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Annulation d’un contrat de prestation de services de téléphonie et d’internet pour dol. Par Anne-Lise Fontaine, Avocat.
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Parution : mardi 7 janvier 2025
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Retour sur le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 20 septembre 2024 (RG 2024010799) prononçant la nullité d’un contrat de prestation de services téléphoniques, lié à un contrat de location financière, pour dol.
Suite à un démarchage téléphonique, un cabinet de psychologie a signé les deux contrats suivants :
Le cabinet de psychologie s’est ensuite rendu compte avoir été victime d’un démarchage abusif et a alors souhaité mettre un terme aux deux contrats.
Si la société de leasing a accepté de résilier amiablement le contrat de location du matériel téléphonique, l’opérateur téléphonique a indiqué au cabinet de psychologie que toute résiliation anticipée devait s’opérer aux torts exclusifs de ce dernier et devait engendrer des frais de résiliation à hauteur de 14 742 € HT, soit 17 690,40 € TTC.
Le cabinet de psychologie a, dans ces circonstances, saisi le Tribunal de commerce de Paris afin d’obtenir la nullité du contrat de prestation de service qu’elle souscrit auprès de l’opérateur, du fait des manœuvres dolosives dont elle a été victime lors de la souscription du contrat.
L’article 1137 du Code civil relatif au dol prévoit en effet :
"Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie".
C’est sur le fondement de cet article que la jurisprudence a considéré que la pratique qui consistait à faire croire à un client qu’il s’engageait sur une durée de 2 ans alors qu’il était en réalité lié à un contrat de location d’une durée de 63 mois, caractérisait un dol [1].
La jurisprudence a en outre sanctionné les pratiques qui consistaient à faire de fausses promesses d’économie au client en prononçant ainsi la nullité des contrats litigieux [2].
En l’espèce, le cabinet de psychologie a démontré avoir été trompée s’agissant :
S’agissant de la durée d’engagement, le cabinet de psychologie a signé une proposition commerciale puis un bon de commande portant sur une offre de téléphonie fixe assortie d’un engagement sur une durée de 36 mois.
Néanmoins, en signant le contrat de location de matériel téléphonique, le cabinet de psychologie est finalement engagé sur une durée de 63 mois, les deux contrats étant indivisibles et interdépendants.
Cette pratique, qui consiste à tromper le client sur la durée d’engagement, caractérise une manœuvre dolosive au sens de la jurisprudence susvisée.
S’agissant du tarif applicable, l’offre de l’opérateur téléphonique a été présentée comme étant moins onéreuse que la précédente offre souscrite par le cabinet de psychologie.
Or, l’offre souscrite par le cabinet de psychologie auprès de ce nouvel opérateur était, en l’espèce, près de 3 fois plus onéreuse que son ancienne offre.
Ce type de pratique, qui consiste à faire de fausses promesses d’économie au client, constitue également un dol au sens de la jurisprudence précédemment citée.
C’est ce qu’a retenu le Tribunal de commerce de Paris aux termes de son jugement du 20 septembre 2024 :
"Attendu que cette offre, qui a été acceptée, [le cabinet de psychologie] y apposant sa signature, et qui a donc servi de support au contrat souscrit la semaine suivante, portait sur une durée d’engagement de 36 mois (3ᵉ page de la proposition), cette information apparaissant en caractères très lisibles ; qu’il apparait également en lettres très lisibles que le matériel existant sera remplacé ;
Mais attendu qu’il est mentionné dans la même proposition en lettres beaucoup plus petites et noyées dans un texte assez long que la durée de la location est de 21 trimestres, alors même qu’une telle information est essentielle pour évaluer l’engagement ; que le tribunal constate donc que l’engagement de 36 mois est dans les faits un engagement de 21 trimestres, du fait de l’interdépendance des différents éléments de la solution ; que ne pas mettre en évidence cette information est donc susceptible de constituer une tentative de tromperie".
"Attendu par ailleurs que le bon de commande mentionne (première page du bon de commande) en très petits caractères peu lisibles que « le tarif indiqué ne comprend pas le câblage » mais surtout qu’il y a « Maintenance obligatoire de 199,00 € HT/semestre sur la durée de la location matériel » ; que ce point n’apparaissait pas dans la proposition initiale qui avait été acceptée ;
Attendu ainsi que le tribunal constate donc que l’opérateur téléphonique n’a pas alerté sur cette deuxième modification essentielle portant sur le prix, le montant de 234 euros apparaissant 2 fois dont une fois de manière très lisible dans le cartouche de synthèse de la proposition de location".
" Attendu que le tribunal déduit de toutes ces constations qu’il y a eu un cumul des différents éléments, qui pris ensemble, constituent une tentative réussie de tromperie ;
Attendu que le tribunal en déduit que le consentement a été obtenu par la tromperie ; que le dol tel qu’il résulte des dispositions de l’article 1137 du Code civil est établi ; qu’en conséquence, le tribunal prononcera la nullité du contrat pour dol ".
Le Tribunal de commerce de Paris a ainsi prononcé la nullité du contrat de prestation de service pour dol, et a ainsi condamné l’opérateur téléphonique à communiquer au cabinet de psychologie, les modalités de restitution du matériel téléphonique, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 30ᵉ jour de la signification du jugement à intervenir, durant 60 jours.
Anne-Lise Fontaine Avocat au Barreau de Paris[1] Cour d’appel de Paris, 5 mars 2021, n°18/20803.
[2] Cour d’appel d’Orléans, 20 juin 2019, n°18/013981.
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