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Conseils et astuces pour contester une décision de refus de visa d’entrée en France. Par Mourad Medjnah, Avocat.
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Parution : jeudi 12 juin 2025
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Les étrangers qui souhaitent se rendre légalement en France - ou dans l’un des Etats-membres de l’Union européenne - doivent faire la demande d’un visa auprès des ambassades ou consulats français présents dans leur pays d’origine. Dans la plupart des pays, les demandes de visa se font en ligne auprès de guichets uniques gérés par des prestataires privés [1] travaillant pour le compte de la France dans le cadre de l’externalisation du traitement des demandes de visa.
Le visa est une autorisation administrative de voyager, d’entrer et de séjourner pendant une certaine durée sur le territoire d’un Etat dont il n’est pas le ressortissant.
Il peut être de court séjour (visa Schengen dit touristique pour un séjour n’excédant pas 3 mois, délivré pour des voyages de tourisme, d’affaires, des stages, des conférences ou des visites familiales) ou de long séjour [2] en fonction des projets du demandeur et de l’objet de son séjour en France. Les documents demandés et les conditions fixés par les ambassades ou consulats français ne sont donc pas les mêmes selon le type de visa sollicité.
En pratique, il est de plus en plus difficile d’obtenir un visa pour se rendre en France à cause des politiques de restriction des flux migratoires imposées par les différents gouvernements français. Selon des études officielles, les refus de visa concernent majoritairement les ressortissants étrangers originaires d’Afrique, les pays dits du Sud. Même si, en réalité, la décision de refus est motivée par des considérations politiques, les motifs utilisés par les autorités consulaires françaises pour justifier leur refus sont, quant à eux, d’ordre juridique.
Concernant le visa de court séjour dit « Schengen », les motifs de refus sont au nombre de huit :
S’agissant des visas de long séjour, les motifs de refus ne sont pas quantifiables en raison de la diversité des visas proposés. On se contentera d’exposer les motifs les plus courants :
Dès lors que ces motifs sont par nature juridiques, le contestataire doit savoir développer des arguments juridiques visant à démontrer que la décision consulaire n’est pas recevable, voire illégale, ce qui implique de connaître parfaitement le droit applicable en matière de visa. Cela n’étant pas de la portée de tous, il sera vivement recommandé de faire intervenir un avocat spécialisé en droit des visas pour contester la décision consulaire. Dans tous les cas exposés, le demandeur ne doit pas hésiter à contester le refus de visa qui lui est opposé par l’administration en usant des voies de recours qui lui sont ouvertes, tout en gardant à l’esprit que la forme (I) et le fond (II) sont indissociables dans le processus de contestation.
Le contestataire ne peut saisir le juge d’un recours contentieux (B) s’il n’a pas contesté au préalable la décision consulaire devant la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France (A).
En cas de refus de visa, le demandeur dispose d’un délai strict de 30 jours pour contester la décision consulaire devant la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France (CRRV), basée à Nantes. Le recours se fera pour courrier recommandé avec accusé de réception [3]. Il s’agit là d’un recours préalable obligatoire, sans quoi toute action en justice sera déclarée irrecevable par le tribunal administratif.
L’intérêt de ce recours est de permettre un réexamen du dossier par les membres de la commission.
La CRRV est une commission de recours amiable dépendant du ministère de l’Intérieur. Elle est censée statuer en toute indépendance. Son rôle consiste à filtrer le nombre des recours formés contre les refus de visa d’entrée en France.
Elle dispose d’un délai de deux mois pour répondre à compter de la date de réception du recours, étant précisé que l’absence de réponse dans le délai imparti équivaut à une décision implicite de refus. La CRRV peut ainsi :
En cas de rejet explicite ou implicite de la CRRV, le demandeur dispose d’un délai strict de deux mois pour saisir le tribunal administratif de Nantes d’un recours contentieux visant à demander l’annulation de la décision attaquée, voire l’injonction de délivrer le visa demandé s’il a été illégalement refusé. On parle alors de recours en annulation S’agissant d’une procédure au fond, la durée du procès est relativement longue (au moins 12 mois) en fonction du calendrier judiciaire fixé par le magistrat.
S’il y a urgence, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes peut être saisi d’une demande de suspension de la décision attaquée. On parlera alors de référé-suspension. Dans ce cas précis, le demandeur devra démontrer que la condition de l’urgence posée par l’article L521-2 du code de justice administrative est satisfaite en l’espèce, c’est-à-dire une atteinte suffisamment grave et immédiate à la situation du demandeur ou aux intérêts qu’il entend défendre en justice [4]. Par ailleurs, le recours en référé implique de déposer au préalable un recours en annulation devant le juge du fond, dans la mesure où le juge des référés n’a pas le pouvoir d’ordonner de délivrer le visa sollicité. Seul le juge du fond en a le pouvoir. Le juge des référés se prononce dans un délai compris entre 48 heures et un mois à l’issue de l’audience.
