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Traductions assermentées : la réforme non aboutie des apostilles et légalisations notariées. Par Patrick van Straaten.
Parution : mardi 14 janvier 2025
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Au-delà des retards, de grandes incertitudes : la réforme des apostilles et des légalisations [1], prévue pour être gérée par les notaires à partir de 2023, n’a toujours pas été mise en place en janvier 2025.

En octobre 2021, le Dalloz annonçait que conformément à la loi de programmation 2018-2022 et la Réforme de la Justice, les apostilles et les légalisations seraient réalisées par les Notaires à partir de 2023 [2].

En décembre 2021, le site Lextenso croyait que la mise en place de la réforme des apostilles et des légalisations serait effective en septembre 2023 [3].

En juin 2023, le site notaire.fr pronostiquait que ce serait pour le 1er janvier 2025 [4].

Nous sommes en janvier 2025 et rien n’a démarré.

Rappelons brièvement de quoi il s’agit. L’échange de documents entre pays nécessite des mesures particulières pour limiter les fraudes [5]. Il existe une convention internationale, dite Convention de La Haye, qui définit un certificat standard appelé "apostille" entre les pays signataires. Cette apostille est délivrée par les Cours d’Appel. Et si le pays destinataire n’est pas signataire de cette convention, on opte pour une "légalisation" en deux étapes : le Ministère des Affaires Étrangères [6], puis le Consulat du pays concerné [7].

Et donc vers 2018, le Ministère de la Justice a décidé - dans un but d’économie - de transférer cette activité au secteur notarial. On peut tout de suite noter que cette notion "d’économie" est virtuelle. Le projet revenant à transformer un service public gratuit - donc financé par l’impôt - en service privé payant, mais sans diminution d’impôt bien évidemment.

Les organisations notariales se sont déclarées intéressées, pour autant qu’on leur donne les moyens d’effectuer cette mission, avec notamment la mise en place d’une base de donnée nationale des signatures de légalisation [8], prévue par une ordonnance du 4 mars 2020, afin de pouvoir contrôler les légalisations de signature. Sous projet dont l’état d’avancement est inconnu.

Un décret au Conseil d’État devait fixer les tarifs des nouvelles procédures, il n’a toujours pas été pris.

Enfin, une question assez fondamentale me démange depuis cinq ou six ans : en admettant que le projet aboutisse un jour, les pays étrangers sont-ils d’accord avec la dématérialisation prévue ? Car si on demande une apostille ou une légalisation [9], c’est pour satisfaire à une exigence de l’administration d’un pays étranger. À ce jour cela fonctionne : on échange certes des papiers physiques, mais des papiers qui sont acceptés à Rio comme à Stockholm, à Honolulu comme à Pékin. Je n’ai jamais trouvé auprès de quelles instances internationales [10] les idées françaises avaient été présentées et validées avant d’être mises en projet ? [11]

Il y a plus d’un an, j’ai vu plusieurs sites notariaux mis à jour pour présenter le "nouveau service Apostilles", leurs propriétaires doivent regretter leur empressement.

Je connais des employés de Cour d’Appel - service "Apostilles" - qui attendent la fermeture de leur service et leur mutation depuis plus de 5 ans.

La situation présente est tellement floue [12] qu’il est bien difficile de conclure. Les commentaires sont ouverts et peut être que des informations vont en émerger ?

Patrick van Straaten - Cabinet GmTrad

[1NDLR : Généralement, la production de documents publics ou privés nationaux auprès d’autorités étrangères requiert une formalité d’authentification préalable, appelée légalisation. L’apostille désigne la procédure de légalisation simplifiée instaurée par la Convention de La Haye du 5 octobre 1961, et à laquelle un grand nombre de pays a adhéré. Source : [https://www.justice.fr/sites/default/files/NDemande%20apostille.pdf].

[6Notons que le Ministère effectue plus de contrôles que les Cours d’Appel dans le cadre d’une apostille et applique des règles différentes

[7Qui se limite à vérifier que le document a reçu le sceau rectangulaire rouge du MAE, et à faire payer plus ou moins cher son ultime coup de tampon

[8La légalisation de signature est un préliminaire à toute légalisation ou apostille de document.

[9Ce distinguo s’effectue selon que le pays de destination est signataire ou pas de la Convention Internationale de La Haye.

[10Pour autant qu’il existe une telle instance dont l’aval garantirait que tout le monde - du notaire vietnamien à l’université canadienne en passant par le préfecture de Sao Polo - acceptera ce nouveau format.

[11Dirigeant un cabinet de traduction assermentée, je redoute un scénario catastrophe où nos traductions munies de ces légalisations "new wave" seraient soudain rejetées aux quatre coins du globe.

[12On constate qu’il n’y a pas eu de démarrage au 1er janvier 2025. Mais il n’y a eu aucune annonce officielle, aucun report...

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