Village de la Justice www.village-justice.com |
[Responsabilité en matière médicale] La faute, la solidarité nationale et le recours des tiers payeurs. Par Sophie Kerzerho, Avocate.
|
Parution : mardi 27 mai 2025
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/cass-civ-1ere-mai-2025-faute-solidarite-nationale-recours-des-tiers-payeurs,53517.html Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur. |
La première chambre civile de la Cour de cassation a rendu le 14 mai 2025 (n°23-23884) [1] un arrêt intéressant à double titre. D’abord, il retient le manquement dans l’organisation des soins, source de responsabilité de la clinique. Ensuite, il pose la question du recours subrogatoire de la caisse en cas de cumul d’intervention de l’ONIAM (Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux) et de responsabilité pour faute.
Les faits de l’espèce sont les suivants : un patient a subi une intervention chirurgicale (cystectomie) dans un établissement de soins privé et présenté deux jours plus tard un état fébrile justifiant une antibiothérapie.
Après sa sortie, son état s’est aggravé de telle sorte que son médecin traitant l’a adressé à la polyclinique où il a été admis un mois plus tard pour 4 jours.
A la demande du médecin-traitant, il a été de nouveau admis aux urgences de la polyclinique à deux reprises sur trois semaines, sans être hospitalisé.
Finalement, il a été conduit au CHU le plus proche où a été diagnostiquée une compression médullaire sur spondylodiscite, justifiant la réalisation d’une laminectomie. Le patient a conservé une paraplégie et est finalement décédé.
Dans la cadre de la procédure judiciaire, le caractère nosocomial de l’infection a été reconnu. Sur le fondement de l’article L1142-1-1 du Code de la santé publique, l’indemnisation des dommages a été mise à la charge de l’ONIAM, le seuil de 25% de déficit fonctionnel permanent ayant été dépassé.
Il avait cependant aussi été retenu des manquements à l’encontre des médecins de l’établissement privé au regard d’un retard de diagnostic, et un manquement dans l’organisation des soins imputable à la polyclinique.
Il était reproché à la clinique une absence de dossier médical informatisé entre les services.
Le cumul des manquements de l’établissement et des praticiens avait fait perdre, selon la cour d’appel, à la victime 75% de chances d’éviter le dommage.
La polyclinique contestait notamment l’existence d’un lien de causalité entre ce manquement et le dommage.
La Cour de cassation confirme la position des juges du fond aux motifs que cette information incomplète des praticiens s’étant succédée avait été préjudiciable au patient en conduisant à une prise en charge insuffisante de la gravité de son état de santé à l’origine d’un retard de diagnostic.
Les juges d’appel, après avoir condamné l’ONIAM à indemniser en première ligne les préjudices subis par la victime, ont également condamné le fonds à rembourser les débours engagés par la caisse de Sécurité sociale. La Cour d’appel condamnait la polyclinique et les praticiens fautifs à garantir l’ONIAM de ces condamnations à hauteur de 75%.
La polyclinique contestait cette analyse et a été suivie sur ce point par la première chambre civile de la Cour de cassation.
Sur le fondement des articles L1142-22, L1142-1-1 du Code de la santé publique et L376-1 du Code de la Sécurité sociale, la Cour de cassation retient :
« Lorsque l’ONIAM indemnise au titre de la solidarité nationale la victime d’un dommage, il n’a pas la qualité d’auteur responsable, de sorte qu’aucun recours subrogatoire ne peut être exercé contre lui par les caisses de Sécurité sociale ayant versé des prestations à la victime ».
Ainsi, l’ONIAM « ne peut ni être condamné au paiement de leurs débours ni garant d’une telle condamnation ».
La Cour de cassation renvoie l’affaire devant les juges du fond sur ce point.
Cet arrêt rappelle que les établissements de soins peuvent voir leur responsabilité pour défaut d’organisation des soins retenue.
Quant à l’articulation entre l’indemnisation au titre de la solidarité nationale et de la faute, il peut être déduit de cette affaire qu’en cas de survenue d’une infection nosocomiale ou d’un aléa en relation avec l’intégralité du dommage, les tiers-payeurs se trouvent privés de recours subrogatoire.
Ou alors, doivent-ils diriger leur recours directement contre les responsables, l’ONIAM n’étant pas tenu.
Restera encore à régler la question de l’imputation de la créance…
Sophie Kerzerho, Avocate au Barreau de Paris Spécialiste en droit du dommage corporel DIU en évaluation du traumatisme crânien https://sophiekerzerho-avocat.fr/L'auteur déclare ne pas avoir utilisé l'IA générative pour la rédaction de cet article.
Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion, plus d'infos dans nos mentions légales ( https://www.village-justice.com/articles/Mentions-legales,16300.html#droits ).