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Comprendre le rôle et le fonctionnement de la CARPA : guide pratique pour les justiciables. Par Julien Damay, Avocat.
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Parution : jeudi 26 décembre 2024
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La gestion des fonds déposés par les clients d’avocats ou payés par leur adversaire dans le cadre de procédures judiciaires nécessite des garanties spécifiques. En France, cette mission est assurée par la CARPA (Caisse de Règlements Pécuniaires des Avocats). Cet article vise à éclairer les justiciables sur l’origine, le rôle et le fonctionnement de cette institution.
Les avocats ont été autorisés, après la Seconde Guerre mondiale, par un décret du 10 avril 1954, à manier les fonds de leurs clients, en dehors de la simple gestion de leurs honoraires.
Les CARPA sont des institutions créées par les barreaux (la première CARPA a été créée par l’Ordre des avocats de Paris en 1957) pour sécuriser la gestion des fonds des clients des avocats.
Le fait que les fonds ne transitent pas directement par les comptes bancaires des cabinets d’avocats offrent des garanties de confidentialité des affaires (la comptabilité des cabinets n’est pas couverte par le secret professionnel), de présentation des fonds et de versement au client à un délai déterminé, et de conformité des opérations.
Les CARPA agissent donc en tant qu’intermédiaires : elles ne sont pas propriétaires des fonds, mais en garantissent la gestion temporaire dans un cadre sécurisé.
Selon les données les plus récentes, il existe 102 CARPA pour 164 barreaux, certaines étant issues de fusions entre plusieurs barreaux. Les CARPA répondent donc aux besoins spécifiques des juridictions locales. Au-delà des règles communes supervisées par le Conseil national des barreaux (CNB), chaque CARPA a ses propres procédures internes pour le traitement des fonds, ses délais de vérification et de restitution des fonds, et des procédures adaptées à son barreau.
Pour avoir un ordre de grandeur économique, le montant total des fonds déposés sur les CARPA lorsque vous lirez ces lignes, est supérieur à 3 milliards d’euros pour plus de 2 millions d’opérations effectuées par an.
Une association, l’UNCA (Union Nationale des CARPA), regroupe l’ensemble des CARPA des barreaux de France métropolitaine et d’outre-mer. Elle les aide à satisfaire à leurs obligations et leur fournit une assistance juridique et technique pour :
La CARPA intervient dans diverses situations, notamment :
Les fonds consignés temporairement à la CARPA ne restent pas dormants. Ils sont placés sur des comptes spécifiques qui ne génèrent pas d’intérêts pour le justiciable, car leur gestion vise uniquement à sécuriser les fonds et non à les faire fructifier.
Après vérification des justificatifs, la CARPA transfère rapidement les fonds à leur destinataire légitime.
Avant tout paiement, la CARPA procède à un contrôle rigoureux pour garantir la conformité des montants avec la décision de justice, l’acte ou le protocole, et la bonne affectation des fonds, au créancier légitime.
Exemple pratique :
Dans une affaire prud’homale, une indemnité de 50.000 € est allouée à un salarié par un jugement du conseil de prud’hommes. L’employeur, après le délai de recours, verse cette somme sur le compte CARPA de cette affaire. La CARPA effectue ensuite le transfert des fonds au salarié, conformément à la décision judiciaire et à l’ordre de virement émis par l’avocat du bénéficiaire.
N.B : à chaque affaire est attribuée un numéro unique, correspondant à un RIB unique.
Lorsqu’une affaire est terminée, le compte CARPA correspondant à ce dossier doit afficher un solde rigoureusement nul.
Les délais de traitement des virements par la CARPA sont variables en fonction de l’origine des fonds (certains acteurs comme la Caisse des dépôts, l’Etat, les assureurs, les commissaires de justice sont d’emblée considérés comme fiables et solvables), du montant versé, et des procédures internes de chaque CARPA.
Les fonds sont conservés jusqu’à 21 jours ouvrables pour permettre à la CARPA de vérifier leur légitimité et de prévenir toute tentative de blanchiment d’argent.
A noter que la CARPA de Paris peut exécuter les ordres de paiement dans un délai plus court, de l’ordre de 72 heures, grâce à l’automatisation des processus et à la traçabilité des opérations.
Pour obtenir un virement ou le retrait des fonds, le bénéficiaire doit fournir a minima :
L’avocat du bénéficiaire peut, sous conditions, prélever directement ses honoraires sur les fonds déposés à la CARPA. Il doit pour cela joindre une facture précisant la prestation réalisée, le montant des honoraires demandés, et éventuellement les frais engagés et une autorisation expresse, datée et signée du client mentionnant le montant du prélèvement autorisé.
Les CARPA sont des cibles privilégiées pour des tentatives de fraudes aux virements (faux RIB, usurpation d’identité), favorisées par le développement des échanges électroniques et des outils d’intelligence artificielle. De bonnes pratiques sont donc mises en place pour prévenir ces fraudes :
En cas de problème (délai inhabituel, erreur dans les montants), contactez d’abord votre avocat. Celui-ci peut identifier la cause du blocage et intervenir auprès de la CARPA pour débloquer la situation.
Si le problème persiste la CARPA peut être saisi par le client par une réclamation écrite, tout comme le bâtonnier de l’ordre des avocats, qui pourra intervenir en médiateur.
Les CARPA jouent donc un rôle essentiel dans la sécurisation des fonds. Elles offrent une garantie de transparence et de sécurité pour les justiciables, grâce à leur contrôle rigoureux et leur neutralité.
Julien Damay, avocat au barreau de Dijon Droit du travail https://www.damay-avocats.fr/Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion, plus d'infos dans nos mentions légales ( https://www.village-justice.com/articles/Mentions-legales,16300.html#droits ).