directions juridiques considèrent que la répartition E, S, G de l’entreprise est appropriée ! 38% pensent même que cette répartition n’évoluera pas.
L’étude en conclut que « si l’entreprise garde les mêmes priorités, alors ce sera à la Direction Juridique d’évoluer pour devenir un partenaire crédible sur les priorités de l’entreprise ».
Une nouvelle occasion de souligner le rôle moteur que peuvent endosser les DJ dans la conduite des activités des opérateurs économiques.
Un dépit du constat précédent, sur la place stratégique du Juridique, l’analyse de l’enquête met en évidence le fait que la fonction juridique ne se considère pas (encore) comme un acteur clef sur les sujets ESG-RSE.
Elle reste dans sa zone d’expertise. D’ailleurs, sur le court terme, la majorité des juristes interrogés ne voit pas d’évolution du périmètre de leur direction avec les sujets ESG-RSE, sauf dans les entreprises de plus de 10 milliards d’€ (7,1/10).
Pour se réaligner avec l’entreprise, le Juridique va donc devoir démontrer sa capacité à développer, en matière d’Environnement, une vision plus large que celle de la seule conformité juridique. Et l’étude d’en conclure que les juristes vont devoir sortir de leur zone de confort, pour aller vers le "E" et le "S".
Le désalignement des priorités précédemment évoqué n’implique pas l’immobilisme.
Plusieurs éléments sont identifiés comme vecteurs de l’évolution du périmètre d’intervention de la DJ :
Les juristes priorisent le renforcement de leurs compétences juridiques et réglementaires, en développant la veille juridique et prospective. Une perspective qui semble, en effet, comme le mentionne le baromètre, « logique et légitime dans le contexte d’inflation normative ».
Nécessité faisant loi, avec les impératifs de production quotidienne, la priorité est naturellement donnée à la maîtrise de la « matière première » qu’il est question de mettre en œuvre.
Les juristes sont aussi bien conscients qu’il va aussi être nécessaire de :
Notons à la suite de l’étude, que la compétence "transverse", non-juridique, de maîtrise des outils et des méthodes d’évaluation, de reporting et de communication sur les impacts ESG-RSE de l’entreprise n’apparait qu’en 4e position des priorités.
Or, selon l’étude, ces compétences transverses et soft sont précisément celles permettant de crédibiliser la direction juridique sur les sujets ESG-RSE.
Il est vrai que l’appréhension des différents aspects de l’ESG-RSE requiert une approche systémique et une compréhension globale des interactions complexes et interdépendantes. À l’instar d’autres secteurs juridiques hybrides, le droit de l’environnement par exemple met en jeu des compétences non seulement juridiques, mais aussi scientifiques-sciences "dures" et techniques.
Les marges de progression sont ainsi multiples, pour un chantier au long cours. On y verra évidemment une large ouverture dans les options de formation des juristes d’entreprises et une opportunité de diversification des profils et, avec des marges de progression aussi larges que diversifiées, pour un chantier au long cours.
L’étude le rappelle d’emblée [3], les politiques RSE/ESG ont des impacts certains pour les équipes juridiques :
Au vu de ces enjeux, se pose alors, comme souvent, la question de savoir comment faire. Sans surprise, il n’y a pas de formule magique pour construire sa feuille de route. Et, ce d’autant que les variantes à prendre en considération sont multiples. L’une d’entre elles concerne l’objet même du baromètre : la maturité de l’entité et celle de son équipe juridique.
Si les juristes se positionnent globalement au même niveau de maturité que le reste de l’entreprise (voir supra), 4 grands profils de fonctions juridiques ont pu être identifiés :
Partant, le baromètre PwC-AFJE explore différents leviers d’intégration des sujets ESG-RSE, avec 4 plans d’action. Pour chacun des profils, des préconisations sont partagées sur les aspects suivants :
Des pistes à consommer sans modération !
A. Dorange Rédaction du Village de la Justice[1] S. Lambert, & F. Radisic, in Pwc-AFJE, Baromètre ESG-RSE et Directions Juridiques, juill. 2024, p. 4, www.pwcavocats.com/fr/ouvrages-et-etudes/2024/barometre-esg-rse-2024.html
[2] PwC-AFJE, juill. 2024, [Baromètre ESG-RSE et Directions Juridiques -Xhttps://www.pwcavocats.com/fr/ouvrages-et-etudes/2024/barometre-esg-rse-2024.html]
[3] J. Rusak, Associé, PwC Legal Business Solutions & N. Dubois, Directrice Juridique FNAC DARTY, Vice-présidente de l’AFJE, Baromètre précité, Édito, p. 2
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