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[Plaidoyer] Pour une vision d’un autre territoire par la "médiation environnementale complexe préventive" des projets publics. Par Laure Singla, Environnementaliste expert.
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Parution : mercredi 12 mars 2025
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La récente affaire de l’A69 et plus généralement les différends déclenchés depuis ces dernières années liés à des projets publics pour la création d’infrastructures (Notre Dame des Landes) ou la production d’énergies renouvelables démontre le nécessaire recours à la médiation environnementale complexe préventive dans tous les projets publics. Car le brasier médiatique démontre un fait : la participation du public tel qu’instauré aux articles R121-1 à R121-28 du Code de l’environnement ne permet pas un véritable échange entre les porteurs de projet et le grand public.
La récente loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables visant la mise à disposition du foncier rural pour la production d’énergies renouvelables illustre que cette problématique ne fait que commencer.
Aussi afin de permettre le développement stratégique énergétique avec cohérence, épauler les élus et donner la place aux administrés, le recours à la médiation environnementale complexe préventive devient une évidence. Pour tendre vers une autre vision du Territoire, apaisée et responsable.
Malgré tout ce qu’on peut retenir, le pragmatisme doit désormais laisser la place au vrai débat public. Et seul un processus structuré mené par un médiateur spécialisé peut permettre un véritable échange technique autour des questions d’intérêt général de l’environnement, d’évolution des paysages des territoires, des droits des propriétaires administrés, de la stratégie énergétique locale et son déploiement, et des attentes des élus.
Afin d’éviter un embrasement national, le nécessaire recours à ce procédé structuré nécessite une information claire sur ce qu’on entend par médiation environnementale au XXIème siècle et pourquoi elle reste complexe et fait appel à des médiateurs spécialisés.
Aussi loin que l’Homme se tourne, les traces de l’histoire nous rappellent que les relations qu’elles soient intra ou interculturelles se posent comme source principale de désaccords, d’oppositions dans le monde.
Inspirés de la Grèce Antique pour l’Europe et des pratiques autochtones à travers les cinq continents, l’Homme au cours des siècles a toujours tenté de résoudre ses désaccords amiablement ou par voie procédurale. Ce qu’on nomme depuis le XXᵉ siècle "modes alternatifs de résolution" en les déclinant sous chaque continent sous les acronymes MARD, MARL et MARC reste en somme l’héritage de plus de vingt siècles de pratiques. Idem en matière environnementale.
La médiation environnementale est un processus complexe entre personnes morales et/ou physiques de droit privé et/ou de droit public, portant sur la prévention, la gestion, la réparation de dommages causés à l’environnement et à l’homme :
La première médiation liée aux problématiques environnementale a commencé sous l’Antiquité avec les différends liés à l’eau : guerre entre les cités mésopotamiennes de Lagash et d’Umma concernant la souveraineté d’un territoire situé au bord la plaine en l’an II avant JC [1].
La médiation environnementale durant l’Antiquité puis au-delà s’est alors systématisée dans l’ensemble des pays du pourtour méditerranéen et des états du Nord de l’Europe pour les conflits liés à l’eau car celui qui possédait l’eau possédait la vie et donc un pouvoir quasi divin sur le territoire.
Dès l’Antiquité, les hommes ont compris le pouvoir extraordinaire des ressources naturelles et leurs atouts de développement économique, comme un catalyseur de conquêtes de territoires et de souveraineté.
Dès lors, l’histoire internationale nous démontre que l’outil de la médiation a été dans la résolution des problématiques liées à la protection des ressources naturelles et des conflits armés et d’ingérence, à la base des conquêtes. Et que l’outil était réservé aux lettrés et hommes de pouvoirs.
