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Le traitement du contrat d’assurance-vie dans un contexte international. Par Abderrahmen Harichane, Juriste.
Parution : lundi 24 février 2025
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Le contrat d’assurance-vie se maintient au rang de produit d’épargne préféré des Français. Il se caractérise par sa diversité et ses fonctions d’épargne et de prévoyance.
En effet, il existe autant de causes de souscription que de formules d’assurance-vie.
Ensuite, il s’agit d’un produit d’épargne, en ce sens qu’il permet la constitution d’un capital garanti par le contrat, augmenté des intérêts. Enfin, la possibilité de versement d’une rente permet de pallier l’insuffisance des prestations retraite de moins en moins généreuses.
Mais l’assurance-vie devient aussi un outil de transmission de patrimoine à travers la souplesse de la stipulation pour autrui. Sans doute est-ce une des raisons pour laquelle les professionnels l’incluent dans les stratégies de transmission de patrimoine qu’ils proposent à leurs clients.
Souplesse et complexité sont antinomiques, mais sont pourtant les caractéristiques du contrat d’assurance-vie, et ce en raison de ses multiples dimensions : financières, civiles et fiscales.
Dans un contexte international, son traitement civil et fiscal nécessite une attention particulière, notamment en ce qui concerne la loi applicable au contrat (I) et la fiscalité qui lui est applicable (II).

I. La loi applicable au contrat d’assurance-vie.

Les règles de conflit de lois sont déterminées par les dispositions prévues par l’article L183-1 du Code des assurances. Toutefois, depuis l’adoption du règlement (CE) n°593/2008 du 17 juin 2008 dit « règlement Rome I », ces règles de conflit de lois sont écartées en raison de la portée universelle du règlement.
La date de la conclusion du contrat d’assurance-vie est un élément clé pour la détermination de la loi applicable. Il convient ainsi de s’intéresser tout d’abord aux contrats conclus avant le 17 décembre 2009 (1), avant de passer à ceux souscrits après 17 décembre 2009 (2).

1. La loi applicable aux contrats souscrits avant le 17 décembre 2009.

L’article L183-1 du Code des assurances dispose

« Lorsque l’engagement est pris, au sens de l’article L310-5, sur le territoire de la République française, la loi applicable au contrat est la loi française, à l’exclusion de toute autre.
Toutefois, si le souscripteur est une personne physique et est ressortissant d’un autre Etat membre de l’Espace économique européen, les parties au contrat d’assurance peuvent choisir d’appliquer soit la loi française soit la loi de l’Etat dont le souscripteur est ressortissant
 ».

Il résulte du premier alinéa de l’article sus-relaté que le lieu de l’engagement pris constitue le critère de rattachement pour la détermination de la loi applicable au contrat d’assurance-vie.

Quant à ce lieu, l’article L310-5 du Code des assurances apporte les précisions suivantes : « Pour les opérations mentionnées au 1° et au dernier alinéa de l’article L310-1, est regardé comme Etat de l’engagement l’Etat où le souscripteur a sa résidence principale ou, si le souscripteur est une personne morale, l’Etat où est situé le siège social ou l’établissement de cette personne morale auquel le contrat se rapporte ».

En considération de ces dispositions, plusieurs hypothèses peuvent être envisagées pour les contrats conclus avant le 17 décembre 2009 :

2. La loi applicable aux contrats souscrits après le 17 décembre 2009.

Le règlement Rome I a transformé la Convention de Rome du 19 juin 1980 pour lui donner une portée communautaire avec comme fonction l’unification des règles de conflit de lois dans chaque Etat membre.
Deux situations sont à distinguer, selon que la résidence habituelle du souscripteur est établie dans un pays membre (A) ou qu’elle soit établie dans un pays tiers (B).

A - Le souscripteur a sa résidence habituelle dans un pays membre.

