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Hippocrate : le scandale de l’école fantôme de préparation aux études de médecine. Par Rachel Nakache, Avocat.
Parution : lundi 12 mai 2025
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Surfant sur la pratique notoire et utile de recourir à une école préparatoire pour réussir le concours de 1ʳᵉ année de médecine, le fondateur de l’école fantôme Hippocrate a été condamné pénalement par le Tribunal correctionnel de Paris le 28 avril 2025.

Chaque année, des milliers d’étudiants s’inscrivent en faculté de médecine. Afin de réussir la très sélective et exigeante première année, la plupart d’entre eux se fait accompagner par une école dite « préparatoire ».

Partant de ce postulat, un étudiant en 3ᵉ année de médecine, crée la prépa Hippocrate à l’automne 2020. Président de la société, il prévoit l’ouverture de 30 sites dans toute la France et le recrutement de 350 professeurs pour la rentrée scolaire suivante. N’ayant pas encore les fonds nécessaires au lancement de la société, il décide malgré tout d’ouvrir avec ses complices les inscriptions, afin, selon eux, de financer le développement de leur activité.

L’objectif étant d’attirer le plus de clients possibles, ils créent un site et une plaquette attractifs. Affichant un taux de réussite de 90% alors que l’école Hippocrate n’avait aucune existence antérieure, l’école Hippocrate promet aux étudiants de réussir leurs études de médecine. En effet, la plaquette de présentation fait état d’une préparation et d’un suivi exhaustif, avec notamment un accès à une plateforme décrite comme la plus grande base de données de QCM d’entrainements, un suivi individuel de chaque étudiant par un professeur agrée et un mentor, un début de cours préparatoire dès début août, avec la distribution de polycopiés des cours actualisés.

Afin de donner un maximum de visibilité à Hippocrate, il est demandé aux employés de la société de publier régulièrement des commentaires élogieux sur son site, avec des pseudonymes différents. Il s’agit également de vendre des prestations qui n’existent pas, en mentant sur certains éléments tels que la date de création de cette école, ou les services proposés, et en mettant en avant le peu de places disponibles.

C’est ainsi que des centaines de candidats au concours de médecine à la recherche d’une école préparatoire découvrent Hippocrate. Les clients intéressés la contactent et sont reçus par une structure semblant professionnelle. Après un premier rendez-vous, une commission pédagogique devait analyser leur dossier scolaire et valider leur sélection. Plus de 80 étudiants s’inscrivent moyennant des frais, pouvant allant de quelques centaines d’euros à plus de 8 000 euros.

En août 2021, alors que les stages de pré-rentrées sont censés débuter, les étudiants et leurs familles se rendent compte de la tromperie : il n’y aura pas de préparation au concours de médecine dispensés par l’école Hippocrate à laquelle ils se sont inscrits.

L’école devient subitement difficilement joignable et son fondateur a disparu.
Pour les étudiants et leur famille, le préjudice moral est énorme. A l’angoisse de ne pas réussir la première année de médecine, s’ajoute celle de ne pas être accompagné par une école préparatoire. De plus, depuis l’entrée en vigueur de la réforme de la sélection en médecine, les étudiants ne peuvent plus redoubler la première année.

Alors que le premier semestre démarre et que les révisions et entrainements ont déjà commencé pour les autres candidats au concours, certains étudiants lésés tentent d’intégrer in extremis une autre école préparatoire. Or la plupart sont complètes, ou bien il reste peu de places.

Face aux très nombreuses réclamations, l’école Hippocrate s’engage à transférer les dossiers des étudiants vers les autres écoles préparatoires, mais le ne fait pas systématiquement. De surcroît, les étudiants et leurs parents ne sont pas remboursés des sommes versées, parfois très importantes, de plusieurs milliers d’euros.

Au sein de la société, la désillusion est similaire pour la vingtaine de personnes recrutées et salariées. Les employés, lorsqu’ils étaient payés, c’était avec du retard.

Ils n’ont pas non plus été déclarés aux organismes sociaux et fiscaux par leur employeur. Certains d’entre eux ont vu leur contrat rompu brutalement et n’ont pas reçu les documents nécessaires à leur inscription à pôle emploi, étant alors sans revenus pendant des semaines. Les relations avec les dirigeants étaient très difficiles voire terrorisantes.

Employés et étudiants bernés portent plainte. Une enquête est ouverte par le parquet de Paris, puis confiée à la Brigade de Répression de la Délinquance Astucieuse. Le fondateur de l’école Hippocrate, Monsieur Samy Nacer est placé en garde à vue. Lui et ses complices sont entendus et des perquisitions sont effectuées à leurs domiciles respectifs.

Les enquêteurs passent aux cribles leurs comptes bancaires. Les dépenses concernent principalement des restaurants, hôtels, marques de luxe et location de voitures, et finalement très peu l’école Hippocrate.

Il apparait également que Monsieur Samy Nacer avait interdiction de gérer une entreprise pendant cinq ans, après avoir déjà créé une première prépa en médecine, CPS, quelque temps plus tôt, qui a fait faillite.

Il est donc placé en examen avec ses complices puis ils sont déférés devant le tribunal correctionnel de Paris pour des faits notamment d’escroquerie, et concernant Monsieur Samy Nacer, de direction, gestion ou contrôle d’une entreprise commerciale malgré une interdiction judiciaire, faux et usage de faux de travail dissimulé.

Interrogés par la juridiction, les prévenus ne reconnaissent pas les faits, prétendant que l’échec d’Hippocrate n’est dû qu’à une mauvaise organisation de leur part.
Le procès a duré trois jours, du 17 au 19 mars 2025. Plus de 50 se sont constituées parties civiles, étudiants et anciens employés de la société étaient présents, accompagnés de leur avocat.

Le jugement a été rendu le 28 avril 2025 par le Tribunal correctionnel de Paris. Sans surprise, le fondateur et l’un de ses complices ont été reconnus coupables et condamnés notamment à une peine de prison de quatre ans pour le premier et un an pour le second ainsi qu’à l’indemnisation des victimes.

Rachel Nakache Avocat au barreau de Paris

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