A partir du XVIIe siècle, les pays du Nord Europe ont montré l’exemple en codifiant le processus : on peut citer l’ouvrage du diplomate hollandais Abraham de Wicquefort (1606-1682), « L’ambassadeur et ses fonctions » paru en 1681 dans lequel on peut lire un chapitre intitulé « De la médiation et des Ambassadeurs médiateurs », expliquant ainsi le recours l’outil de la médiation dans un usage diplomatique pour des conflits de gestion de fleuve et de territoires. On peut citer également l’exemple du Danemark, qui dès 1683 (Danske lov) a institué la médiation comme un outil de gestion des différends de territoires, de ressources naturelles, outil réservé aux chefs de tribus et aux sages.
C’est à partir du XIXe siècle que la médiation environnementale prend un aspect moderne avec les premiers différends liés à l’urbanisation des campagnes, l’industrialisation, le changement de nos paysages avec l’abatage des forêts. Au XXe siècle, on peut retenir que la première médiation moderne environnementale est américaine (1973 : projet de barrage sur la rivière Snoqualmie avec l’appui de l’État de Washington et des fondations Ford et Rockefeller). Et qu’elle a par la suite été généralisée. L’exemple de l’affaire Pacific Gas and Electric Company (PG&E) inspirant le film Erin Brockovich contre tous portait sur la pollution de l’eau potable par des rejets toxiques contenant du chrome hexavalent (ou chrome-6), issus de l’eau de refroidissement de l’usine).
À partir des années 1980, la médiation environnementale a commencé à être présente au Canada, en Australie, au Japon, en Autriche, aux Pays-Bas. Le premier symposium européen organisé s’est tenu à Vienne en 2001. Et on commençait à évoquer la médiation environnementale.
Aussi en 2025, on peut retenir que la médiation environnementale dispose désormais d’un statut officiel ainsi de programmes de certification auprès de grandes écoles comme Harvard (le CBI (Consulting Building Institute) le PON (Program On négociation)) mais pas en France.
On peut également retenir que dans la province de Québec, au Canada, le Bureau d’Audiences Publiques sur l’Environnement (BAPE) l’a désormais introduit comme un préalable aux débats publics pour pallier l’inefficacité de la délibération et faible contribution au processus de décision.
Par contre, si la France ne dispose de BAPE, elle dispose depuis 2019 [2] de tribunaux désignés pour connaître seuls de certaines matières civiles fixées par décret, notamment les actions relatives notamment au préjudice écologique et à la réparation des dommages causés par un véhicule aérien, maritime ou fluvial. Et depuis 2020 [3] d’un Pôle Environnement auprès de cours d’appels en matière pénale et civile pour toutes les atteintes d’ordre environnemental.
Chaque Pays fait appel à des médiateurs environnementaux aux profils différents en fonction de sa culture :
En France, suivant le Code national du médiateur de 2009, les dispositions des Codes de procédure civile, Code civil, Code de justice administrative, le médiateur environnemental doit répondre à beaucoup de garanties :
Le législateur a assorti la complexité en créant l’expert en médiation dans la Rubrique Environnement (Rubrique I.12) qui doit répondre à ces garanties ainsi qu’à celles de la déontologie de l’expert (CNCEJ). Sachant que cette typologie d’expertise est gérée différemment devant une juridiction judiciaire et une juridiction administrative : la désignation de l’expert-médiateur est uniquement devant les juridictions administratives car l’article 23 modifiant l’art R621-1 CJA vient en contradiction avec l’article 240 CPC.
La médiation environnementale reste liée à son déclenchement et au profil du médiateur désigné :
Le profil du médiateur environnemental désigné va être regardé par les parties.
La France connait également des spécificités impliquant une personne morale de droit public :
Si à l’international la médiation environnementale peut être simple, la médiation environnementale française reste liée à son champ et ses limites.
Elle peut se déclencher devant le juge judiciaire [14] et les pôles environnement des CA depuis 2020 [15].
Relatif aux atteintes environnementales susceptibles d’une médiation, la médiation peut porter sur tous les litiges liés aux champs de :
Relatif à la réparation civile pouvant être réglée en médiation, la jurisprudence française a reconnu la réparation des atteintes portées à l’environnement et l’obligation générale de réparation. La médiation peut donc porter sur :
Elle n’a pas été prévue par le législateur qui a recentré la médiation pénale uniquement pour les atteintes aux personnes physiques [18].
