(Découvrir / Tourisme) : L’âme effervescente de Troyes.

C’est à Troyes dans l’Aube, paisible cité champenoise, qu’est né en 1857 Émile Coué, pharmacien devenu l’un des précurseurs de la psychologie positive. Méconnu en France, adulé en Angleterre et aux États-Unis, Coué a mis au point une méthode simple, révolutionnaire et pourtant enracinée dans le bon sens populaire : l’autosuggestion consciente. Pas de miracle, mais un art de se parler à soi-même avec indulgence et confiance.

Troyes - Bassin de la préfecture © Studio OG - Troyes La Champagne Tourisme

Dans une époque saturée de discours anxiogènes, la sagesse troyenne de Coué pourrait bien redevenir essentielle. Car Troyes est justement une ville qui inspire, une ville dont l’histoire se lit sur les façades, dans les vitraux, mais aussi au fil des forêts et de ses lacs alentour.

Troyes, c’est un livre ouvert. Un manuscrit gothique aux pages de chêne et de pierre, où chaque rue semble exhaler l’encre du temps. Les plus de 3000 maisons à pans de bois, essentiellement du XVIe siècle, donnent au centre-ville une allure de décor de théâtre médiéval. Les passants y découvrent des enseignes en fer forgé, des galeries et cours intérieures, comme celle de l’hôtel du Lion Noir : c’est le quartier du Bouchon, dont le plan urbain, en forme de bouchon de champagne, préfigure déjà l’effervescence.

La cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul, chef-d’œuvre gothique, érigée patiemment du XIIIᵉ au XVIIᵉ siècle, domine la cité. Sous ses voûtes résonne encore l’écho du Traité de Troyes (1420), qui faillit faire basculer la couronne de France entre les mains anglaises. Dans la pénombre bruissante, l’un des plus beaux ensembles de vitraux de France, avec 1 500 m2 de verrières, captive le regard. Autour de la cathédrale, les dix églises historiques de la ville, dont Sainte-Madeleine et son jubé sculpté comme une dentelle de pierre, ou Saint-Pantaléon et ses saisissantes statues en bois polychrome, tracent un chemin mystique et artistique.

La Cité du Vitrail, dans l’ancien Hôtel-Dieu-le-Comte, trouve sa légitimité par le fait que 40% des vitraux mondiaux et 50 % des vitraux français se trouvent dans le département de l’Aube. Cet espace muséal unique en Europe en expose plus de 300, pièces monumentales ou fragments, depuis le Moyen Âge jusqu’à l’art contemporain. Grâce à une muséographie immersive, le visiteur découvre non seulement la magie des couleurs et de la lumière, mais aussi l’histoire technique de cet art séculaire : le choix des verres, la composition au plomb, l’évolution stylistique. Le parcours offre un dialogue émouvant entre chefs-d’œuvre anciens après restauration et avant de retrouver leur édifice d’origine, et créations modernes. Le cheminement s’achève en apothéose dans la chapelle de l’ancien hôpital baignée de lumière, où l’art du verre s’épanouit dans toute sa grâce.

À proximité, le Musée d’Art Moderne de Troyes a rouvert ses portes après une ambitieuse métamorphose. Installé dans l’ancien palais épiscopal, il déploie ses collections avec une ampleur nouvelle. Fruit de la donation exceptionnelle de 1976 de Pierre et Denise Lévy, industriels du textile, le musée abrite l’une des plus riches collections privées françaises du XXᵉ siècle : de Derain (80 toiles) à De Staël, de Braque à Picabia, de Dufy à Courbet, de Modigliani à Soutine. On y perçoit toute la vitalité des avant-gardes, mais aussi une tendresse pour la figure humaine et le paysage. Plus de 140 pièces de verreries de 1912 à 1937 du troyen Marinot et une collection d’Art Africain et Océanien, dont certaines pièces ont appartenu à des artistes comme Derain, ou de grands marchands amateurs comme Vollard, Fénéon, Guillaume… complètent le panorama.

