Village de la Justice www.village-justice.com

Le changement d’affectation d’un lot. Par Eléonore Hakim, Avocat.
Parution : vendredi 6 juin 2025
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/changement-affectation-lot,53635.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

L’affectation des parties privatives d’un lot est définie par le règlement de copropriété de l’immeuble, il convient de déterminer s’il peut être utilisé à usage d’habitation, professionnel, commercial ou mixte.

Cette question relève du droit de la copropriété et de l’urbanisme, et en raison du principe d’autonomie, on s’intéressera uniquement aux questions liées à la copropriété.

Toutefois, les deux sujets sont parfois intimement liés ainsi que le révèle le sujet de la lutte contre la location des meublés de tourisme dit « airbnb ».

Un copropriétaire peut-il librement disposer de son lot ?

En application de l’article 2, alinéa 2, de la loi nº 65-557 du 10 juillet 1965, les parties privatives sont la propriété exclusive de chaque copropriétaire.

Aux termes de l’article 8 de la même loi :

« Le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble, telle qu’elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation ».

L’article 9 précise :

« Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble ».

Ainsi, un copropriétaire est en principe libre de faire de son lot l’usage qui lui convient, sous réserve de respecter les clauses restrictives licites figurant dans le règlement de copropriété de l’immeuble, les droits des autres copropriétaires et la destination de l’immeuble.

Quelles sont les limites à la liberté de changement d’affectation des parties privatives ?

Selon l’article 8, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965 :

« I. - Un règlement conventionnel de copropriété, incluant ou non l’état descriptif de division, détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance ».

Le règlement de copropriété mentionne les locaux affectés à l’habitation, à l’exercice d’une profession ou d’une activité commerciale, etc. Ces stipulations peuvent être plus ou moins générales, lorsqu’elles concernent l’ensemble de l’immeuble ou spécifiques, propres à un lot en particulier.

Si la Cour de cassation reconnait la possibilité d’un changement d’affectation des parties privatives par un copropriétaires, cette possibilité est encadrée.

Ainsi, un copropriétaire qui envisage de modifier l’affectation de son lot doit donc s’assurer :

Quelles sont les différentes hypothèses liées au changement d’affectation.

Dès lors que le changement d’affectation est en contradiction avec la destination de l’immeuble, celui est irrégulier.

Tel est le cas par exemple, de l’installation d’un local d’habitation dans un immeuble à vocation exclusivement commerciale [1].

Dans une telle configuration, l’assemblée générale doit autoriser le changement à l’unanimité des copropriétaires, dès lors qu’il s’agit d’une décision qui porte atteinte à la destination des parties privatives ou aux modalités de leur jouissance.

La nature contractuelle du règlement de copropriété interdit à tout copropriétaire de modifier l’affectation de son lot en violation d’une stipulation du règlement.

Néanmoins, le copropriétaire peut soumettre une demande d’autorisation à l’assemblée générale, laquelle doit se prononcer à l’unanimité [2].

Certains règlements prévoient expressément que les lots peuvent être :

« indistinctement affectés à l’usage de bureaux ou à l’exercice d’une profession ou d’une activité artisanale ou commerciale de toute nature », étant précisé que « les copropriétaires pourront procéder à ces nouvelles affectations sans avoir à solliciter l’autorisation de la copropriété ».

 Ces clauses sont licites et doivent être respectées [3].

Cependant, le fait que le règlement autorise l’exercice de plusieurs activités n’empêche pas que telle ou telle de ces activités puisse être interdite s’il s’avère qu’elle crée des troubles anormaux de voisinage [4].

Ainsi, la jurisprudence prohibe les activités qui créent pour les autres copropriétaires des inconvénients excédant les troubles normaux de voisinage, bien que ces activités soient conformes à la destination de l’immeuble.

Le changement d’affectation n’est ni prohibé par le règlement, ni directement contraire à la destination de l’immeuble

La difficulté survient lorsque le changement d’affectation n’est ni prohibé par le règlement, ni directement contraire à la destination de l’immeuble : par exemple, dans le cas de transformation d’un local d’habitation en local commercial dans un immeuble qui est déjà à destination mixte.

Il s’agit alors de savoir si la désignation du lot dans le règlement de copropriété (appartement, cave, grenier etc.) a un caractère simplement descriptif ou s’il s’agit d’une donnée contractuelle, qui ne peut être modifiée qu’à l’unanimité.

Dans un premier temps, la jurisprudence retenait que, lorsque le règlement de copropriété se révélait très précis, notamment en définissant clairement la destination de chaque lot, il était alors interdit aux copropriétaires de changer l’affectation de leurs lots, à moins de recueillir le consentement unanime des autres copropriétaires. [5].

Par la suite, la Cour de cassation a retenu que le changement d’affectation est autorisé dès lors qu’il n’est pas contraire à la destination générale de l’immeuble et ne porte pas atteinte aux droits des autres copropriétaires [6].

