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La Cour de cassation confirme la compétence du juge de l’exécution pour sanctionner les clauses abusives d’un contrat de consommation. Par Paul-Emile Boutmy, Avocat.
Parution : mercredi 7 août 2024
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À la suite de l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation, sur avis de la deuxième chambre civile de la Cour suprême, le 8 février 2023, la Cour de cassation a vite été saisie d’une demande d’avis, laquelle a été rédigée par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris, dans le cadre de son jugement du 11 janvier 2024, sur les conséquences des arrêts rendus les 8 février 2023 et 13 avril 2023 par les chambres commerciales et civiles de la Cour de cassation.

La demande d’avis formulée par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris dans son jugement du 11 janvier 2024 était ainsi formulée :
Le juge de l’exécution :

Dans le cadre de son avis du 11 juillet 2024, la Cour de cassation a répondu :

1. Le juge de l’exécution peut constater dans le dispositif de sa décision le caractère réputé non écrit d’une clause abusive.

2. Le juge de l’exécution, qui répute non écrite une clause abusive, ne peut ni annuler le titre exécutoire ni le modifier. Il ne peut pas non plus statuer sur une demande en paiement, hors les cas prévus par la loi.

3. Le titre exécutoire étant privé d’effet en tant qu’il applique la clause abusive réputée non écrite, le juge de l’exécution est tenu de calculer à nouveau le montant de la créance selon les dispositions propres aux mesures d’exécution forcées dont il est saisi. Il tire toutes les conséquences de l’évaluation de cette créance sur les contestations des mesures d’exécution dont il est saisi. Lorsqu’il constate que le débiteur ne doit plus aucune somme, il doit ordonner la main levée de la mesure.

Ainsi et sans surprise, conformément aux précédentes décisions rendues par la Haute Cour, celle-ci a confirmé que le juge de l’exécution pouvait, dans le dispositif de son jugement, déclarer réputée non écrite comme abusive la clause d’un contrat de consommation ayant donné lieu à une décision de justice définitive ayant fondé les poursuites contestées devant ce magistrat.

Concernant l’application de ce nouveau principe, qui fait exception au principe d’autorité de la chose jugée en matière de clauses abusives pour les clauses ayant pour objet la déchéance du terme, si la Cour de cassation considère que le juge ne peut pas annuler la décision ni la priver de fondement juridique, en ce sens qu’il ne peut pas modifier ladite décision, la troisième partie de la réponse de la Cour de cassation appelle une évolution majeure.
En effet, la Cour de cassation vient préciser que le titre exécutoire est privé d’effet en ce qu’il applique la clause abusive réputée non écrite. Cela signifie que la clause d’échéance du terme et ses conséquences sont privées d’effet exécutoire.

En outre, la deuxième partie de la réponse de la Cour de cassation vient préciser que le juge de l’exécution ne peut pas non plus statuer sur une demande en paiement. Ce qui signifie que si le créancier avait l’intention d’invoquer devant le juge de l’exécution une demande en résolution judiciaire du contrat, cette demande ne peut être formulée devant cette juridiction.
Ainsi, la Cour de cassation impose au juge de l’exécution de recalculer la créance selon les dispositions propres aux mesures d’exécution forcées dont il est saisi.

Il conviendra à présent de déterminer quel est le montant de la créance qui est exécutoire dans le cadre d’un jugement dont toute la partie faisant application de la clause d’échéance du terme s’est vue privée d’effet exécutoire.
Or, il n’est pas illogique de considérer que la créance exécutable est celle correspondant aux échéances impayées au moment de la déchéance (ou au jour de l’obtention du titre exécutoire), puisque c’est la seule partie de la créance constatée par le titre qui soit exécutable et qui a donc bénéficié de l’effet interruptif de prescription attaché au titre exécutoire.

En ce qui concerne la partie de la créance liée au capital restant dû, la banque devra formuler une demande en paiement devant la juridiction compétente, la Cour de cassation ayant rejeté l’option (qui était demandée par les banques) de pouvoir formuler une demande en paiement.

Se posera alors le problème, dans certains cas, et notamment dans les dossiers concernant les sociétés et fonds commun de titrisation spécialisés dans le rachat de créances anciennes (du type EOS FRANCE, Credinvest, Foncred, 1640 Finance, Intrum, Cabot Financial, Cabot securisation limited, Hoist, MCS…) de la prescription de l’action en paiement.
En effet, si la partie du titre exécutoire liée à l’application de la clause de déchéance du terme abusive est privée d’effet exécutoire, il est difficile de considérer que cette partie se voit bénéficier de la durée de prescription des titres exécutoires de 10 ans.

Dans ce cas, si le créancier n’a pas interrompu la prescription tous les deux ans, son action sera déclarée irrecevable comme prescrite. C’est ce point que devront trancher les magistrats à l’avenir.

Paul-Emile Boutmy, Avocat à la Cour d'appel de Paris [->paulemileboutmy@gmail.com] https://www.avocat-boutmy.com

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