Mais s’il est un lieu unique, c’est bien le MOPO : la Maison de l’Outil et de la Pensée Ouvrière. Dans ce superbe hôtel particulier aux boiseries sculptées, on découvre l’une des plus belles collections d’outils anciens au monde. Ciseaux de tonnelier, scies d’orfèvre, marteaux de tailleur de pierre, chaque objet y est présenté non comme une relique mais comme le prolongement de la main humaine. On y célèbre la beauté du geste, l’intelligence du travail, la noblesse de l’artisanat. Certains de ces outils ont été réutilisés à l’occasion de la restauration de Notre Dame de Paris. Un musée rare, qui parle autant au cœur qu’à l’esprit.

Troyes - Cité du Vitrail © Photo JLRF

Troyes est aussi une ville qui se déguste. À commencer par la Maison Caffet créée en 1954, où Pascal Caffet, Meilleur Ouvrier de France, transforme le chocolat en haute couture. Ganaches, pralines, nounours, pâte de fruit noire comme l’encre : ici, chaque bouchée est un poème.
Côté salé, on se laisse guider par la finesse des chefs. Chez Valentino, Gilles André offre une cuisine française d’auteur, précise et lumineuse. Chez Félix, Thomas Dijon organise des dîners à plusieurs mains avec des chefs invités et sublime les produits du terroir avec simplicité et caractère. Tandis que Chez Daniel’s, Daniel Phelizot insuffle une énergie créative et un respect des terroirs dans chaque assiette. Un trio d’adresses qui incarne à merveille la nouvelle scène culinaire troyenne.

Et pour trinquer ? Direction Montgueux, colline aux sols crayeux avec des veines de Silex, réputé pour la typicité de son cépage Chardonnay. Hélène Beaugrand, membre de l’association nationale Femmes de vin, y produit un champagne d’auteur, complexe et élégant, à la minéralité ciselée. 

Aux portes de la ville, l’horizon s’ouvre. Le Parc naturel régional de la Forêt d’Orient, ses grandes étendues boisées et ses trois lacs, est une échappée nature rare en Champagne. Le lac d’Orient, immense miroir d’eau bordé de chênes et de roseaux, offre un dépaysement total. En été, les voiles blanches croisent les cygnes, et l’on pique-nique sur les plages paisibles du Mesnil-Saint-Père, petit village au charme d’antan.

Mais pour percer les secrets de cette nature troyenne, rien ne vaut une sortie guidée par Maximilien Maire, naturaliste passionné. Orchidées sauvages, balbuzards pêcheurs, salamandres dans les sous-bois : avec lui, chaque promenade devient un voyage intérieur. L’homme parle aux arbres, et les arbres lui répondent. C’est une forme de poésie écologique ou peut-être, une autre façon d’appliquer la méthode Coué.

Et en digestif, un clin d’œil à l’histoire locale : la Prunelle de Troyes, liqueur artisanale issue des noyaux de petites prunes distillés. Un goût d’amande amère, une chaleur discrète, un hommage liquide à la lenteur et à la précision.

Troyes, c’est cette ville paradoxale où l’on peut méditer sous les ogives gothiques, rire autour d’un filet de sandre, marcher dans les pas d’Émile Coué, lever les yeux vers un vitrail, puis vers un milan royal. Une ville à la fois dense et légère, savante et simple, lumineuse et limpide, comme ses vitres et ses eaux.

Troyes - Lac d’Orient - port de Mesnil-Saint-Père © Studio OG - Troyes La Champagne Tourisme

Informations :
Troyes La Champagne Tourisme : www.troyeslachampagne.com
Cité du Vitrail : https://cite-vitrail.fr
Musées de Troyes : https://musees-troyes.com
Maximilien Maire guide nature : www.maximilien-guide.fr 
Prunelle de Troyes : https://www.celliersaintpierre.fr/p...

Photo en logo : Troyes - MOPO - Hôtel Mauroy © Studio OG - Troyes La Champagne Tourisme

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