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![]() IA et avocats : la mobilisation de la profession pour accompagner les mutations.
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Parution : mardi 12 novembre 2024
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Le Conseil National des Barreaux (CNB) a créé, en début d’année 2024, un groupe de travail dédié à l’IA, ou, plus exactement, un comité de pilotage chargé d’accompagner et de coordonner la réflexion et le travail effectués au sein des différentes Commissions.
Un travail transverse donc, qui ambitionne de trouver des réponses tant aux enjeux juridiques et éthiques "communs", qu’à ceux qui concernent spécifiquement la profession.
La Rédaction du Village de la Justice a pu consulter le premier rapport du groupe de travail « IA ». En voici les informations clés.
A lire aussi : le "Guide pratique - Utilisation des systèmes d’intelligence artificielle générative pour les Avocats" du CNB.
Aux origines du groupe de travail "Intelligence artificielle" se trouve le groupe de travail dédié aux outils de jurimétrie, créé en 2019.
Ses travaux avaient notamment permis d’élaborer, en 2020, une étude comparative sur les solutions de "justice prédictive" ou "simulative" [1].
C’est dans ce cadre que la profession avait posé les premiers jalons de sa vision de la régulation de l’utilisation de l’IA, avec :
De manière générale, le rapport s’inscrit dans le constat suivant : l’IA générative (IAG) offre des perspectives intéressantes pour la profession d’avocat.
Il s’agit :
Mais, tout ceci va devoir s’accompagner de changements. Le rapport du groupe de travail « IA » met la focale sur 4 points en particulier.
La profession sait que son rôle est de former et de sensibiliser aux bonnes utilisations de l’IA. La Commission Formation du CNB est pleinement mobilisée sur les différentes incidences du déploiement de l’IA et notamment des IA génératives.
Cela concerne notamment :
La profession est aussi consciente qu’elle va devoir :
Sans surprise, le rapport du groupe de travail IA rappelle que de nombreux principes essentiels de la profession d’avocats sont mobilisés pour encadrer l’utilisation de l’IA.
Plus inédite est l’approche selon laquelle « l’utilisation de l’IA pourrait être envisagée comme un devoir de l’avocat qui doit tout mettre en œuvre pour soutenir les intérêts de son client, et donc recourir aux outils disponibles (dévouement, diligence) ».
On retiendra, à la suite du rapport :
La question de l’information du client sur l’utilisation de l’IA générative se pose également. Le présent rapport donne à cet égard des exemples intéressants de ce qui se fait outre-Atlantique :
La Commission des Règles et Usages présentera prochainement un rapport d’étape. Le groupe de travail Secret professionnel se penchera sur l’enjeu spécifique afférent, tandis que la Commission "Règles et Usages et Textes" travaillera notamment sur les pratiques en matière de facturation (« qui pourraient également être amenées à évoluer »).
Des outils d’IA sont déjà et vont de plus en plus être créés pour délivrer des conseils juridiques sans l’intervention d’un avocat, heurtant les dispositions de la loi 1971. Mais que l’on se rassure, les institutions représentatives des avocats veillent au grain [2].
Au-delà de ce sujet de pure conformité / régulation, le présent rapport informe sur le fait que la Commission de l’Exercice du Droit travaille sur une possible évolution de la définition de la consultation juridique, « pour prévoir expressément que les programmes d’IA qui n’impliquent pas l’intervention humaine d’un avocat pour fournir un conseil juridique contreviennent aux règles régissant l’exercice du droit ». On se souviendra que c’est l’une des raisons ayant conduit à la demande de retrait de ladite définition des propositions de loi relatives au legal privilege.
Impossible de ne pas partager le constat du groupe de travail sur la vraisemblance d’une évolution des rôles des associés, collaborateurs et fonctions supports au sein des cabinets, en raison notamment de l’intégration de nouveaux "profils hybrides", ayant à la fois des compétences juridiques et des compétences propres à la mise en œuvre de nouvelles technologies.
