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Le contrôle juridique de la gestion des déchets au Burkina Faso. Par Paulin Bouda, Juriste.
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Parution : lundi 19 mai 2025
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Le contrôle juridique de la gestion des déchets représente aujourd’hui l’un des défis majeurs auxquels fait face le Burkina Faso. L’urbanisation rapide, la croissance démographique et l’industrialisation progressive ont entraîné une augmentation de la production de déchets, sans que les mécanismes de traitement, de valorisation et d’élimination ne suivent de manière proportionnelle.
Face à ce constat, le législateur burkinabè a mis en place un arsenal juridique destiné à encadrer la gestion des déchets, à prévenir les atteintes à l’environnement, et à garantir un cadre de vie sain aux populations. Toutefois, la mise en œuvre de ces instruments juridiques rencontre de nombreuses difficultés. La question de l’efficacité de l’encadrement juridique de la gestion des déchets parait audible. selon l’article 4 du Code l’environnement [1] « le déchet est tout résidu de matière ou de substance abandonné ou destiné à l’abandon qu’il soit liquide, solide ou gazeux, issu d’un processus de fabrication, de transformation ou d’utilisation d’une matière ou d’un produit. » Selon cette même disposition un déchet est dit dangereux lorsqu’il « présente des risques graves pour la santé, la sécurité publique et pour l’environnement ».
La présente rédaction analyse le cadre juridique burkinabè en matière de gestion des déchets, en mettant en lumière ses forces, ses insuffisances et les perspectives de renforcement du contrôle. Nous n’étudierons pas le cadre international en la matière, mais force est de constater la reconnaissance du droit a un environnement sain par plusieurs organismes internationaux. Dans le système onusien, le droit à un environnement sain a été reconnu le 08 octobre 2021 par la résolution 48/13, adoptée lors de la 48ᵉ session du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies.
Dans le système africain des droits de l’homme, la charte africaine des droits de l’homme et des peuples, précise en son article 24 que « Tous les peuples ont droit à un environnement satisfaisant et global, propice à leur développement ». La charte africaine des droits de l’homme et des peuples est d’ailleurs le premier traité international à reconnaître ce droit. À ce texte, on peut ajouter le texte révisé de la Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles du 11 juillet 2003 [2].
Ainsi, le système africain dispose d’un arsenal normatif en matière de droit de l’environnement. Pour ce qui est du cadre national, en plus de la Constitution il y a une série de texte règlementaire sur l’encadrement de l’environnement et par ricochet la gestion des déchets.
Nous allons évoquer la consécration juridique du droit à un environnement sain (A) ce qui permettra d’évoquer la question de la normativité de la gestion des déchets (B).
Le Burkina Faso a reconnu très tôt l’importance de la protection de l’environnement à travers sa législation fondamentale. L’article 29 de la Constitution de 1991 garantit à chaque citoyen le droit de vivre dans un environnement sain. Cette reconnaissance constitutionnelle est renforcée par la loi n°006-2013/AN portant Code de l’environnement [3], qui constitue la pierre angulaire du dispositif juridique en matière de gestion des déchets. Le Code de l’environnement consacre plusieurs principes fondamentaux qui guident l’action environnementale. Le principe du pollueur-payeur impose à toute personne physique ou morale qui génère des déchets l’obligation de prendre en charge leur élimination ou leur traitement. Ce principe a pour objectif de responsabiliser les producteurs de déchets, en leur faisant supporter les coûts liés à leurs activités polluantes. Le principe de précaution, quant à lui, invite à la prudence en cas de doute sur les conséquences d’une activité sur l’environnement, en autorisant les autorités à suspendre ou interdire une activité même en l’absence de certitude scientifique. Le principe de prévention insiste sur l’anticipation des risques environnementaux, tandis que celui de la responsabilité environnementale engage tout acteur à répondre des dommages causés à l’environnement.
La loi prévoit également un droit d’action pour les citoyens. Toute personne peut saisir les autorités administratives ou judiciaires pour faire cesser une nuisance environnementale, ce qui ouvre la voie à un contentieux environnemental de plus en plus reconnu, même s’il reste encore peu utilisé dans la pratique. Ces principes traduisent la volonté du législateur burkinabè de promouvoir une gouvernance environnementale inclusive, responsable et fondée sur les droits.
La gestion des déchets au Burkina Faso est régie par un ensemble de textes qui définissent les rôles des différents acteurs, les types de déchets, les obligations des producteurs, ainsi que les procédures d’élimination. Le Code de l’environnement reste le texte de référence. Il définit les déchets comme tout résidu de matière ou de substance abandonné ou destiné à l’abandon, qu’il soit solide, liquide ou gazeux, et en distingue plusieurs catégories : les déchets ménagers, les déchets dangereux, et les déchets inertes.
Parmi les mesures importantes prévues, l’on note l’obligation de disposer d’une autorisation préalable pour toute activité de gestion de déchets, que ce soit la collecte, le transport, le traitement, la valorisation ou l’élimination. De plus, les installations de traitement doivent respecter des conditions strictes, notamment en matière de sécurité, de localisation et de respect des normes techniques.
D’autres textes viennent compléter le Code de l’environnement. Le Code des collectivités territoriales [4] confie aux communes la responsabilité de la collecte et du traitement des déchets ménagers [5]. Des décrets [6] précisent la gestion des déchets biomédicaux, les modalités des études d’impact environnemental, ou encore les infractions en matière environnementale. Des arrêtés municipaux organisent au niveau local la gestion pratique des déchets, en fixant les jours de collecte, les types de contenants à utiliser, ou les sanctions en cas d’infractions.