Pour les contrats souscrits après le 17 décembre 2009, la règle en matière de conflit de lois est contenue dans l’article 7 § 3 du règlement. Cette disposition précise que les parties au contrat peuvent uniquement choisir comme loi applicable à leur contrat la loi de l’Etat membre de la résidence habituelle du souscripteur ou la loi de l’Etat membre dont il est ressortissant.
A défaut de choix par les parties, le règlement précise que le contrat est régi par « la loi de l’Etat membre où le risque est situé au moment de la conclusion du contrat ».
En matière d’assurance-vie, le risque peut se localiser en deux lieux : le lieu de l’établissement de l’assureur ou le lieu de la résidence habituelle du souscripteur.

B - Le souscripteur n’a pas sa résidence habituelle dans un pays membre.

Lorsque la résidence habituelle du souscripteur n’est pas établie dans un Etat membre, la loi applicable au contrat d’assurance-vie souscrit après le 17 décembre 2009 est déterminée par les articles 3 (liberté de choix) et 4 (à défaut de choix) du règlement Rome I.
L’article 3 du règlement laisse le choix aux parties de désigner la loi applicable au contrat.
A défaut de choix, l’article 4 désigne la loi de la résidence de l’assureur comme loi applicable au contrat.

II. La fiscalité applicable au contrat d’assurance-vie dans un contexte international.

Le Code général des impôts distingue deux régimes fiscaux en matière d’assurance-vie : l’un est autonome, et l’autre renvoie vers un dispositif existant. Dans un contexte international, le caractère de chacun de ces dispositifs constitue un indice essentiel pour déterminer de la règle d’imposition.

L’affectation à l’un ou l’autre de ces régimes s’opère selon que les primes ont été versées avant l’âge de soixante-dix ans du souscripteur (1) ou après cet âge (2).

1. La fiscalité des primes versées avant les 70 ans de l’assuré.

Le régime de l’article 990 I du Code général des impôts est autonome de toute autre disposition. Il soumet à un prélèvement spécifique les sommes versés avant l’âge de soixante-dix ans du souscripteur, diminuées d’un abattement de 152.000,00 € par bénéficiaire pour tous les contrats souscrits par un même assuré.

Le prélèvement s’élève à 20% pour la fraction de la part taxable de chaque bénéficiaire inférieure ou égale à 700.000,00 €, et à 31,25% pour la part taxable de chaque bénéficiaire excédant ce seuil.

Les règles d’application dans l’espace sont édictées par ce même article. Ainsi, l’imposition est due dès que :

Par ailleurs, en raison de son autonomie, le prélèvement spécifique n’entre pas dans le champ d’application des conventions fiscales bilatérale visant à éviter les doubles impositions en matière de successions.

2. La fiscalité des primes versées après les 70 ans de l’assuré.

Le régime fiscal prévu par l’article 757 B du Code général des impôts relève des droits de mutation à titre gratuit et se rattache à la fiscalité successorale applicable. Ainsi, les règles fiscales applicables en matière de droits de succession lui sont applicables, qu’il s’agisse d’abattements, de réductions, de barème et autres.

Les règles de territorialité de droit commun sont prévues par l’article 750 ter du Code général des impôts. Ainsi, le contrat d’assurance-vie sera soumis au régime fiscal de l’article 757 B du Code général dans les hypothèses suivantes :

L’exigibilité de l’impôt en France n’écarte pas par elle-même une double imposition par un autre Etat. S’agissant d’un impôt successoral, la double imposition éventuelle sera évitée par les dispositions de l’article 784 A du Code général des impôts.

Autrement, en présence d’une convention fiscale bilatérale tendant à éviter les doubles impositions, matériellement, la convention sera applicable dans les cas suivants :

Si les deux Etats retiennent la qualification d’impôt successoral, la double imposition sera évitée par le jeu du système d’imputation ou par le système de l’exemption, en fonction des dispositions de la convention.

La détermination de la loi et de la fiscalité applicables au contrat d’assurance-vie dans une dimension internationale est une étape essentielle pour élaborer une stratégie de transmission, mais elle ne doit pas occulter d’autres règles pouvant avoir un impact sur le contrat d’assurance-vie, notamment lorsque la loi civile applicable à la succession est la loi française.

Abderrahmen Harichane Collaborateur en droit patrimonial Diplômé d’un Master 2 Ingénierie du patrimoine DFJP et d’un Master 2 en droit notarial

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