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La garde à vue en 10 questions. Par Ambroise Vienet-Legué, Avocat.
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Parution : vendredi 4 avril 2025
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Chaque jour en France, plusieurs centaines de personnes sont placées en garde à vue. Il s’agit d’une mesure de contrainte bien connue du grand public mais qui peut soulever un certain nombre d’interrogations lorsqu’on y est directement ou indirectement confronté. Voici des réponses pratiques et synthétiques aux 10 questions les plus fréquemment posées.
En principe, la durée de la garde à vue ne peut excéder 24 heures.
Toutefois, elle peut être prolongée pour un nouveau délai de vingt-quatre heures (soit 48 heures au total).
Cette prolongation peut se faire, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, si l’infraction reprochée est un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’au moins un an [1].
Dans certains cas, une garde à vue peut durer plus longtemps.
Effectivement, pour les infractions les plus graves, notamment en matière de criminalité organisée ou de terrorisme, la durée de la garde à vue peut faire l’objet de deux prolongations supplémentaires de vingt-quatre heures chacune (soit 96 heures au total) [2].
A titre très exceptionnel, en matière de terrorisme, s’il existe un risque imminent d’une action terroriste ou si les nécessités de la coopération internationale l’exigent, la garde à vue peut encore être prolongée de 48 heures supplémentaires (soit 144 heures au total) [3].
La contrepartie de la privation de liberté qu’entraîne une mesure de garde à vue est la garantie de certains droits essentiels.
Les motifs d’un placement en garde à vue ainsi que ces droits doivent être notifiés dès le début de la mesure.
Ces droits sont énumérés à l’article 63-1 du Code de procédure pénale et il revient à la personne gardée à vue de choisir si elle veut en faire usage ou non :
L’absence de notification de ces droits, leur notification tardive ou la méconnaissance de ceux-ci sont susceptibles d’entraîner l’annulation de la mesure de garde à vue.
Garder le silence est un droit dont on peut faire usage ou non.
Hormis les questions relatives à son identité auxquelles la personne gardée à vue est en principe tenue de répondre, il est possible de répondre à l’ensemble des questions posées ensuite par la formule : « je garde le silence ».
Bien entendu, il est possible de garder le silence sur certaines questions uniquement.
S’il est fait usage de ce droit au silence, il est en général préférable de l’appliquer à toutes les réponses, sauf à faire émerger aux yeux des enquêteurs les questions qui apparaissent comme « dérangeantes » pour la personne placée en garde à vue.
Dans certains cas précis, l’usage de ce droit au silence peut se révéler utile ; il n’est toutefois pas toujours judicieux.
L’opportunité de faire usage de ce droit au silence dépend d’un certain nombre d’éléments et doit s’inscrire dans une stratégie de défense globale et réfléchie.
L’entretien de 30 minutes avec un avocat au début de la mesure de garde à vue peut être l’occasion d’échanger avec lui sur l’opportunité de faire usage de ce droit au silence ou non.
Il n’est pas rare que, lors d’une audition de garde à vue, un enquêteur demande à la personne mise en cause les codes de déverrouillage de son téléphone en vue de son exploitation (messages, réseaux sociaux, photographies et vidéos, historique de navigation internet…).
En principe, il lui donnera connaissance des dispositions de l’article 434-15-2 du code pénal qui sanctionnent le fait de ne pas donner son code de téléphone, si certaines conditions sont satisfaites (notamment le fait que le téléphone a été susceptible d’être utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit), d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 270 000 euros d’amende.
Si ce refus a été opposé alors que le déverrouillage du téléphone aurait permis d’éviter la commission d’un crime ou d’un délit ou d’en limiter les effets, la peine est de cinq ans d’emprisonnement et 450 000 euros d’amende.
Ainsi, en cas de refus, et si les conditions fixées par cet article sont satisfaites, la personne mise en cause s’expose à être poursuivie et condamnée pour cette infraction.
