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Meurtre et assassinat : quelles distinctions et quelles sanctions ? Par Alexandre Couilliot, Avocat.
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Parution : mercredi 9 avril 2025
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Les termes de meurtre et d’assassinat sont souvent employés dans le langage courant comme des synonymes. Pourtant, en droit pénal français, ils renvoient à des infractions distinctes, aux conséquences juridiques différentes. Qu’est-ce qu’un meurtre ? Qu’est-ce qu’un assassinat ? Quelles sont les circonstances aggravantes et les peines encourues ? Quelques rappels utiles.
Le crime de meurtre et le crime d’assassinat sont deux infractions distinctes en droit pénal français, bien qu’elles partagent certaines similitudes. Voici une analyse des éléments constitutifs, des circonstances aggravantes et des sanctions encourues pour chacun de ces crimes.
Le crime de meurtre est défini par l’article 221-1 du Code pénal comme le fait de donner volontairement la mort à autrui.
La jurisprudence a rappelé que le crime de meurtre comporte un élément matériel, la mort de la victime, et un élément intentionnel, l’intention de donner la mort au moment de l’action [1].
Il s’agit donc d’un homicide intentionnel, l’auteur ayant voulu tuer, que ce soit sur un "coup de tête" ou après une altercation. Il ne s’agit ni d’un accident, ni d’une simple négligence. C’est ce qui distingue le meurtre des autres formes d’homicides, comme l’homicide involontaire [2].
Pour qu’un meurtre soit caractérisé, trois éléments doivent donc être réunis :
A titre d’exemple, il a déjà été jugé que :
L’appréciation de l’intention homicide est donc un élément crucial dans toute affaire pénale de meurtre. A cet égard, on constate que le juge répressif peut la déduire de divers éléments, tels que la nature et la localisation des coups, les déclarations du mis en examen, et les circonstances entourant l’acte.
Le meurtre est puni de trente ans de réclusion criminelle selon l’article 221-1 du Code pénal. Cependant, en présence de circonstances aggravantes, la peine peut être portée à la réclusion criminelle à perpétuité, comme le dispose l’article 221-4 du Code pénal.
Au titre des circonstances aggravantes, on retrouve notamment le meurtre commis :
Il faut également noter que le meurtre est aggravé lorsqu’il précède, accompagne ou suit un autre crime, ou lorsqu’il a pour objet soit de préparer ou de faciliter un délit, soit de favoriser la fuite ou d’assurer l’impunité de l’auteur ou du complice. La réclusion criminelle à perpétuité est alors également encourue.
Enfin, l’article 132-23 du Code pénal relatif à la période de sûreté s’applique en cas de condamnation pour meurtre (moitié de la peine ou 18 ans en cas de réclusion criminelle à perpétuité, avec la possibilité d’augmenter aux deux tiers ou à 22 ans en cas de réclusion criminelle à perpétuité sur décision spéciale de la juridiction).
Toutefois, cette période de sûreté peut être augmentée à 30 ans ou devenir "totale" en cas de condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité lorsque :
Si le meurtre et l’assassinat font encourir des peines sensiblement identiques, le second diffère en revanche du premier en ses éléments constitutifs.
Tout comme le meurtre, l’assassinat implique la volonté de tuer ou intention homicide.
En revanche, il s’en distingue en ce qu’il est une forme aggravée de meurtre. Selon l’article 221-3 du Code pénal, l’assassinat est en effet un meurtre commis avec préméditation ou guet-apens. La préméditation implique que l’auteur a formé le dessein de tuer avant de passer à l’acte, ce qui constitue un élément distinctif par rapport au meurtre.
On pourrait définir la préméditation comme le fait d’avoir réfléchi à l’avance à l’acte criminel, de l’avoir préparé, planifié. Elle suppose une volonté arrêtée de tuer, antérieure à l’exécution.
Le guet-apens, quant à lui, pourrait être défini comme le fait d’attirer volontairement la victime dans un piège, pour lui ôter la vie.
Dans le cas de l’assassinat, l’acte est donc en théorie mûrement réfléchi, délibéré, voire calculé. La jurisprudence a ainsi rappelé que la préméditation est un élément essentiel de l’assassinat, amenant à une analyse factuelle de la préparation du crime [8].
A titre d’exemple, il a déjà été jugé que :
On peut également relever un lien avec la notion de bande organisée, la répartition des rôles pouvant être considérée comme une preuve de préméditation [12].
Ces exemples montrent que la préméditation en matière d’assassinat est souvent caractérisée par des actes préparatoires et une intention claire de commettre le crime, mais que l’absence de mobile déterminé peut parfois remettre en question cette qualification pénale.
L’assassinat est directement puni de la réclusion criminelle à perpétuité, conformément à l’article 221-3 du Code pénal.
Pour le surplus, les mêmes règles classiques et dérogatoires que celles exposées supra pour le crime de meurtre s’appliquent en matière d’assassinat.
En résumé, la différence principale entre le meurtre et l’assassinat réside dans la préméditation, qui est un élément constitutif de l’assassinat. Les circonstances aggravantes peuvent augmenter la gravité des peines pour les deux crimes, mais l’assassinat est toujours puni plus sévèrement, avec une peine de réclusion criminelle à perpétuité.
Alexandre Couilliot Avocat au Barreau de Paris [->contact@avocatac.com] www.avocatac.com[1] Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 mars 2015, 15-80.024, Inédit.
[2] Article 221-6 du Code pénal.
[3] Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 septembre 2008, 08-84.601, Inédit.
[4] Cour de cassation, Chambre criminelle, du 10 mai 1984, 84-91.064, Publié au bulletin.
[5] Cour d’appel de Montpellier, 19 mars 2009.
[6] Cour de cassation, Chambre criminelle, du 3 mai 2007, 07-81.230, Inédit.
[7] Cour de cassation, Chambre criminelle, 5 avril 2011, 11-80.540, Inédit.
[8] Cour de cassation, Chambre criminelle, du 13 février 1997, 96-85.692.
[9] CEDH, Cour (cinquième section comité), Hodor c. France, 16 février 2023, 23/19.
[10] Cour de cassation, Chambre criminelle, du 23 mars 1982, Inédit.
[11] Cour de cassation, Chambre criminelle, 18 octobre 2016, 16-84.863, Publié au bulletin.
[12] Cour de cassation, Chambre criminelle, 6 octobre 2021, 20-87.124.
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