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Quelles actions mettre en place lorsque vous souhaitez revendiquer des droits d’auteur sur vos créations générées à l’aide d’une IA ? Par Aurore Sauviat, Avocate.
Parution : vendredi 4 octobre 2024
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Pour faire valoir des droits d’auteur sur une création, celle-ci doit remplir 3 conditions :

  • Elle doit être matérialisée (par un écrit, un dessin, une vidéo ou tout autre support) ;
  • Elle doit être créée par une personne physique (un humain) - (sous réserve de l’exception de l’œuvre collective) ;
  • Elle doit être originale.

L’auteur qui revendique l’originalité d’une œuvre devant un tribunal français devra :
1. Prouver qu’il est l’auteur de l’œuvre concernée ;
2. Démontrer que l’œuvre est protégeable par le droit d’auteur car elle est le fruit d’un ensemble de choix libres et créatifs effectués tout au long du processus de matérialisation de sa création.

Ceci est vrai que la création soit ou non réalisée à l’aide d’un outil d’IA. Toutefois, l’exploitation de systèmes d’IA dans le cadre du processus créatif nécessite de prendre quelques précautions spécifiques.

1. Comment prouver la titularité des droits et l’originalité de la création assistée par IA : s’aménager des preuves en documentant le processus créatif.

La preuve de la titularité des droits sur une œuvre peut être faite par tous moyens.

Pour un artiste, le plus simple est d’être en mesure de rapporter la preuve de son processus de création en documentant la démarche ayant permis d’aboutir à l’œuvre.

Si on raisonne par analogie avec des photos « packshot » par exemple, dont la « protectabilité » par le droit d’auteur est souvent contestée au motif qu’elles ne seraient pas réellement originales, l’analyse de la jurisprudence nous fournit quelques outils sur les étapes à apprécier pour faire état de l’empreinte de la personnalité de l’auteur tout au long du processus de création.

Il en ressort que traditionnellement, l’analyse se fait sur 3 périodicités distinctes du processus de création : les travaux préparatoires, le moment de la matérialisation de l’œuvre et les travaux de post-production.

Les travaux préparatoires : les prompts ou images à soumettre.

S’agissant de créations générées à l’aide d’une IA, l’auteur fera généralement appel :

La génération de la création.

La 2ᵉ étape, serait ensuite le moment où l’artiste « lance le processus » en soumettant ses travaux préparatoires à l’assistance de l’outil d’IA. Il ne fait aucun doute que, comme lors d’un shooting photo, le créateur devra s’adapter aux différentes contraintes s’exprimant au moment de la génération de la création (les résultats d’une succession de prompts ne peuvent pas être anticipés) et donc opérer des choix sur les instructions à donner à l’IA pour obtenir le résultat espéré.

Les travaux de post-production.

La création générée à l’aide d’une IA peut ensuite faire l’objet d’un grand travail de post-production par l’auteur.

Lors de cette étape, à nouveau l’auteur se livrera à de nombreux choix créatifs à opérer sur le résultat obtenu à l’aide d’une IA et ce, afin d’obtenir un résultat final spécifique.

Alors quelles preuves pourriez-vous penser à collecter lors de ces 3 phases :

2. Diffuser sa création réalisée à l’aide d’une IA avec des mentions juridiques préventives.

Afin d’anticiper d’éventuelles contestations ou conflits sur la « protectabilité » de votre création réalisée à l’aide d’une IA, il peut être utile de penser à accompagner la diffusion de vos créations de mentions spécifiant que (i) vous êtes le titulaire des droits d’auteur sur les créations concernées, (ii) qu’elles sont le fruit de votre travail créatif que vous avez dûment documenté, et (iii) que vous entendez faire valoir vos droits en cas de contrefaçon ou de parasitisme manifeste.

La bande dessinée « Mathis et la forêt des possibles » de Jiri Benovsky réalisée à l’aide de Midjourney constitue un bon exemple de mise en œuvre des conseils ci-avant.

En effet, l’auteur et l’éditeur :

Font état, à la fin de l’ouvrage, du processus créatif mené pour aboutir à cette création :

Si le détail du processus créatif n’est pas réellement partagé (pour des raisons évidentes de limitation des risques de plagiat), on comprend de ces indications qu’en cas de besoin, l’auteur et l’éditeur seront en mesure d’apporter les preuves nécessaires évoquées plus haut.

Apposent sur l’ouvrage un certain nombre de mentions préventives et déclaratives sur l’existence de droits d’auteur du type : « Les images ont été produites par l’auteur à partir de l’outil en ligne Midjourney qui fait appel à l’intelligence artificielle, puis ont fait l’objet d’un travail de récréation en tant qu’œuvres originales exclusives ».

Cette mention informe sans ambiguïté d’éventuels plagiaires de la volonté de l’auteur et de l’éditeur de se prévaloir de droits d’auteur sur cette création réalisée à l’aide d’outils IA.

Créer à l’aide d’outil IA ne veut pas dire abandonner ses droits d’auteur. Alors si la création est votre métier, ne vous privez pas de vos droits et adoptez ces précautions !

Aurore Sauviat, Avocate Associée - IP/ TECH/ Data Barreau de Paris www.lawderis.com

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