Là encore, l’entretien confidentiel avec l’avocat peut être l’occasion d’échanger sur l’opportunité de donner son code de téléphone et sur les risques encourus, le cas échéant.
Contrairement à certaines idées reçues, refuser l’assistance d’un avocat ne permet pas de prouver sa bonne foi ni de faire en sorte que la garde à vue se termine plus rapidement.
En réalité, la décision de se faire assister par un avocat n’est jamais préjudiciable et n’est jamais reprochée à la personne placée en à vue.
L’avocat joue un rôle essentiel lors de la garde à vue, notamment en ce qu’il veille au respect des droits de la personne mise en cause.
Si celle-ci ne connaît pas d’avocat et n’est pas en mesure d’en désigner un, le Bâtonnier de l’Ordre des avocats désignera un avocat commis d’office, généralement formé à la défense pénale d’urgence, pour l’assister.
Un avocat peut également être désigné par le proche qui a été prévenu par la personne mise en cause de son placement en garde à vue. Un enquêteur demandera à cette dernière de confirmer ou non cette désignation [4].
Dès l’arrivée de l’avocat, le mis en cause peut s’entretenir avec lui de manière parfaitement confidentielle pendant 30 minutes maximum. L’objet de cet entretien est généralement d’échanger sur la stratégie à adopter, notamment s’agissant de l’opportunité de faire usage ou non du droit au silence, et sur des questions d’ordre procédural.
L’avocat a uniquement connaissance de la qualification, de la date et du lieu de l’infraction reprochée. Il n’a pas accès au dossier de procédure et n’a notamment pas connaissance des éventuels témoignages ou des éléments matériels figurant au dossier (traces ADN, images de vidéosurveillance…).
L’avocat est présent lors des auditions et des éventuelles confrontations. Le Code de procédure pénale prévoit que l’avocat peut :
Par ailleurs, il peut assister la personne mise en cause lors de la relecture des procès-verbaux, pour veiller à ce que ses propos aient bien été fidèlement retranscrits.
Un nouvel entretien confidentiel de 30 minutes avec l’avocat sera possible au début de chaque prolongation de la garde à vue.
Attention : si l’avocat est en contact avec un proche de la personne gardée à vue, l’avocat est tenu de respecter le secret de l’enquête et ne peut rien révéler du dossier, notamment l’infraction reprochée. Les échanges se limitent donc généralement à des questions de procédure (durée de la garde à vue, éventuelle prolongation de la mesure, suites envisageables…).
L’ensemble des procès-verbaux (notification des droits, auditions, confrontations…) est soumis à la signature de la personne gardée à vue.
Avec l’assistance de son avocat, elle peut demander la correction d’une mauvaise retranscription de ses propos ou demander à ajouter une précision utile.
Le fait de signer le procès-verbal acte généralement une validation de la retranscription écrite des propos tenus.
Il est conseillé de ne pas signer uniquement si la retranscription écrite n’est pas conforme aux déclarations faites et que l’enquêteur a refusé d’apporter les corrections demandées. L’avocat ne manquera pas de déposer des observations écrites qui seront communiquées au Procureur de la République dans une telle situation.
Le refus de signer n’emporte aucune conséquence procédurale. L’enquêteur apposera simplement la mention « refus de signer » sur les procès-verbaux, lesquels seront malgré tout joints au dossier de procédure.
La garde à vue est possible à partir de l’âge de 13 ans.
Pour le mineur de 10 à 13 ans : à titre exceptionnel, le mineur peut simplement faire l’objet d’une mesure de « retenue » seulement s’il est soupçonné d’avoir commis ou tenté de commettre un délit ou un crime puni d’au moins 5 ans d’emprisonnement [5].
Cette mesure ne peut excéder 12 heures, renouvelables une fois (soit 24 heures au total) [6].
Pour le mineur de 13 et plus : le mineur peut faire l’objet d’une mesure de garde à vue, au même titre qu’un majeur [7].
