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Indemnisation des victimes d’infractions : une expertise privée, plus favorable que l’expertise judiciaire, entérinée par la CIVI. Par Elsa Crozatier, Avocate.
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Parution : mercredi 16 avril 2025
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Une Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) entérine les conclusions d’une expertise privée bien plus favorable à la victime que l’expertise judiciaire (ex : SE cotées 4/7 au lieu de 3/7 ; DFP de 35% au lieu de 25% …).
Par une décision du 17 octobre 2024 (CIVI Pontoise, 17 octobre 2024, RG 23/00486) aujourd’hui définitive, la CIVI de Pontoise a fait droit aux demandes d’indemnisation des préjudices subis par le client en se basant sur un rapport d’expertise privé qui majorait de manière significative les évaluations faites par l’expert judiciaire.
La CIVI a retenu qu’une expertise privée versée aux débats peut parfaitement servir de base au juge pour évaluer les préjudices subis par la victime.
Alors qu’il participait à un barbecue avec des amis, un jeune homme de vingt ans était victime d’un tir de flashball. Il était touché au niveau de l’œil droit. Quelques jours après l’accident, il perdait finalement la vision de cet œil.
Le fonctionnaire de police à l’origine du tir était condamné par le Tribunal correctionnel pour violences volontaires aggravées ; par ailleurs, le tribunal ordonnait une expertise afin d’évaluer l’ensemble des préjudices subis par la victime.
Le jeune homme se rendait seul à l’expertise, sans être accompagné ni par un avocat ni par un médecin-conseil.
Un cabinet était saisi plusieurs années après le dépôt du rapport d’expertise.
Le rapport apparaissant lacunaire, n’ayant notamment pas retenu certains postes pourtant objectivés et objectivables, ou minimisant certains autres postes de préjudices, il était demandé au médecin-conseil d’établir un rapport d’expertise privé.
L’avocat conseil de la victime a donc saisi en indemnisation sur la base de ce rapport d’expertise privé. Le Fonds de garantie basait quant à lui sa proposition indemnitaire sur la base du rapport d’expertise judiciaire, sans contester pour autant la valeur probante du rapport privé.
C’est ainsi que par décision du 17 octobre 2024, aujourd’hui définitive, la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions de Pontoise a considéré que pour évaluer les préjudices subis par la victime, il convient de retenir aussi bien l’expertise judiciaire que l’expertise privée au motif que :
« Les conclusions de l’expertise judiciaire ordonnées par le tribunal correctionnel ainsi que la note du Dr N., versées aux débats, non contestées par le Fonds de Garantie, reposent sur un examen sérieux de la victime et mérite de servir de base à l’évaluation du préjudice subi par celle-ci ».
La CIVI a ainsi majoré de manière significative les évaluations faites par l’expert judiciaire en s’appuyant sur l’argumentation du médecin la victime notamment :
Cette décision est une grande victoire : elle a permis de solliciter une indemnisation intégrale de ses préjudices qui ont été plus justement indemnisés.
Il est malheureusement trop rare que les magistrats acceptent de s’écarter des conclusions de l‘Expert qu’ils ont eux-même désigné…
Aussi, il doit être rappelé, quand nécessaire, que l’article 246 du Code de Procédure Civile dispose que :
« Le juge n’est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien ».
(CIVI Pontoise, 17 octobre 2024, RG 23/00486)
Elsa Crozatier, Avocate à la Cour, droit du dommage corporel Barreau de Paris www.crozatier-avocats.comL'auteur déclare ne pas avoir utilisé l'IA générative pour la rédaction de cet article.
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Le propos est notoirement intéressant en ce qu’il confronte l’exercice d’un savoir en deux contextes différents. Faut-il en voir un plus performant que l’autre ? N’oublions pas que la Justice pénale, et notamment ses enquêteurs, font pression sur les Experts de Justice pour avoir des devis bas coût qui, si la mission et le rapport sont faits avec rigueur et détail argumenté, de façon contrôlable et vérifiable, conduisent à un taux horaire inférieur à un artisan. Des exemples existent et pourrait être produits.
Autre problème comment sont lus et exploités les rapports selon le lecteur mobilisé. Le premier Ministre dans l’affaire de l’école privée a reconnu à l’Assemblée Nationale qu’il n’avait peut être pas porté une bonne attention au rapport et ne se serait fixé que sur la conclusion. Tout n’est-il pas dit ? Mais attention ne reportons pas la faute sur le Juge, sauf éventuellement au pénal, car dans les autres cas le procès est la chose des Parties et aux techniciens et Avocats de faire leur travail. Un excellent article d’Avocate porte sur l’escroquerie au Jugement. Sans être psycho rigide certains rapports d’Expertise, de Justice ou privé, emporteraient une relative "forme de déclinaison de ce principe".
Au delà du sens strictement Juridique à qualifier que dire d’une personne morale très connue qui dans son rapport inverse l’identification des photos après avoir violé un plombage ERDF, en l’absence de celle-ci, pour faire croire à une inversion de faute ? Que dire de cette même personne morale qui transcrit et exploite des faits faux, indéniablement constatables sans difficulté et soutenu par l’Avocat assistant l’assurance ? Que dire de l’Expert de Justice qui ne fait qu’affirmer exploitant sa notoriété et celui en incendie sans aucune connaissance, consubstantielle à celle de la combustion, du Règlement de prévention contre le danger d’incendie.
Le problème n’est pas Judiciaire ou privée, de l’expertise, mais quel contenu, quel descriptions, quelles argumentations, quels référencements, quelle rigueur et exhaustivité.
Merci d’un éventuel débat.