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La référence aux activités prud’homales dans des fiches d’évaluation constitue une présomption de discrimination syndicale, par Jean-Baptiste Bousquet, Juriste
Parution : vendredi 4 septembre 2009
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Dans cet arrêt (Cass. soc. 1er juill. 2009, n° 08-40.988, Lacaze c/ Caisse régionale de crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne), un salarié saisit la juridiction prud’homale des faits de discrimination syndicale et de harcèlement moral. Au soutien de sa requête en indemnisation du préjudice subi il invoque l’absence de promotion concomitante de son élection au conseil de prud’hommes et la mention, dans ses fiches d’évaluation, de références à ses activités prud’homales et syndicales, ainsi que les perturbations qu’elles auraient entraînées dans son emploi du temps.

La Cour de cassation relève, en premier lieu, la simultanéité de l’absence de promotion du salarié avec son élection comme conseiller prud’homme et, en second lieu, les références dans plusieurs fiches d’évaluation à ses activités syndicales et prud’homales, déduisant de ses éléments une présomption de discrimination syndicale. Plus précisément, l’arrêt indique que « le salarié n’avait bénéficié d’aucune promotion individuelle depuis 1987 et que ses fiches d’évaluation au titre des années 1990, 1996, 1998, 1999 et 2000, au vu desquelles la direction arrêtait ses choix de promotions, faisaient référence à ses activités prud’homales et syndicales et aux perturbations qu’elles entraînaient dans la gestion de son emploi du temps, ce dont il se déduisait que ces éléments laissaient supposer l’existence d’une discrimination syndicale ».

Si l’arrêt est rendu au visa de l’article 1134-1 du Code civil, son fondement est bien l’ancien article L.412-2 du Code du travail, désormais codifié à l’article L.2141-5 qui interdit à l’employeur : «  de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, (…) d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, (…) ».

Cette disposition, située dans le Code du travail dans le titre consacré à l’exercice du droit syndical, se fait l’écho d’une interdiction plus générale de toutes les formes de discrimination dans les entreprises codifié à l’article L.1132-1 du même code.

Dans un domaine où la preuve de la discrimination est relativement difficile la Cour de cassation « passe au tamis » les éléments de fait soulevés par les parties devant les juges du fond. Les fiches d’évaluation ou les notations des salariés sont ainsi disséquées.

Ainsi, dans un arrêt dont les circonstances étaient proches, la Cour de cassation, avait été saisie d’une demande en indemnisation fondée sur une discrimination consistant en une notation d’un chef de service mentionnant l’importance, en volume, de l’activité syndicale et représentative d’un salarié. Constatant que ce chef de service n’avait aucune influence sur la carrière de ce dernier, la Cour avait considéré que la discrimination n’était pas établie (Cass.crim. 23 avril 1985, n°84-91254).

Pour autant, les représentants du personnel ne disposent pas d’un droit inaliénable à l’avancement, déconnecté de leur activité professionnelle et de leur implication dans leur travail. Ainsi, la Cour de cassation a validé la position d’une cour d’appel jugeant qu’indépendamment du temps légalement consacré à leurs missions, des salariés se prétendant victimes d’une discrimination syndicale étaient en réalité « insuffisamment disponibles, ne remplissaient pas les objectifs fixés et méritaient leur notation médiocre, de sorte que leur situation ne résultait pas d’une discrimination syndicale » (Cass. crim. 8 mars 1994,n°93-81115).

La Cour de cassation tente ainsi de garantir l’équilibre entre un régime protecteur et dérogatoire au droit commun des représentants syndicaux et des conseillers prud’homaux et la nécessaire implication de ceux-ci dans leur mission et dans l’exécution de leur contrat de travail.

Jean-Baptiste BOUSQUET

Docteur en droit

Juriste d’entreprise

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