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[Fonction Publique] Indemnisation des congés annuels non pris pour raison de santé en cas de fin de la relation de travail. Par Perrine Athon Perez, Avocate.
Parution : vendredi 6 juin 2025
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Le droit à congé annuel est un principe fondamental du droit du travail, garanti également dans la fonction publique. Pourtant, certains agents publics - fonctionnaires comme contractuels - peuvent se retrouver dans l’impossibilité de prendre leurs congés, notamment en raison d’un arrêt de travail pour motif médical. En cas de cessation de la relation de travail, la question de l’indemnisation de ces congés non pris se pose avec acuité.
Depuis quelques années, les règles de l’indemnisation se précisent à la faveur de la jurisprudence administrative et le Conseil d’Etat est encore venu poser une limite très récemment, dans son arrêt du 4 avril 2025 (CE, 3e et 8e ch. réunies, 4 avr. 2025, n° 487840, Lebon T).
Le présent article vise à exposer les règles applicables en matière d’indemnisation des congés annuels non pris pour raison de santé à la lumière du droit européen, de la jurisprudence administrative et des textes régissant les trois versants de la fonction publique.

1. Absence de cadre légal pour les fonctionnaires mais un principe dégagé par le juge administratif.

Aucun texte législatif ou réglementaire commun aux trois fonctions publiques ne prévoit expressément l’indemnisation des congés annuels non pris pour les fonctionnaires titulaires. Néanmoins, plusieurs décrets encadrent ce droit pour les agents contractuels dans chaque versant :

Ces textes permettent, sous conditions, l’indemnisation des congés annuels non pris à la fin du contrat.

Pour les fonctionnaires, c’est essentiellement la jurisprudence administrative, influencée par le droit européen [1], qui fonde ce droit à indemnisation. En effet, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé que les congés non pris pour des raisons de santé doivent être indemnisés lors de la cessation de la relation de travail [2].

2. Situations ouvrant droit à une indemnité compensatrice de congés annuels.

Le Conseil d’État, les juridictions administratives et la CJUE ont reconnu ce droit dans les situations suivantes :

En revanche, l’indemnisation est exclue en cas de cessation pour des motifs disciplinaires tels que la révocation, la radiation des cadres pour abandon de poste, ou la mise à la retraite d’office.

3. Conditions d’ouverture du droit à indemnisation.

Deux conditions doivent être réunies :

Il n’est pas exigé que l’agent ait formulé une demande de congés : il suffit qu’il ait été empêché de les prendre. L’administration doit démontrer qu’elle a mis l’agent en mesure de le faire et l’a informé du risque de perte.

4. Limites de l’indemnisation.

Conformément à la jurisprudence européenne et nationale [8], l’indemnisation est limitée à :

Attention, la démarche peut être engagée dans un délai supérieur à 15 mois après la fin de la relation de travail (application de la prescription quadriennale). Le Conseil d’Etat a en effet très récemment jugé que le délai dans lequel l’action peut être engagé ne doit pas être confondu avec la période de droit au report (15 mois) et que le droit à l’indemnité est apprécié à la date de la fin de la relation de travail [10].

5. Modalités de calcul de l’indemnité.

Aucun barème réglementaire spécifique n’existe pour les fonctionnaires.
Toutefois, l’indemnité ne peut être inférieure à la rémunération journalière nette que l’agent aurait perçue s’il avait pris son congé [11].

Conclusion.

L’indemnisation des congés annuels non pris pour des raisons de santé, lors de la cessation de la relation de travail, est désormais reconnue pour tous les agents publics. Si les textes réglementaires restent incomplets pour les fonctionnaires titulaires, le droit européen et la jurisprudence garantissent l’effectivité de ce droit, sous conditions strictes.

En pratique il appartient à l’agent qui n’aurait pas u prendre ses congés pour raison de santé avant d’être radié des cadres de formuler une demande d’indemnisation à son administration. A ce jour, le droit à indemnisation n’est en effet pas encore proposé spontanément par les administrations employeurs.

Perrine Athon Perez Avocate à la Cour Barreau de Paris Cabinet Athon Perez [->contact@padp.fr] [->www.athon-perez-avocat.com]

[1Directive 2003/88/CE, art. 7 § 2.

[2CJUE, 20 janv. 2009, aff. C-350/06 et C-520/06.

[3TA Orléans n°1201232 du 21 janvier 2014 ; TA Amiens n°1401716 du 30 janvier 2015 ; CAA Paris n°15PA00448CAA du 31 juillet 2015 ; CAA Bordeaux n° 14BX03684 du 13 juillet 2017 ; CE, 22 juin, n°443053.

[4CAA Nantes n°12T00291 du 06 juin 2013.

[5CJUE, 20 juillet 2016 Aff. n° C-341/15.

[6Dans certains cas : CE, 7 déc. 2015, n° 371517.

[7CJUE, 6 nov. 2018, aff. C-569/16 et C-570/16.

[8CE, 22 juin 2022, n° 443053.

[9CJUE, 22 sept. 2022, aff. C-120/21.

[10CE, 3e et 8e ch. réunies, 4 avr. 2025, n° 487840, Lebon T.

[11CAA Bordeaux, 13 juill. 2017, n° 15BX00490 ; CAA Nancy, 21 juill. 2022, n° 21NC00063.

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