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Google peut continuer à vendre des noms de marques comme mots-clés. Epilogue de la saga des liens commerciaux : La CJCE met un coup d’arrêt à la jurisprudence française condamnant des prestataires proposant des marques notoires comme liens commerciaux. Par Cendrine Claviez, Avocat
Parution : mercredi 24 mars 2010
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Les sociétés Google Inc. et Google France proposent aux sociétés qui le souhaitent un service dénommé Adwords leur permettant, moyennant la réservation de mots-clés, de faire apparaître de manière privilégiée, sous la rubrique liens commerciaux, les coordonnées de leur site en marge des résultats d’une recherche sur internet. Or, le choix de ces mots-clés sur la base de calculs statistiques peut conduire à retenir des termes couverts par un droit de marque ou déjà utilisés à titre de nom commercial. En soi, la pratique est donc problématique mais elle devient répréhensible lorsque le mot-clé correspondant à une marque ou un nom commercial renvoie vers le site d’une société concurrente.

Vous vous rappelez que l’évolution jurisprudentielle française semblait bien aller vers la condamnation pour contrefaçon par usage non-autorisé des prestataires proposant des liens commerciaux reproduisant une marque protégée (Tribunaux de grande instance de Nanterre et de Lyon, Cour d’appel de Paris Section A et B, Cour d’appel d’Aix-en-Provence, sauf la troisième chambre du Tribunal de grande instance de Paris) (1).

La Cour de cassation, face à cette envolée jurisprudentielle, avait freiné cette évolution en posant, notamment, plusieurs questions préjudicielles à la CJCE, et notamment : quelle est la responsabilité du prestataire qui propose un service de référencement payant sur internet ?

Par une décision du 23 mars 2010 (Google France / LVM, Viaticum, Luteciel, CNRRH et autres), la Cour de justice de l’Union européenne vient de trancher : Google n’engagerait sa responsabilité qu’envers les contenus Adwords et non la vente de noms de marques en tant que mots-clés.

Google pourrait donc continuer à vendre à ses annonceurs des noms de marques en tant que mots-clés sur sa plateforme de liens sponsorisés Adwords.

• Google : un prestataire se services technique neutre ?

En effet, Google dès lors qu’il se bornerait à une activité de prestataire de services purement « technique, automatique et passif », impliquant qu’il n’a pas la connaissance ni le contrôle des informations transmises ou stockées, pourrait bénéficier des dérogations en matière de responsabilité prévues par la Directive 2000/31 (transposée dans notre droit français par la Loi sur la confiance dans l’économie numérique 2004-575 du 21 juin 2004) et voir sa responsabilité a priori écartée.... Responsabilité qui ne pourrait donc être engagée qu’a posteriori c’est-à-dire dans l’hypothèse où, après avoir été informé du caractère illicite des données stockées ou des activités de l’annonceur, il ne retirait pas ou ne rendait pas inaccessible ces données.

• Mais Google est-il vraiment « neutre » dans la mise à disposition, payante, de mots-clés reproduisant des marques protégées à des annonceurs ? En effet, Google tire des revenus substantiels des liens commerciaux présents sur son moteur de recherche. Il n’est donc pas complètement neutre.

La Cour de justice de l’Union européenne a écarté cette objection en relevant que la seule circonstance que le service de référencement soit payant, que Google fixe les modalités de rémunération ou encore qu’il donne des renseignements d’ordre général à ses clients ne sauraient le priver du bénéfice des dérogations de responsabilité prévues par la Directive.

Selon la Cour de justice, la seule hypothèse dans laquelle la responsabilité de Google pourrait être retenue serait celle dans laquelle il participe à la rédaction du message commercial accompagnant le lien promotionnel ou dans l’établissement et la sélection des mots-clés. La main de l’homme caractériserait ainsi une action personnalisée et donc une « connaissance ». Ici Google n’intervient plus comme un simple prestataire neutre purement technique mais comme une agence de communication avec l’obligation de « contrôler » la disponibilité et la licéité des données utilisées et l’exploitation effective faite par l’annonceur.

Google propose les deux types de prestations au sein d’Adwords qui modifient sa qualité : prestataire purement technique lorsqu’il s’agit du service automatisé générant des mots-clés de référencement et agence de communication lorsqu’il s’agit du service assisté pour lequel il participe directement à la rédaction des annonces.

• Quelles conséquences en tirer pour les titulaires de marques ? Une action préventive à mettre en place.

Alors que le monopole du droit des marques offre en principe le bénéfice d’un titre opposable à tous à compter du dépôt qui permet à leurs titulaires de voir sanctionner toute utilisation non-autorisée, la solution de la Cour de justice de l’union européenne s’agissant de la mise à disposition payante de mots-clés reproduisant des marques par des prestataires de référencement va contraindre les titulaires des marques à adopter une position préventive en informant en amont les prestataires de leurs droits de propriété intellectuelle sur des signes qu’ils ont protégés.

Dans ces conditions, on pourrait considérer que le prestataire, qui maintiendrait néanmoins la mise à disposition de signes protégés, le ferait en pleine connaissance de cause de l’atteinte possible au droit d’un tiers ce qui écarterait la possibilité pour ce dernier de se prévaloir des dérogations de responsabilité organisées par la Directive et par la LCEN en droit français.


Maître Cendrine Claviez, Avocat

Spécialisée en Propriété Intellectuelle

cclaviez chez cosme-avocats.fr

(1)
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