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Négociation du bail commercial côté preneur : quels points de vigilance ? Par Cécile Palavit, Avocat.
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Parution : mercredi 4 décembre 2024
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Vous avez trouvé vos futurs locaux destinés à l’implantation ou au développement de votre activité (félicitations !) et votre bailleur ou son gestionnaire vous adresse son "bail type".
Vous vous demandez quels sont les enjeux de la négociation du bail commercial (et d’ailleurs, est-ce que ça se négocie ?) et sur quels points concentrer les discussions.
Voici quelques clés pour ne pas négliger la négociation de ce contrat qui constitue un actif de votre fonds de commerce et qui vous engage pour de nombreuses années.
La réponse est oui ! Et vous auriez tort de vous en priver.
Le bail commercial est un contrat dit de "louage de chose" encadré par le Code civil et les articles L145-1 et suivants du Code de commerce qui régissent le statut des baux commerciaux.
Si ces textes sont relativement protecteurs du locataire, nombreuses de leurs dispositions ne sont pas d’ordre public et les baux commerciaux proposés aux preneurs contiennent très souvent des stipulations dérogatoires à ces textes qui peuvent avoir des conséquences juridiques et financières non négligeables.
La réponse sera différente selon la destination du bail (commerce, bureaux, local de stockage, industrie, hôtel, etc..) et vos priorités "business" : sécuriser mon activité et m’installer durablement, maitriser les coûts de mon bail, pouvoir mettre mon fonds de commerce en location-gérance ou pouvoir le céder, pouvoir quitter les lieux facilement etc.
Entamer une négociation suppose de définir vos priorités, les points sur lesquels vous êtes prêts à faire des concessions et ceux qui vont totalement à l’encontre de votre stratégie mais surtout de comprendre les clauses du bail qui vous sont proposées et leurs implications juridiques et financières.
Toutes les clauses peuvent faire l’objet d’une discussion et l’objet de la négociation est de trouver des rédactions permettant de satisfaire les deux parties et d’aboutir à l’équilibre contractuel du bail. Vous ne signerez pas un "mauvais bail" dès lors que vous aurez en tête toutes les implications de votre contrat et que votre engagement aura été pris en connaissance de cause.
Voici donc quelques pistes.
L’article L145-40-2 du Code de commerce impose au bailleur d’informer le preneur concernant les travaux qu’il envisage de réaliser dans les trois années suivant la conclusion du bail ainsi qu’un budget prévisionnel. Cette obligation ne constitue toutefois qu’une information sans valeur contraignante. Le preneur pourra éventuellement interroger le bailleur sur les rénovations ou les éventuels travaux de performance énergétique envisagés dans les années à venir et leur prise en charge.
La refacturation de la taxe foncière ou de ses primes d’assurances qui devient de plus en plus habituelle reste négociable.
Il conviendra de garder en tête que le bailleur doit régulariser annuellement le montant des provisions versées et que les justificatifs peuvent être sollicités par le preneur [2]. A défaut, le preneur pourra envisager une action en remboursement des provisions appelées indûment considérées comme "sans cause" [3]
En effet, un bail commercial de commerce conclu pour une durée contractuelle de plus de 9 ans échappe à la règle du "plafonnement" lors de son renouvellement, ce qui signifie que le bailleur pourra solliciter sa fixation à la valeur locative de marché.
Outre cette durée contractuelle de 9 ans, il conviendra également de ne pas laisser le bail se poursuivre tacitement pour une durée supérieure à 12 ans et de demander le renouvellement avant cette date.
Il sera également pris garde aux clauses dérogatoires à l’article L145-34 du Code de commerce qui encadre ce principe du plafonnement. Cet article n’étant pas d’ordre public, il est de plus en plus fréquent que les baux contiennent des clauses dérogatoires.
Les locaux à destination exclusive de bureaux ou les locaux monovalents (hôtel par exemple) ne sont pas concernés par le principe du plafonnement. Le bail renouvelé est en effet - par principe - fixé à la valeur locative de marché. Il reste toutefois possible de négocier une soumission volontaire à l’article L145-34 du Code de commerce ou d’intégrer une règle de plafonnement contractuel.
Vous prendrez garde aux clauses de non-concurrence et clauses d’exclusivité éventuelles afin de vous assurer qu’elles ne bloquent pas votre futur développement.
De même, il conviendra d’obtenir la suppression des clauses dites de "changement de contrôle" ou qui imposent l’information (voire l’autorisation) du bailleur pour tout changement dans les statuts de la société.
Enfin, vous vous assurerez que la clause de "destination du bail" n’est pas trop restrictive afin de pouvoir ultérieurement envisager d’adjoindre à l’activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires en application des dispositions de l’article L145-47 du Code de commerce.
Attention toutefois, l’adjonction d’activités connexes ou complémentaires pourra entraîner une révision du loyer lors de la première révision triennale si celles-ci ont entraîné par elles-mêmes une modification de la valeur locative des lieux loués.
Cet exposé n’a pas vocation à être exhaustif et ne remplacera pas la revue et l’accompagnement d’un avocat dans le cadre de votre négociation mais il vous permettra d’avoir quelques repères et réflexes.
Cécile Palavit, Avocat au barreau de Paris Associée Cabinet Lex Insight[1] Liste obligatoire en vertu de l’article L145-40-2 du Code de commerce.
[2] Art. R145-36 du Code de commerce.
[3] Cass. 3e civ., 5 nov. 2014, n° 13-24.451 ; CA Paris, Pôle 5, ch. 3, 20 nov. 2019, n° 18/01647.
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