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Le licenciement pour faute grave d’un chauffeur routier. Par Noémie Le Bouard, Avocat.
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Parution : lundi 21 octobre 2024
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Dans un arrêt récent rendu le 9 octobre 2024, la Cour de cassation a confirmé le licenciement pour faute grave d’un chauffeur routier poids lourd. Ce dernier avait proféré des insultes à l’égard de son supérieur hiérarchique sur son compte Facebook, accessible au public, et commis une imprudence manifeste en prenant des photographies tout en conduisant sur une route enneigée. Cet arrêt met en lumière les obligations de loyauté et de sécurité incombant aux salariés, ainsi que les conséquences d’un usage inapproprié des réseaux sociaux, même en dehors du cadre professionnel.
Retour sur la décision Cass. soc. 9-10-2024 n° 23-19.063 F-D.
Le salarié, engagé comme chauffeur routier, a diffusé des insultes à l’encontre de son supérieur hiérarchique via son compte Facebook, dont le profil était public. Ce comportement constitue une atteinte à l’obligation de loyauté que tout salarié doit à son employeur, une obligation rappelée par la jurisprudence. L’insulte publique, bien que commise en dehors du cadre strictement professionnel, peut être retenue comme une faute, surtout lorsque la visibilité est étendue et que l’image de l’entreprise en pâtit.
La Cour de cassation, dans une précédente décision [1], avait déjà jugé qu’une publication insultante sur un réseau social à profil public peut être constitutive d’une faute grave, justifiant le licenciement sans préavis.
Outre les insultes, le salarié a commis une imprudence grave en prenant des photographies et en répondant à des commentaires sur son compte Facebook, tout en conduisant un poids lourd sur une route enneigée. La Cour d’appel de Nîmes a estimé que ce comportement témoigne d’un manquement grave à l’obligation de sécurité qui incombe aux chauffeurs routiers, exposant ainsi les autres usagers de la route à un danger potentiel.
Le Code du travail prévoit, à travers l’article L4122-1, que tout salarié doit prendre soin de sa santé et de celle des autres dans le cadre de son activité professionnelle.
Cette obligation est d’autant plus stricte pour des professions à risque, comme celle de chauffeur poids lourd.
La Cour de cassation, dans son arrêt du 9 octobre 2024, n°23-19.063, a confirmé que l’accumulation de ces faits justifiait un licenciement pour faute grave. En effet, la faute grave est définie comme celle rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant la durée limitée du préavis [2]. Dans ce cas, le salarié avait manifesté un comportement incompatible avec la poursuite de son activité, tant sur le plan de la sécurité que du respect de l’autorité hiérarchique.
Un licenciement pour faute grave entraîne la privation de toute indemnité de préavis et de licenciement, conformément à l’article L1234-1 du Code du travail. En l’espèce, la Cour a jugé que le maintien du salarié dans l’entreprise était devenu impossible, justifiant ainsi l’absence de préavis.
La jurisprudence récente tend à considérer que les propos tenus sur les réseaux sociaux, même en dehors des heures de travail, peuvent avoir des répercussions sur la relation de travail. Cette tendance s’explique par la visibilité publique des messages, qui peuvent porter atteinte à l’image de l’entreprise ou à la hiérarchie.
Dans ce contexte, la frontière entre vie privée et vie professionnelle se floute.
La Cour de cassation avait déjà statué dans un arrêt du [3], où des propos tenus sur Facebook avaient été jugés constitutifs d’une faute grave, dès lors que le profil était accessible au public. La notion de « sphère privée » n’a pas vocation à protéger un salarié qui s’exprime dans un espace public.
Cet arrêt de la Cour de cassation du 9 octobre 2024 réaffirme plusieurs principes essentiels du droit du travail : l’obligation de loyauté des salariés envers leur employeur, la nécessité pour un salarié de respecter des règles de sécurité strictes dans des métiers à risque, et l’importance du respect de la hiérarchie. Les comportements imprudents, combinés à une utilisation inappropriée des réseaux sociaux, peuvent justifier un licenciement pour faute grave, même en dehors du cadre strictement professionnel.
Noémie Le Bouard, Avocat Ancienne première secrétaire Barreau de Versailles Le Bouard Avocats https://www.lebouard-avocats.fr[1] Cass. Soc., 18 déc. 2019, n°18-21.371.
[2] Cass. Soc., 27 sept. 2007, n°06-43.876.
[3] Cass. Soc., 15 déc. 2016, n°15-21389
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