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SPE et SPFPL PP : opportunités d’investissement pour les professions juridiques et judiciaires - les apports du décret du 13 février 2025. Par Léa Thiery-Ouidir, Avocate.
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Parution : mardi 3 juin 2025
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Entré en vigueur le 15 février 2025, le décret n° 2025-131 du 13 février 2025 élargit les possibilités d’investissement des cabinets multi-métiers des professions juridiques et judiciaires (PJJ), en venant préciser l’ordonnance n°2023-77 du 8 février 2023 pour les sociétés pluriprofessionnelles d’exercice (SPE) et les sociétés de participations financières de professions libérales pluripersonnelles (SPFPL PP).
Sans révolutionner le régime des SPE, il le modernise en rendant opérationnel l’ordonnance du 8 février 2023.
Le décret du 13 février 2025 ouvre également la possibilité pour les SPFPL pluriprofessionnelles (SPFPL PP) de détenir des parts ou actions de sociétés commerciales.
L’interprofessionnalité dans les professions libérales réglementées a connu une évolution progressive.
La loi n° 2015-990 du 6 août 2015, dite « loi Macron », a permis la création des SPE, offrant un cadre pour l’exercice en commun de plusieurs professions réglementées du droit et du chiffre. À cette époque, seules neuf professions pouvaient y être exercées en commun : avocat, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, commissaire-priseur, huissier de justice, notaire, administrateur judiciaire, mandataire judiciaire, conseil en propriété intellectuelle et expert-comptable.
Cette initiative visait à renforcer la compétitivité des professions libérales face à la concurrence, notamment européenne. L’interprofessionnalité est en effet déjà pratiquée depuis longtemps au Royaume-Uni (depuis 1990 puis 2007 avec le Legal Services Act) ou en Allemagne (depuis 1990).
L’ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 a poursuivi cette dynamique en unifiant les règles relatives à l’exercice en société des professions libérales réglementées. Elle a posé les bases d’une réforme se voulant plus cohérente et harmonisée, nécessitant des décrets d’application pour sa mise en œuvre :
L’ordonnance du 8 février 2023 a également ouvert le champ des professions incluses dans le spectre de la SPE en y intégrant les commissaires aux comptes et les géomètres experts. Les huissiers et commissaires-priseurs ont été refondus dans la profession de commissaire de justice.
Le décret n°2025-131 du 13 février 2025 est ainsi venu compléter la liste des décrets d’application de l’ordonnance du 8 février 2023, pour l’application du régime des SPE ainsi que des SPFPL PP.
Le décret du 13 février 2025 reprend à droit constant le régime antérieur, notamment celui du décret n°2017-794 du 5 mai 2017. Les apports sont mineurs mais nécessaires :
Ces apports permettent de mettre en musique l’ordonnance du 8 février 2023.
L’ensemble des autres dispositions du décret étaient déjà précisées dans les textes antérieurs [8] et ne sont pas modifiées par ce nouveau décret.
Il existe aujourd’hui plusieurs types de structures d’exercice capitalistiques pour les professionnels des PJJ :
Parmi ces structures, la SPE est la seule qui permet l’exercice de plusieurs PJJ au sein d’une même structure. Les SPE permettent de réunir des PJJ en capital et en exercice.
Toutes les autres sociétés ne permettent l’exercice que d’une seule activité juridique ou judiciaire (dans leur objet social), bien que les SEL puissent désormais être détenues par tout professionnel exerçant une PJJ, directement ou indirectement via une SEL ou une SPFPL. L’ouverture se fait dans ce cas uniquement au niveau du capital social, ce qui entraîne toutefois une collaboration de fait dans la vie de la société (par exemple lors des AGOA ou au niveau de la gouvernance).
C’est une opportunité évidente d’investissement et de développement des marchés du droit, du chiffre et du foncier, bien que la SPE et la SPFPL PP soient encore minoritaires sur ces marchés. Les professionnels, notamment du droit, sont réticents à envisager de telles associations en raison de questionnements déontologiques (secret professionnel, conflit d’intérêt) et d’une habitude marquée pour les structures mono professionnelles.
La SPE implique une organisation assez stricte des relations entre les professionnels exerçant en son sein, puisque chaque professionnel doit appliquer la réglementation de sa profession. L’ordonnance du 8 février 2023 et le décret du 13 février 2025 viennent toutefois rappeler certaines bases de cette collaboration, qui étaient déjà prévues par les textes antérieurs :
Ces lignes directrices sont utiles ; il reste néanmoins indispensable de préciser, via des conventions (statuts, pacte d’associés, etc.), la gouvernance, la sortie des associés, ou la valorisation des titres notamment. En pratique, l’organisation doit être pensée et calibrée par les associés exerçants (en effet, la SPE peut être détenue par des professionnels non exerçants, dès lors qu’ils réalisent, au sein de la société ou en dehors, l’une des PJJ et exercées en commun au sein de la société - la détention peut être directe ou indirecte via une SPFPL).
Outil de holding désormais accessible à plusieurs métiers, la SPFPL pluri-professionnelle (SPFPL PP) permet quant à elle de fédérer les PJJ au sein d’une même structure capitalistique ; elle peut ainsi prendre, seule ou avec d’autres associés, des participations croisées - majoritaires ou minoritaires - dans plusieurs SEL complémentaires ou dans des SPE. Grâce au décret du 13 février 2025, ces holdings peuvent financer des croissances externes par effet de levier (les intérêts d’emprunt restent fiscalement déductibles) tout en faisant remonter des dividendes quasi exonérés via le régime mère-fille ou, le cas échéant, l’intégration fiscale.
Concrètement, la SPFPL PP ouvre la voie à des groupes pluri-services capables d’investir simultanément dans une SEL d’avocats, une legaltech, une SCI propriétaire de leurs murs ou une société de back-office commun, sans sacrifier le contrôle professionnel exigé par la réglementation.
Le décret du 13 février 2025 vient confirmer la convergence des pratiques du droit, du chiffre et du foncier. Cette réforme, initiée par l’ordonnance du 8 février 2023 ouvrira à terme des possibilités de croissance externe, mais exigera une gouvernance contractuelle et pratique irréprochable pour gérer les conflits d’intérêts et préserver le secret professionnel.
Léa Thiery-Ouidir Avocate au barreau de Paris Odrius avocat https://www.odrius-avocat.fr[1] SCP, SEP, SEL, SPFPL.
[2] SC, SEL, SPFPL.
[3] SC, SEL, SPFPL.
[4] SCP, SEL, SPFPL.
[5] Articles 50 à 53 du décret.
[6] Article 10 du décret de 2025.
[7] Article 43 du décret.
[8] Obligation d’information et contrôle des autorités compétentes, modalités d’exercice au sein de la SPE, obligations comptables, assurance RCP, modalités de la cessation d’exercice, liquidation de la SPE, etc.
[9] Article 106 de l’ordonnance du 8 février 2023.
[10] Article 26 du décret du 13 février 2025.
[11] Articles 107 de l’ordonnance du 8 février 2023 et 26 du décret du 13 février 2025.
[12] Article 105 de l’ordonnance du 8 février 2023.
[13] Article 108 de l’ordonnance du 8 février 2023.
[14] Article 30 du décret du 13 février 2025.
[15] SA, SAS, SARL ou SCA.
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