La pratique judiciaire a développé d’avantage la transaction pénale environnementale notamment dans les domaines de l’eau, la pêche en eau douce et pour les parcs nationaux [19]. Or des réserves ont été portées sur le caractère non exécutoire de ces transactions, le caractère forfaitaire peu proportionné des amendes transactionnelles et peu dissuasif, face au montant exponentiel du préjudice environnemental réclamé par les parties civiles, de plus en plus nombreuses.
Relatif aux atteintes environnementales pénales susceptibles de faire l’objet d’une médiation, pourrait être concerné :
La médiation a été introduite en 2011 dans le Code de justice administrative par voie d’ordonnance mais s’est limitée au champ de l’article L771-3 CJA. Elle a ainsi cohabité avec la conciliation administrative présente depuis 1986 [20], avec des experts conciliateurs habilités et les conciliateurs extérieurs à la juridiction.
La médiation administrative a été généralisée par le décret Jade du 2/11/2016 et la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 en mettant en place deux modes de médiations : à initiative des Parties ou du juge [21] et la médiation peut être demandée devant le Conseil d’Etat [22].
Relatif aux typologies d’atteintes environnementales susceptibles d’une médiation, la jurisprudence foisonnante démontre une prédisposition à la médiation environnementale en reconnaissant le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, la protection des milieux endémiques.
Relatif à la réparation administrative des atteintes environnementales susceptibles d’une médiation, les mêmes raisons précédemment évoquées pourraient alors la mise en place de la médiation au sein des juridictions administratives. Les litiges de l’énergie ayant commencé pour certaines entreprises.
Laure Singla Phd Environnementaliste-expert PHD (Doctorat) International environmental law Promotion François Molins, PDG fondateur SAS Juris Eco Conseil Médiateur administratif et environnemental Présidence du Cercle des Médiateurs Environnementaux & Administratifs Expert près la CA de Montpellier et la CAA de Toulouse Membre CEJICAM, CNEJAE, CEJC, CMEJ[1] Choix commun d’un médiateur, le roi de Kish, Mesilim, qui exerçait l’hégémonie sur la Basse Mésopotamie. Mais ce médiateur était plutôt un arbitre environnemental qui trancha en faveur de la cité Lagash. La guerre reprit et la victoire de Lagash fut totale. Célébrée dans un monument, la Stèle des Vautours, exposée au Musée du Louvre à Paris.
[2] Loi n°2019-222 du 23 mars 2019.
[3] Loi n°2020-1672 du 24 décembre 2020.
[4] Principe 1 de la déclaration de Stockholm du 16 juin 1972 ; article 24 de la charte africaine du 28 juin 1981 ; article 11-1 de la charte du San Salvador du 17 novembre 1988...
[5] Article R213-3 du CJA.
[6] Article 131-5 CPC.
[7] Article L213-2 / article 1530 CPC.
[8] Article L213-2 al. 2 CJA / article 131-5 et 1533 CPC.
[9] Charte du CE du 13/12/2017 / article 131-5 CPC.
[10] Charte CE 13/12/2017.
[11] Article L114-1 et L213-7 CJA.
[12] Art L213-5 Al 1 et 2.
[13] Art L213-7 -Art L213-1 à L213-10 et R213-1 à R213-9 CJA.
[14] Loi du 23/03/2019.
[15] Loi du 24/12/2020.
[16] Ppe 13 Déclaration de Rio du 3 juin 1992.
[17] Art 1246/1247 Code civil.
[18] Art 41-1 alinéa 5, modifié par la loi n°2014-873 du 4 août 2014 CPP.
[19] Art L173-12 cenv.
[20] Codifié à l’article L211-4 CJA puis étendue en appel en 2011.
[21] Articles L213-1 CJA- R213-6- à R213-9.
[22] Article L114-1.
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