Il existe toutefois certaines particularités procédurales :
Comme la garde à vue, l’audition libre concerne uniquement les personnes suspectées d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction.
A la différence de la garde à vue, l’audition libre peut porter sur des infractions qui ne sont pas punies par une peine d’emprisonnement. De plus, la personne suspectée est entendue sans contrainte par l’enquêteur : elle se rend librement dans les locaux de la police et de la gendarmerie et peut les quitter à tout moment [11].
En général, cette mesure est mise en œuvre pour les infractions les moins graves (notamment celles pour lesquelles aucune peine d’emprisonnement n’est pas encourue) et/ou lorsqu’une garde à vue n’apparaît pas nécessaire (absence de risque de modification des preuves ou indices matériels, de pression sur des témoins ou des victimes, de concertation avec des coauteurs ou complices…).
La personne entendue dans le cadre d’une audition libre bénéficie d’un certain nombre de droits :
Attention : il arrive qu’une audition libre aboutisse à un placement en garde à vue.
C’est le cas, notamment, lorsque l’audition libre a permis de confirmer certains soupçons au sujet de la commission d’une infraction et qu’une mesure de contrainte s’impose ou lorsqu’il apparaît que l’infraction est en réalité beaucoup plus grave que celle qui était initialement suspectée.
L’objectif principal d’une garde à vue est avant tout de pouvoir recueillir les explications d’une personne soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction. Bien entendu, la personne gardée à vue reste présumée innocente tout au long de cette mesure.
Les suites les plus fréquentes d’une garde à vue sont les suivantes (liste non exhaustive) :
A l’issue de la garde à vue, la personne mise en cause est remise en liberté :
A l’issue de la garde à vue, la personne mise en cause n’est pas remise en liberté mais est déférée (conduite sous contrainte devant un magistrat, en principe le jour même) :
Le déferrement devant un procureur de la République :
Le déferrement devant un juge d’instruction :
La mesure de garde à vue n’est pas toujours suivie de poursuites.
Cette mesure, qui peut être longue et éprouvante, peut être perçue par l’intéressé comme une garde à vue injustifiée ou une garde à vue abusive dans la mesure où il a été privé de sa liberté « pour rien ».
Pourtant, il n’est pas possible d’être indemnisé en raison d’une garde à vue à l’issue de laquelle aucune charge n’a été retenue.
Les choses sont différentes, par exemple, en matière de détention provisoire où une procédure d’indemnisation spécifique existe lorsque la procédure aboutit à un non-lieu, une relaxe ou un acquittement.
Dans des cas exceptionnels où la garde à vue est manifestement abusive, au cours de laquelle les droits de la personne gardée à vue n’ont pas été respectés, l’engagement de certaines procédures doit être envisagé (dépôt de plainte, signalement à l’IGPN, saisine du Défenseur Des Droits…).
Il est également possible d’envisager d’engager la responsabilité de l’Etat en cas de faute lourde sur le fondement de l’article L141-1 du Code de l’organisation judiciaire.
Ambroise Vienet-Legué Avocat à la Cour Barreau de Paris Ancien Secrétaire de la Conférence www.louve-avocats.com[1] Article 63 du Code de procédure pénale.
[2] Article 706-88 du Code de procédure pénale.
[3] Article 706-88-1 du Code de procédure pénale.
[4] Article 63-3-1 du Code de procédure pénale.
[5] Article L413-1 du Code de la justice pénale des mineurs.
[6] Article L413-2 du Code de la justice pénale des mineurs.
[7] Article L413-6 du Code de la justice pénale des mineurs.
[8] Article L413-10 du Code de la justice pénale des mineurs.
[9] Article L413-9 du Code de la justice pénale des mineurs.
[10] Article L413-12 du Code de la justice pénale des mineurs.
[11] Article 61-1 du Code de procédure pénale.
[12] Article 394 du Code de procédure pénale.
[13] Article 395 du Code de procédure pénale.
[14] Article 495-7 du Code de procédure pénale.
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