Cependant, malgré la richesse de ce cadre juridique, l’application reste inégale. Dans de nombreuses localités, les textes sont peu connus des responsables, les populations ne sont pas suffisamment sensibilisées, et les moyens manquent pour assurer un contrôle efficace.
Nous parlerons du mécanisme du contrôle juridique (A) et de ses limites (B).
Le système juridique burkinabè prévoit plusieurs mécanismes de contrôle en matière de gestion des déchets. Tout d’abord, les projets susceptibles d’avoir un impact sur l’environnement sont soumis à des évaluations préalables, notamment les études d’impact environnemental (EIE), les notices d’impact (NIE) ou les évaluations environnementales stratégiques (EES). Ces instruments visent à anticiper les conséquences des projets sur l’environnement, et à proposer des mesures d’atténuation. Ils sont obligatoires pour l’obtention de certaines autorisations. La loi prévoit également la possibilité de réaliser des inspections environnementales régulières, notamment dans les établissements classés pour la protection de l’environnement. Ces inspections doivent être menées par des agents assermentés, et peuvent conduire à des sanctions en cas d’infraction. Le système de redevance environnementale constitue également un outil important. Il permet de financer les activités de collecte et de traitement des déchets à travers une contribution des citoyens et des entreprises. Dans le cadre juridique burkinabé les sanctions prévues sont multiples : amendes administratives, suspension d’activités, retrait de permis, voire poursuites judiciaires. Cependant, dans la pratique, ces mécanismes sont rarement mis en œuvre de manière rigoureuse. Les inspections sont peu fréquentes, faute de ressources humaines et matérielles. Les études d’impact sont parfois réalisées sans rigueur. Et les sanctions sont rarement appliquées, ce qui affaiblit l’effet dissuasif de la loi.
Plusieurs facteurs limitent l’effectivité du contrôle juridique de la gestion des déchets au Burkina Faso. Le premier est le manque de moyens. Les services techniques, qu’ils soient au niveau central ou communal, disposent de peu de personnel formé, de véhicules ou d’équipements pour mener des inspections sur le terrain. Le deuxième obstacle est la faible de coordination entre les différents acteurs. Le ministère en charge de l’environnement, les collectivités territoriales, les forces de l’ordre et les structures privées agissent souvent de manière isolée. En outre, la connaissance des textes est limitée, aussi bien chez les responsables municipaux que chez les citoyens.
Cela entraîne une faible appropriation des normes environnementales, et une difficulté à les faire respecter. La culture de l’impunité est également un frein : les sanctions sont rarement appliquées. Pour améliorer la situation, plusieurs actions peuvent être envisagées, notamment le renforcement des capacités institutionnelles, en dotant les structures compétentes de moyens humains, financiers et techniques adaptés. Il faut aussi promouvoir une gestion intégrée des déchets, en mettant l’accent sur la réduction à la source, la valorisation, le recyclage et la création de filières de traitement. L’implication des citoyens est également primordiale. L’éducation environnementale, prévue par le Code, doit devenir une réalité, à travers les écoles, les médias, et les associations. Le pays est signataire de conventions telles que la Convention de Bâle [7], la Convention de Stockholm [8] sur les polluants organiques persistants, ou encore la Convention de Bamako [9] qui interdit l’importation de déchets dangereux en Afrique. Ces engagements doivent être intégrés dans les politiques nationales et traduits en actions.
Le Burkina Faso s’est doté d’un cadre juridique relativement complet pour encadrer la gestion des déchets. Ce cadre repose sur des principes solides et des textes bien élaborés. Toutefois, la mise en œuvre reste largement en deçà des ambitions affichées. Le contrôle juridique souffre d’un manque de moyens, d’une faible coordination entre les acteurs, et d’une application partielle des sanctions. Pour relever le défi environnemental, il est nécessaire de renforcer les institutions, d’impliquer davantage les citoyens, et de mettre en œuvre les engagements internationaux.
Paulin Bouda, Juriste Ouagadougou, Burkina Faso[1] La loi n°006-2013/AN portant Code de l’environnement.
[2] Cette convention a pour premier objet de conservation de la nature et des ressources naturelles dans le continent africain. Elle remplace la Convention d’Alger, adoptée en 1970 sous les auspices de l’Organisation de l’Unité africaine.
[3] Cette loi remplace la loi n°005/97/ADP du 30 janvier 1997 portant Code l’environnement.
[4] La loi n°055-2004/AN du 23 décembre 2004, portant Code général des collectivités territoriales au Burkina Faso.
[5] Article 89 de la loi n°055-2004/AN du 23 décembre 2004, portant Code général des collectivités territoriales au Burkina Faso.
[6] Le décret n°95-176/PRES/MFP/MATS du 23 mai 1995 portant institution d’une redevance d’enlèvement des ordures ménagères, le décret n°98-323//PRES/PM/MEE/MATS/MIHU/MS/MTT portant réglementation de la collecte, du stockage, du transport, du traitement et de l’élimination des déchets urbains, le décret N°98-322 PRS/PM/MEE/MCIA/MEM/MS/MATS/METSS/MEF portant conditions d’ouverture et de fonctionnement des établissements dangereux, insalubres et incommodes du 28 juillet 1998, etc.
[7] Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination adoptée par la conférence de plénipotentiaires le 22 mars 1989.
[8] La Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, du 22 mai 2001 à Stockholm, elle est entrée en vigueur le 17 mai 2004.
[9] Créée en 1991, la Convention de Bamako sur l’interdiction d’importer en Afrique des déchets dangereux et sur le contrôle des mouvements transfrontières et la gestion des déchets dangereux produits en Afrique est entrée en vigueur en 1998.
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