Compte tenu de la complexité de ces procédures contentieuses, l’assistance d’un avocat spécialiste du droit des visas est vivement recommandée.
Toute stratégie juridique dite efficace suppose de développer des arguments solides (A) et de rester vigilant face à la stratégie de l’adversaire (B).
En fonction des motifs de refus contestés, il est essentiel de développer dans le recours contentieux des arguments juridiques précis susceptibles d’être invoqués devant le juge pour le convaincre d’annuler ou de suspendre la décision attaquée. Les arguments doivent toutefois être corroborés, pour chacun d’entre eux, par des pièces justificatives précises, concordantes et matériellement vérifiables.
Les arguments les plus récurrents sont les suivants :
a) L’erreur manifeste d’appréciation de la décision attaquée : l’objectif est de démontrer que l’administration s’est trompée dans l’appréciation des éléments contenus dans le dossier de demande de visa ou des moyens de subsistance du demandeur pour le séjour envisagé.
Par exemple, pour contredire le motif selon lequel « les informations communiquées pour justifier l’objet et les conditions du séjour envisagé ne sont pas fiables », il faut d’abord cibler les textes applicables, à savoir, pour ce qui concerne le visa Schengen, les articles 14 et 21 du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 et l’article 6 du règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes dit "code frontières Schengen" ; il faut ensuite vérifier que toutes les pièces insérées dans la demande de visa complètes, précises et conformes au cadre légal susvisé ; il faut enfin démontrer l’absence de contradictions des informations qu’elles contiennent. Cette stratégie permet ainsi de démontrer que l’administration a, en réalité, entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation.
La stratégie reste la même pour tout autre argument juridique en se posant systématiquement, dans l’ordre chronologique, les questions suivantes :
b) l’atteinte au droit au respect de la vie privée et familiales prévu par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) qui le proclame en ces termes :
« 1.- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2.- Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».
Le refus de visa peut, en effet, porter une atteinte au droit à la privée et familiale lorsqu’un visa est demandé pour visite familial ou lorsqu’il est sollicité par un conjoint ou enfant étranger d’un ressortissant français ou lorsque le demandeur est bénéficiaire de la procédure de regroupement familial.
L’atteinte à la vie privée et familiale peut même être considérée comme excessive et disproportionnée par rapport à l’objectif de contrôle migratoire, si l’on considère les circonstances que le demandeur du visa est inconnu des services de police et de la justice, qu’il ne présente pas de menace à l’ordre public ou qu’il n’a pas déjà séjourné irrégulièrement sur le territoire français.
L’administration peut changer le(s) motif(s) de refus par d’autre(s) en cours de procédure contentieuse devant le tribunal administratif de Nantes. Elle peut, en l’occurrence, faire valoir devant le juge de l’excès de pouvoir que la décision dont l’annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l’auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision attaquée, puis d’apprécier s’il résulte de l’instruction que l’administration aurait pris la même décision si elle s’était fondée sur ce motif. Dans l’affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu’elle ne prive pas le requérant d’une garantie procédurale lié au motif substitué [5].
C’est le cas, par exemple, lorsque le consulat français et la CRRV justifient leur décision de refus par le motif tiré de ce que les informations communiquées pour justifier l’objet et les conditions du séjour en France sont incomplètes ou ne sont pas fiables, et, en cours de procédure contentieuse devant le tribunal, l’administration met en évidence un nouveau motif, celui du risque de détournement de l’objet du visa à des fins de séjour illégal en France.
Même si elle est légale, cette façon de faire constitue néanmoins, entre les mains de l’administration, une stratégie procédurale visant à anéantir le travail laborieux et les efforts de plusieurs mois du demandeur du visa pour contester le motif initial.
Il faut donc rester vigilant à chaque étape du recours contentieux et surtout ne pas hésiter de se faire assister par un avocat spécialiste maîtrisant les arcanes techniques et judiciaires de l’affaire dont il a la charge, et qui saura contrecarrer les nouveaux arguments de l’administration.
Mourad Medjnah Avocat au Barreau de Paris Cabinet Medjnah[1] Tls Contact, Vfs Global, Capago.
[2] Visa étudiant, visa salarié étranger, visa de conjoint étranger de ressortissant français, visa d’enfant étranger de ressortissant français, visa en qualité de bénéficiaire de la procédure de regroupement familial, visa visiteur, visa pour cause de kafala, délivrés pour un séjour de plus de 3 mois.
[3] A l’adresse suivante : Commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France (CRRV), BP 83609, 44036 Nantes Cedex 1.
[4] CE, 19 janvier 2001, n° 228815.
[5] CA de Nantes, 14 février 2025, n° 23NT02319.
L'auteur déclare ne pas avoir utilisé l'IA générative pour la rédaction de cet article.
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