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![]() Freins et leviers de l’usage de l’amiable par les professionnels du Droit : l’exemple du territoire d’Aix-Marseille.
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Parution : vendredi 22 novembre 2024
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Alors que depuis plusieurs années, le ministère de la Justice souhaite favoriser le développement de la résolution des différends par l’amiable en France [1] (en partie pour désengorger la justice judiciaire), force est de constater que cette culture prend tout doucement. Cet état de fait interroge, notamment, les professionnels du droit eux-mêmes.
C’est ainsi que, conjointement, les magistrats et avocats d’Aix-en-Provence et de Marseille ont souhaité comprendre les freins à un usage plus conséquent des modes alternatifs de règlement des différends (par leurs pairs et les justiciables) et ce qui pourrait en faciliter le développement.
La Rédaction du Village de la Justice partage avec vous cette initiative locale et ses enseignements, qui pourraient être le reflet de la perception des MARD et de leur application sur l’ensemble du territoire.
Soucieux de comprendre pourquoi l’ensemble des modes alternatifs de règlement des différends (transaction, conciliation et médiation) ne sont pas plus pratiqués sur leur territoire judiciaire, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, les Barreaux de Marseille et d’Aix-en-Provence ont initié une enquête auprès des professionnels du droit.
Cette enquête soutenue par l’Université Aix-Marseille [2], portant sur les aspects psychologiques des MARD, a mobilisé plus de 100 acteurs dans le ressort de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence (entretiens individuels et focus groups).
Menée d’avril à octobre 2024, elle a recueilli les réponses de 167 avocats et 97 magistrats.
En voici les principaux enseignements.
Les freins selon les avocats :
Les freins selon les magistrats :
À l’issue de l’enquête, voici selon ces professionnels ayant répondu à l’enquête les principaux leviers à mettre en place pour développer l’usage des MARDS (dans leur ensemble et pas seulement la médiation qui semble être la plus connue) sur leur territoire :
À l’issue de cette étude, les professionnels du droit envisagent de mettre en place à titre expérimental les outils suivants :
À noter que les universitaires aussi s’emparent du sujet, puisqu’ un partenariat a été noué avec le laboratoire d’économie du droit et le laboratoire de psychologie sociale de l’Université Aix-Marseille. Une chaire dédiée à l’amiable devrait voir le jour.
En conclusion, cette enquête locale montre que les professionnels du droit ne sont pas réfractaires à mettre en place les MARD, bien au contraire, puisque lorsque l’une des parties à un dossier s’investit dans la démarche, les autres tendent à suivre, créant une dynamique positive. Il faut juste que leur regard (et celui du justiciable) sur les MARD évolue, en France, cette culture de l’amiable n’est pas "innée".
Source : Enquête "Recherche-Action" sur la pratique des modes amiables dans la profession d’avocats et de magistrats (Egidio).
Retrouvez l’intégralité du compte-rendu de cette recherche-action dans le document ci-après :
Marie Depay, Rédaction du Village de la Justice.[1] Depuis le 1ᵉʳ janvier 2020, il est même obligatoire de recourir à un mode de résolution amiable avant de saisir le tribunal judiciaire pour un litige portant sur le paiement d’une somme qui ne dépasse pas 5 000 euros.
[2] Enquête menée par le cabinet Egidio.
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Pour avoir assisté en tant que médiatrice et présidente de l’UMEDCAAP (Union des médiateurs près de la cour d’appel) à la restitution, je me réjouis, du dialogue entre professions
L’ETUDE LIMITE CEPENDANT LE DIAGNOSTIC EN NE S’INTERESSANT PAS AUX JUSTICIABLES ET LES MEDIATEURS
Peut-on imaginer lever des freins sans s’intéresser à toutes les parties prenantes ? (Que penseraient les psychologues d’une démarche de sociologie sur le recours à la psychologie qui n’interrogerai que les médecins prescripteurs et l’ARS … mais aucunement les psychologues et les patients ?)
LA PLACE DE LA FORMATION UNIVERSITAIRE CONTINUE DES AVOCATS ET LA PRATIQUE DE L’AMIABLE
Le constat introductif fait état d’une fréquentation limitée de recours par des avocats à une formation certifiante amiable au niveau de l’AMU.
On aborde ainsi le sujet de l’amiable par un premier constat de formation continue
Il semble par ailleurs que l’on parle d’un seul diplôme dirigé et orienté « professionnel du droit ». l’AMU propose pourtant d’autres formations diplômantes en médiation à des publics plus large, qui peuvent aussi devenir médiateur judiciaire. Il existe également en lien avec l’université de Nîmes , Toulon et Nice d’autres formations diplômantes en mode amiable.
UN ECHANTILLONNAGE A PARFAIRE ?
La segmentation et la représentativité de l’échantillon semble limitée notamment pour les avocats qui sont l’effectif majoritaires (167 réponses)
Par exemple la place des avocats médiateurs est singulière et impacte « l’identité liée au métier d’avocat ».
L’avocat médiateur exerce la médiation en activité annexe (donc avec des clients distincts pour ne pas être en conflit d’interet) Ce point meriterai de faire l’objet de de distinction dans l’étude .
L’ autre population distincte est celle des avocats suivant des formations comme avocats accompagnateur de leur client en médiation ( notamment via la formation continue de l’école des avocats du sud-est )
Enfin, une troisième population rassemble des avocats sans formation continue particulière.
EVOLUTION DE L’INSTITUTION JUDICIAIRE ?
Pour prolonger la réflexion, il y aurait difficulté pour les professionnels du droit de concevoir la justice autrement que par la figure du juge qui tranche et de l’avocat qui défend une position .
C’est donc une demarche globale d’interrogation qui s’ouvre
La formation de base des magistrats à l’ENM comme celle des écoles d’avocat sera semble-t-il le plus sûr moyen faire bouger les lignes.
Pour conclure, l’absence de reconnaissance institutionnelle, de soutien de la charge de travail et de la charge mentale, de l’amiable risque d’entraîner une disqualification économique pour les professionnels du droit et cantonner l’amiable pour les magistrat a une démarche personnelle.