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Prestation compensatoire : durée du mariage et notion de disparité. Par Barbara Régent, Avocate.
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Parution : vendredi 4 avril 2025
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L’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. C’est ce qu’on appelle la prestation compensatoire. Comment faut-il comprendre la notion de disparité ? Dépend-elle de la durée du mariage ? Quid si cette disparité était déjà présente au moment du mariage ?
En application de l’article 270 du Code civil,
« l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge. Toutefois, le juge peut refuser d’accorder une telle prestation si l’équité le commande, soit en considération des critères prévus à l’article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture ».
En vertu de l’article 271 du Code civil, le juge prend notamment en considération la « durée du mariage ».
De la combinaison de ces deux articles 270 et 271 du Code civil, il ressort que pour une brève durée de mariage (entre 5 et 8 ans), la jurisprudence alloue une faible prestation compensatoire, même en présence d’une très forte disparité de revenus et de patrimoines. Il faut préciser que dans les décisions accordant une prestation compensatoire, la durée moyenne du mariage est de 20 ans, selon le dernier rapport sur le sujet.
Pour un mariage de quelques années, il est fréquent que la disparité éventuelle, c’est-à-dire la différence de revenus et de patrimoine entre les époux, était déjà présente au moment de l’union. Or, selon la Cour de cassation, « l’un des époux ne peut être tenu de verser à l’autre une prestation compensatoire que si la disparité dans leurs conditions de vie respectives est créée par la rupture du mariage », et tel n’est pas le cas lorsque « cette disparité existait antérieurement à l’union (…) et n’était pas la conséquence de la rupture du mariage, dont la durée très brève n’avait eu aucune incidence sur la situation patrimoniale » de l’époux demandeur à la prestation compensatoire [1]. Dans cet arrêt, la Cour de cassation valide ainsi la décision qui avait rejeté la demande de prestation compensatoire dans le cadre d’un mariage d’une durée de 6 ans.
La doctrine considère également qu’il est « nécessaire de rechercher la cause de la disparité pour savoir si une prestation compensatoire est ou non justifiée » [2]. Cette position résulte de la rédaction même de l’article 270 précité au travers, d’une part, de la notion de « disparité créée par la rupture du mariage », d’autre part, de la référence à l’équité, qui implique, selon la doctrine, de se référer au « vécu du couple » et aux « choix de vie faits en commun » [3].
Faisant application de cette jurisprudence, en particulier en cas de mariage de courte durée, de nombreuses décisions écartent la demande de prestation compensatoire lorsque la disparité préexiste au mariage. Il serait en effet anormal qu’un époux « s’approprie », par le biais de la prestation compensatoire, des revenus et du patrimoine que son conjoint a acquis par son travail (ou par des donations) antérieurement à l’union. Compte tenu du taux de divorce en France et donc du nombre croissant de remariages, les juridictions sont de plus saisies de ce type de litiges.
Citons une dizaine d’exemples de jugements :
La jurisprudence semble donc confirmer ce lien de cause à effet : « disparité préexistante => absence de prestation compensatoire ».
Toutefois, dans certains divorces, une prestation compensatoire peut être due, même en présence d’une disparité préexistante et d’un mariage de brève durée. Seule l’expérience d’un avocat formé à la matière familiale et doté d’une solide expérience peut aider les époux à déterminer si une prestation compensatoire est justifiée et quel est son montant, au regard, outre de la jurisprudence, des autres éléments spécifiques du dossier (âge des époux, état de santé, qualifications professionnelles, sacrifices professionnels pour éduquer les enfants, régime matrimonial choisi par les époux, …). Les modes amiables sont toujours à privilégier, car au-delà du droit, ils permettent de mettre celui-ci en corrélation avec les besoins et les capacités des personnes pour que chacun puisse rebâtir sa vie plus sereinement après une séparation, surtout en présence d’enfants.
Barbara Régent, Avocate au Barreau de Paris, co-fondatrice des associations Les Avocats de la Paix et Humanethic https://www.regentavocat.fr/[1] 1ère Chambre Civile, 9 décembre 2009 ; n° 08-16180.
[2] Voir l’ouvrage de Stéphane David « Droit et pratique de la procédure de divorce » - 213.93. Rôle de la cause de la disparité.
[3] Civ. 1re, 24 sept. 2014, no 13820.695.
[4] CA Versailles, 30 mai 2024, n° 22/06617, confirmant le jugement de Nanterre.
[5] TGI Nanterre, JAF, cab. 1a, 24 sept. 2007, n° 03/13809.
[6] CA Grenoble, ch. des affaires familiales, 22 juin 2011, n° 11/01188.
[7] CA Aix-en-Provence, 10 janv. 2013, n° 12/01098.
[8] CA Bordeaux, 10 décembre 2024, n° 22/05198.
[9] CA Rennes, sixième ch., 7 déc. 2010, n° 09/08249.
[10] CA Colmar, 5 octobre 2021, 19/03581 ; durée du mariage de 5 ans et demi.
[11] TJ Bourg-en-Bresse, ch. famille cab 2, 17 janv. 2025, n° 22/02277.
[12] CA Rouen, ch. de la famille, 12 mai 2011, n° 10/03879.
[13] CA Nîmes, 3e ch. famille, 7 déc. 2016, n° 15/03930.
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