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L’encadrement juridique du podcast : entre protection du droit d’auteur et enjeux de rémunération équitable. Par Raphaël Molina, Avocat.
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Parution : jeudi 20 février 2025
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Le podcast est aujourd’hui un média incontournable, plébiscité tant par les créateurs indépendants que par les grandes entreprises médiatiques. Cependant, malgré son essor fulgurant, son cadre juridique demeure incertain.
Dans son rapport en date de février 2025, le Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA) répond à ces questions en estimant que le cadre juridique existant est suffisant, mais que la rémunération des acteurs du secteur doit être rééquilibrée.
Cet article analyse les conclusions du CSPLA en confrontant les principes du Code de la propriété intellectuelle (CPI) aux réalités économiques du marché du podcast.
Contrairement à certaines idées reçues, les podcasts ne sont pas dépourvus de protection juridique. Le droit d’auteur et les droits voisins couvrent déjà la création et la diffusion des contenus audio, permettant ainsi aux créateurs et interprètes d’obtenir une reconnaissance légale.
L’article L112-2 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) liste les catégories d’œuvres protégées par le droit d’auteur, incluant notamment les œuvres audiovisuelles, radiophoniques et sonores.
Un podcast peut ainsi être qualifié juridiquement comme une œuvre sonore originale, ce qui lui confère une protection automatique dès sa création.
Dans cette perspective, un podcast peut être juridiquement reconnu comme :
De cette qualification découle l’application des droits exclusifs de l’auteur, notamment :
Outre les auteurs, les artistes-interprètes (animateurs, chroniqueurs, comédiens, invités réguliers) bénéficient de droits voisins du droit d’auteur définis par l’article L212-1 du CPI.
Ces droits incluent :
Cependant, le CSPLA souligne dans son rapport [1] que ces droits sont encore mal appliqués dans le secteur du podcast, où la rémunération des artistes-interprètes est souvent forfaitaire et ne prend pas en compte les rediffusions ou exploitations secondaires.
Si les podcasts sont juridiquement protégés sous réserve d’originalité, leur modèle économique reste fragile.
Aujourd’hui, trois catégories d’acteurs souffrent particulièrement d’un manque de rémunération équitable :
Le modèle dominant repose sur l’accès gratuit via des flux RSS, qui permet aux plateformes d’agréger et diffuser les contenus sans compensation automatique pour les créateurs.
Contrairement aux producteurs de musique ou aux sociétés audiovisuelles, les producteurs de podcasts ne bénéficient pas d’une rétribution directe lorsque leur contenu est diffusé sur Spotify, Apple Podcasts ou Deezer.
Le CSPLA met en avant une asymétrie entre les plateformes et les créateurs, appelant à un meilleur partage de la valeur à travers des accords contractuels plus équilibrés.
Les organismes de gestion collective (OGC), tels que la SACD, la SCAM, l’ADAMI et la SPEDIDAM, jouent un rôle clé dans la gestion des droits d’auteur et voisins.
Cependant, leur intégration dans l’économie du podcast reste limitée :
Le CSPLA recommande donc une meilleure structuration des relations entre producteurs, plateformes et OGC pour assurer une répartition plus juste des revenus issus de l’exploitation des podcasts.
Enfin, le rapport pointe la nécessité d’établir des contrats types entre producteurs et créateurs, afin d’assurer une rémunération proportionnelle aux exploitations des podcasts. Actuellement, les contrats de cession de droits sont souvent inadaptés ou insuffisamment protecteurs, ce qui freine la professionnalisation du secteur.
Conclusion.
Le CSPLA confirme que les podcasts sont bien protégés par le droit d’auteur, mais souffrent d’un manque de structuration économique.
Plutôt qu’une réforme législative immédiate, le rapport prône une approche fondée sur une meilleure application des droits existants pour assurer une protection effective des auteurs et artistes-interprètes, mais également une réorganisation du modèle économique en impliquant davantage les plateformes et les OGC dans la redistribution des revenus.
Le CSPLA recommande ainsi d’ouvrir urgemment des négociations, afin d’aboutir à une rémunération « proportionnelle et appropriée » pour les auteurs, producteurs et artistes-interprètes de podcasts.
Raphaël Molina Avocat associé - Droit de la propriété intellectuelle et numérique Barreau de Paris Cabinet Influxio www.influxio-avocat.com/avocat-droit-musique [->contact@influxio-avocat.com]L'auteur déclare ne pas avoir utilisé l'IA générative pour la rédaction de cet article.
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