La Commission Collaboration, Prospective et Innovation et Statut professionnel de l’avocat mène des réflexions sur le modèle économique des avocats et des cabinets à l’heure de l’IA, tandis que le Centre de Recherche et d’Étude des Avocats (CREA) travaille sur l’attractivité de la profession à l’heure de l’IA.
Le rapport du groupe de travail IA du CNB dresse une liste des principaux sujets sociétaux et juridiques « de fond » sur lesquels la profession va travailler pour préserver et renforcer notre État de droit : libertés et droits fondamentaux, accès au droit, protection des données, droit de la responsabilité et propriété intellectuelle, environnement.
Constats : impact des IA sur les droits de la défense et transparence des outils, le respect du procès équitable et la lutte contre l’introduction de biais, le respect de l’égalité des armes et la lutte contre la fracture numérique, le droit d’accès effectif à un juge et l’appréciation souveraine de ce dernier (préoccupations déjà identifiées en 2020).
Travaux à venir : la Commission Libertés et Droits de l’Homme travaille sur différents sujets tels que l’élargissement au droit de la preuve, et les enjeux de surveillance et des libertés. La Commission Égalité, de son côté, réfléchit à des solutions juridiques pour réduire et lutter contre les biais et discriminations dans les outils d’IA générative et aux moyens de les mettre au service de l’inclusion.
Constats : « sous couvert de donner l’impression d’avoir accès à toujours plus d’informations et donc plus facilement accès au droit », l’IA pourrait avoir des impacts négatifs, parmi lesquels :
Travaux à venir : la Commission Accès au Droit va proposer des mesures pour favoriser l’accès au droit des justiciables à l’heure de l’IA et éviter l’utilisation intempestive d’outils sans avocat.
Constats : si l’IA fait courir de nouveaux risques et pose des questions nouvelles en termes de sécurité, elle pourrait aussi être un outil pour une cybersécurité plus efficace.
Travaux à venir : la Commission numérique va poursuivre ses réflexions sur ces questions, en y intégrant celles sur la centralisation des données des avocats.
Constats : le droit de la responsabilité sera très certainement amené à évoluer ces prochaines années pour intégrer la responsabilité du fait de l’IA (y compris la responsabilité civile professionnelle (RCP de l’avocat). Le droit de la propriété intellectuelle est également en pleine mutation.
Travaux à venir : les Commissions Textes et Droit et Entreprises poursuivront leur réflexion sur ces branches du droit, tandis que la Commission Prospective et Innovation se penchera sur les nouveaux marchés du droit sur lesquels les avocats pourraient se positionner grâce à l’IA générative.
Constats : en raison de l’empreinte carbone de l’IA, il apparaît nécessaire de sensibiliser la profession afin d’adopter un comportement éco-responsable et de poser un regard conscient sur les enjeux environnementaux posés par l’usage de l’IA. Dans un même temps, le recours à l’IA pourrait aider à gérer et réduire nos empreintes écologiques.
Travaux à venir : le groupe de travail Environnement sera mobilisé pour poser les bases d’une réflexion pour un usage responsable et approprié de l’IA, au regard des enjeux environnementaux et sociaux et de l’intérêt général.
Vous l’aurez compris, la feuille de route IA des avocats est dense. Les commissions sont à pied d’œuvre et les livrables seront aussi attendus que nombreux.
Outre le détail de cette feuille de route (accès réservé avocat), avec une impressionnante liste des actions en cours à court et moyen terme, [le rapport du groupe de travail IA propose 3 annexes, dont la lecture s’avère instructive :
A lire également à ce sujet : "Guide pratique - Utilisation des systèmes d’intelligence artificielle générative pour les Avocats".
A. Dorange Pour la Rédaction du Village de la Justice[1] CNB, oct. 2020, Préconisations d’actions pour les legaltechs du domaine de la jurimétrie,www.cnb.avocat.fr
[2] Voir not. JSS, 2 févr. 2024, L’application I.Avocat retirée des plateformes d’applications mobiles
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