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[Réflexion] Peut-on en finir avec la primauté du droit pour la régulation des différends ? Par Jean-Louis Lascoux.
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Parution : mercredi 20 novembre 2024
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L’intention de ce texte est de faire réfléchir les acteurs de la législation sur l’évolution du référentiel sociétal, notamment dans la régulation des difficultés relationnelles : contrairement aux idées reçues, ce n’est pas la médiation qui est une alternative, mais le système judiciaire. Tant que la médiation sera perçue comme une voie de secours d’un système considéré comme défaillant, elle ne sera pas pleinement positionnée et valorisée. Le système judiciaire capte la pensée des personnes en litige, qu’il place donc sous tutelle, en imposant une lecture externe des causes du conflit, privant ainsi les parties de leur libre décision. Le système judiciaire tranche. Il est une rupture méthodologique qui ne se justifie qu’en ultime recours. La médiation est une continuité, un espace où la discussion peut être restaurée et enrichie. Elle assiste et soutient. Elle ne saurait donc être confondue avec les autres "modes alternatifs de règlement des différends", car elle est la seule pratique qui prolonge la libre discussion.
Ainsi, il est pertinent de considérer le système judiciaire comme une alternative à la liberté de décision. De plus, pour positionner correctement la médiation, sous sa forme professionnelle, il convient de mettre en avant son intérêt majeur pour les personnes elles-mêmes, en lien avec les fondamentaux intimes et relationnels.
Depuis que les gestionnaires des finances publiques ont décidé qu’il devenait nécessaire voire salutaire de faire des économies sur les structures d’État, l’idée est venue de faire appel à des systèmes privés et de combiner volontariat, bénévolat et subventions publiques. Entre les personnes de bonne volonté, les retraités et quelques ecclésiastiques disponibles, il a pu y avoir quelques espoirs de faire baisser les dépenses infrastructurelles. Ainsi en est-il allé pour les gestionnaires du système judiciaire. Cependant, la bienveillance a ses limites dans les exigences de la compétence.
En France, la loi du 4 janvier 1993 a introduit la médiation pénale. Les médiateurs étaient souvent des retraités de l’administration, principalement de la police et de la gendarmerie. Cette pratique, destinée à traiter des petites infractions, a suscité des critiques, notamment de la part des avocats. Néanmoins, les considérations budgétaires ont prévalu.
Par la suite, la loi du 8 février 1995 a élargi la médiation au domaine civil et administratif, amorçant une alternative aux procédures judiciaires dans de nombreux secteurs.
Pour répondre aux besoins d’économies structurelles, une pratique intermédiaire a vu le jour sous le nom générique de "médiation". Toutefois, celle-ci manquait de cadre clair. Progressivement, une nouvelle conception s’est imposée, avec des principes clairs tels que l’impartialité, la neutralité, la confidentialité et l’indépendance. Ces fondements ont été définis, notamment avec la première publication sur la formation des médiateurs professionnels et l’élaboration du Codeome, un Code d’éthique et de déontologie, en lien avec la création de la première organisation professionnelle de médiateur, la CPMN.
Pendant ce temps, la conception traditionnelle de la médiation peine à se développer.
Pendant longtemps, la médiation a été l’affaire de rares intervenants, plus ou moins diplomates, plus ou moins négociateurs et plus ou moins conciliateurs. Dans le domaine privé, un diplôme d’État est venu consacrer la médiation familiale (Décret n° 2003-1166 du 2 décembre 2003). Mais les professionnels de la médiation l’ont immédiatement contesté. Leurs arguments ont emporté l’adhésion du ministre de l’époque :
Tandis que la profession d’avocat cherche à capter le rôle de médiateur, en créant des dispositifs mitigés de droits et de pratique de "négociation raisonnée", la médiation prévue par les textes se heurte aux réticences des magistrats. Les uns y voient une dépossession financière tandis que d’autres y voient une dépossession posturale. Désormais, la chose jugée ne fait plus autorité. Une autre conception se développe, avec une profession émergente. Ici encore, les médiateurs professionnels, organisés en chambre professionnelle, ont interagi auprès des membres de la Commission et du Parlement Européen obtenant en 2008 une modification déterminante en termes linguistiques puisque la médiation a été redéfinie comme un processus structuré.
Dans le foisonnement des innovations méthodologiques, c’est un nouveau paradigme qui apparaît. L’héritage des Lumières du XVIIe siècle est repensé. Le contrat social ne peut plus être le point de repère. Là où cette fiction juridique implique une mise sous tutelle, l’entente sociale bien réelle reconnaît la capacité des parties à restaurer elles-mêmes leurs relations. La médiation professionnelle, avec son processus rationnel, accompagne les parties dans une réflexion sur leurs positions, sans s’attacher uniquement aux enjeux ou aux intérêts. Elle transforme la perception des situations conflictuelles en projets relationnels à clarifier ou élaborer. Ainsi, elle n’est plus dans une logique gestionnaire, mais dans une dynamique contributive.
Depuis le début de la création de la profession de médiateur, l’idée que la médiation professionnelle est une pratique à part entière et une extension de la liberté contractuelle est présente. De fait, elle vise l’entretien, la restauration ou l’instauration de la liberté de décision, tandis que le système judiciaire en est privatif.
Là où le droit à la médiation maintient l’ouverture sur la décision des parties, les procédures judiciaires en brisent les possibles jusqu’à la décision tranchante du juge.
Sortir des mythes de l’adversité, c’est dépasser le paradigme judiciaire avec son tranchant décisionnel, pour entrer dans un projet de réalité où l’altérité devient la base d’une recherche d’entente fondée sur une qualité relationnelle renouvelée. La réponse à la question posée en titre se dessine clairement : la médiation professionnelle, en tant qu’instrumentation première, offre un accompagnement innovant inscrit dans la reconnaissance de la primauté de l’altérité dans le modèle social, avec l’entente et l’autonomie des parties comme recherche de résultat.
Sources.
[4] mediateur.tv
[5] officieldelamediation.fr
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