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Biosimilaires : la Juridiction Unifiée du Brevet rejette la demande d’interdiction provisoire de Novartis et Genentech à l’encontre de Celltrion. Par Matthieu Dhenne, Avocat.
Parution : mercredi 16 octobre 2024
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La division locale de Düsseldorf de la Juridiction Unifiée du Brevet (« JUB ») [1] a rejeté la demande d’interdiction provisoire de Novartis et Genentech à l’encontre de Celltrion relative à l’anticorps anti-IgE commercialisé sous la dénomination Xolair® (omalizumab) [2], jugeant qu’il n’y avait pas de menace imminente de contrefaçon.

Le 9 avril 2024, Novartis et Genentech ont déposé cette demande sur la base du brevet EP 3 805 248 [3], lequel revendique l’anticorps anti-IgE commercialisé sous la dénomination Xolair® (omalizumab) avec une formulation tampon spécifique. Ce brevet n’a pas fait l’objet d’un opt-out. Il a également fait l’objet d’une procédure d’opposition de l’OEB lancée par Celltrion en octobre 2023. Le jugement a été rendu par la JUB le 6 septembre 2024.

Les deux brevetés accusaient Celltrion de préparer la mise sur le marché d’un biosimilaire du Xolair®. A cette fin, les demandeurs prétendaient prouver l’imminence de la contrefaçon via la demande d’autorisation de mise sur le marché (« AMM ») de l’Union Européenne qui a été déposée par Celltrion pour un biosimilaire (commercialisé sous la dénomination « Omlyclo ») reproduisant la formule protégée par le brevet EP’248. Celltrion soutenait quant à elle qu’elle se contentait de se préparer à l’entrée sur le marché en vue de l’expiration du brevet EP’548.

La cour a estimé que les preuves de l’imminence de la contrefaçon demeuraient insuffisantes. Les juges ont plus particulièrement noté qu’en l’espèce la contrefaçon ne pouvait pas être jugée imminente parce que tous les préparatifs de pré-lancement n’étaient pas encore achevés. Par ailleurs, si une demande pour une AMM a bien été déposée, aucun calendrier précis de commercialisation n’existait, pas plus que des négociations de prix et de demandes de remboursement n’avaient été lancées. Aucun échantillon n’avait été en outre présenté à de potentiels clients.

Ce rejet d’interdiction provisoire pour un biosimilaire est le deuxième, après celui de la division local d’Hambourg en mars 2024 dans l’affaire opposant Alexion à Amgen et Samsung Bioepsis (eculizumab, Soliris® (voir l’article Comment la Juridiction Unifiée du Brevet (JUB) traite-t-elle les brevets pharmaceutiques)). Cependant, quoi que l’on puisse penser de ces jugements, ils donnent au fur et à mesure des indications sur les exigences de la JUB concernant les interdictions provisoires, en particulier dans le secteur pharmaceutique. En l’occurrence, tous les éléments évoqués ci-dessus peuvent, a contrario, être compris comme des indices de l’imminence (e.g., la présentation d’un échantillon à un client potentiel). De plus, la cour a confirmé sa compétence à l’encontre d’une société (i.e., Celltrion) dont les activités antérieures ne concernaient pas le territoire de la JUB.

Ainsi, au fil des décisions, la jurisprudence de la JUB se construit. Mais, quand nous écrivons cela, ne devrions-nous pas écrire que la jurisprudence des divisions locales allemandes se construit dans le secteur pharmaceutique ? Les juridictions allemandes sont connues, en contentieux des brevets, pour leurs interdictions provisoires (qu’elles prononcent prétendument rapidement et fréquemment). Il semble bien, pourtant, qu’il n’en ira pas de même pour les divisions locales allemandes de la JUB, qui ne sont décidément pas l’Eldorado des brevetés cherchant des interdictions provisoires.

La division locale française de Paris rendrait-elle des décisions identiques ? Seule l’expérience pourra nous le dire…

Matthieu Dhenne Avocat à la Cour, Docteur en droit Barreau de Paris https://www.dhenne-avocats.fr

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