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Licenciement pour violation de la liberté d’expression du salarié = pas de déduction des revenus de remplacement. Par Frédéric Chhum, Avocat et Elise de Langlard, Juriste.
Parution : mardi 12 novembre 2024
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Dans un arrêt rendu le 23 octobre 2024 (n°23-16.479), la Cour de cassation réaffirme avec force la nullité du licenciement portant atteinte à la liberté d’expression du salarié, droit fondamental particulièrement protégé.

Au visa de l’alinéa premier du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, elle précise, concernant l’indemnisation due en cas de réintégration, que celle-ci ne saurait se voir diminuée des revenus de remplacement que le salarié aurait perçu suite à son licenciement, assurant ainsi une réparation pleine et entière du préjudice subi.

I. Faits.

Une salariée, responsable administratif et comptable, a été engagée par le syndicat Fédération des entreprises de propreté (FEP) le 12 juin 2018.

Le 4 janvier 2019, elle est licenciée. Elle saisit alors la juridiction prud’homale en contestant la légitimité de son licenciement, soutenant que celui-ci porte atteinte à une liberté fondamentale, en l’occurrence, sa liberté d’expression.

Elle demande sa réintégration ainsi que le versement d’une indemnité correspondant aux salaires qu’elle aurait dû percevoir entre son licenciement et sa réintégration.

Dans un arrêt du 6 avril 2023, la Cour d’appel de Paris a condamné l’employeur à payer à la salariée une indemnité équivalente aux salaires qu’elle aurait dû percevoir depuis son licenciement jusqu’à sa réintégration, sans déduction des revenus de remplacement.

L’employeur s’est pourvu en cassation.

II. Moyens.

L’employeur conteste en cassation le calcul de l’indemnité, avançant deux arguments :

III. Solution.

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’employeur.

Elle confirme l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, rappelant tout d’abord que le licenciement pour atteinte à la liberté d’expression est nul, car il viole une liberté fondamentale protégée par l’alinéa premier du Préambule de la Constitution de 1946 et l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Que dès lors, la salariée a droit au versement d’une indemnité d’éviction correspondant aux salaires qu’elle aurait perçus entre son licenciement et sa réintégration, sans déduction des revenus de remplacement perçus durant cette période.

IV. Analyse.

Cet arrêt souligne l’importance de la protection des libertés fondamentales, en particulier la liberté d’expression dans le cadre professionnel.

En effet, la Cour de cassation affirme la nullité de plein droit du licenciement en raison de l’atteinte à une liberté fondamentale : la liberté d’expression est constitutionnellement garantie, et toute sanction disciplinaire (ici, un licenciement) fondée sur l’exercice de cette liberté est nulle.

En outre, elle considère que le salarié doit être indemnisé sans déduction des revenus de remplacement qu’elle aurait pu percevoir à la suite de son licenciement.

Cette solution protège davantage le salarié en considérant que les revenus obtenus suite au licenciement ne doivent pas alléger la charge de l’employeur.

La logique reste la même : le salarié doit pouvoir prétendre à une indemnisation intégrale pour le préjudice subi.

Cette décision est donc favorable aux salariés, renforçant la protection des libertés fondamentales en milieu de travail.

Elle s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence protectrice de la Chambre sociale de la Cour de cassation envers les droits des salariés.

Source.

Cass. soc., 23 octobre 2024, n°23-16.479
Licenciement en partie fondé sur une violation de la liberté d’expression : nullité.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) Barreau de Paris Et Elise de Langlard, Juriste. Cabinet Chhum Avocats (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum

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