D’une manière générale, la jurisprudence se montre assez favorable à une interprétation libérale de la destination figurant dans le règlement de copropriété en permettant aux copropriétaires de modifier l’affectation de leurs parties privatives dès lors qu’elle respecte les prescriptions de l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965  [7] :

Ainsi, le changement d’affectation ne peut donc être prohibé que par référence à la destination de l’immeuble, ou par référence aux droits des autres copropriétaires.

Le changement d’affectation des parties privatives doit-il être soumis à l’autorisation de l’assemblée générale ?

Aucune disposition de la loi du 10 juillet 1965 n’oblige un copropriétaire à soumettre son projet à cet agrément préalable.

Toutefois et en pratique, un doute subsiste souvent sur la licéité du changement d’affectation envisagé.

Certains copropriétaires, à titre préventif, et pour éviter tout contentieux ultérieur, décident de saisir l’assemblée générale.

A quelle majorité l’assemblée doit-elle se prononcer ?

L’autorisation donnée de changer l’affectation des parties privatives est susceptible d’emporter une modification de la répartition des charges, au sujet de laquelle l’assemblée générale devra se prononcer sur le fondement de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965.

L’assemblée ne dispose pas d’un pouvoir discrétionnaire et ne peut refuser cette autorisation qu’à la condition de constater que [11] :

Dès lors qu’un copropriétaire s’est assujetti à l’accord des copropriétaires pour changer l’affectation de son lot, la décision refusant ce changement devient définitive, faute d’être contestée. Elle s’impose donc au copropriétaire concerné ainsi qu’à tous les autres copropriétaires [12].

Par ailleurs, l’autorisation préalable de l’assemblée générale demeure indispensable lorsque le changement d’affectation projeté entraîne des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble [13] [14] ou lorsque les travaux générés par le changement portent sur des parties communes à jouissance privative [15].

Enfin, le copropriétaire qui entend changer l’affectation de son lot doit, outre une éventuelle autorisation de l’assemblée, se préoccuper d’obtenir les autorisations administratives nécessaires [16] notamment en vertu de l’article L631-7 du Code de la construction et de l’habitation.

Eléonore Hakim, Avocat au Barreau de Paris Cabinet BJA Avocats

[1CA Aix-en Provence), 4e ch. B, 14 oct.2004 : JurisData n°2004-257879.

[2Cass. 3e civ, 3 janv. 1979 : D. 1979.

[3CA Versailles, 4e ch, 25 avr.2000 : Dossier CSAB n°89, févr.2001, n°124, obs. A. Dunes.

[4Cass. 3e civ., 29 févr.2012, n°10-28.618.

[5Cass.3e civ, 16 oct.1979 : JCP G 1980, II, 19289, note Guillot ; Cass.3e civ, 28 mars 1984 : Bull. civ. III, n°82, p 64 ; JCP G 1984, IV, 177 ; Cass.3e civ., 30 oct.1984 : D.1985, jurispr.p.410, note F.G.-C.G ; CA Paris, 1er ch. B, 25 nov.1982 : D.1983.

[6Cass.3e civ, 7 déc. 1994 Data n°1994-002794 ; Cass. 3e civ., 17 déc.1996, JurisData n°1996-005078 : Cass.3e civ., 2 févr.1999, JurisData n°1999-000541 ; CA Paris, 23e ch. B, 11 janv.2007 : AJDI 2007, p.398 ; CA Paris, 14e ch. B, 14 juin 2001 : AJDI 2001, p.892.

[7Cass. 3e civ., 10 mai 1994, no 92-17.319, Loyers et copr. 1994, comm. no 350.

[8CA Paris, 23e ch. B, 23 mai 2002, no 2001/21093, Synd. 15 avenue Laumière à Paris c/ TAM, AJDI 2002, p. 619.

[93e civ., 20 oct. 2016, no 15-21.714, Ann. loyers déc. 2016, p. 73, obs. J.-M. Roux ; CA Paris, 23e ch. B, 2 mai 2003, Synd. 48, rue Galande, à Paris, Loyers et copr. 2003, comm. no 248.

[10CA Paris, 23e B, 12 janv. 2006, SARL Financière et Foncière des Victoires et autres, Dict. perm. Gestion immobilière 2006, Bull. 378, p. 1824.

[11Cass.3ème civ, 4 octobre 2014, n°13-20.585.

[12Cass. 3ème civ, 8 juin 2017, n°16-16.566.

[13Article 25 b de la loi du 10 juillet 1965.

[14CA Dijon, ch.civ.1, 9 déc.2014, n°13/00765.

[15CA Paris, ch.23, sect. B, 26 mai 2006 : JurisData n°2006-302912.

[16Cass.3ème civ, 26 mars 1997 : JCP N 1997, P 1047.

L'auteur déclare ne pas avoir utilisé l'IA générative pour la rédaction de cet article.

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion, plus d'infos dans nos mentions légales ( https://www.village-justice.com/articles/Mentions-legales,16300.html#droits ).