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L’arrêt Faurecia du 29 juin 2010 : une révolution juridique des clauses élusives ou limitatives de responsabilité. Par Jonathan Quiroga-Galdo, Doctorant
Parution : jeudi 1er juillet 2010
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L’arrêt du 29 juin 2010 de la Chambre commerciale de la Cour de cassation (pourvoi n° 09-11.841, Sté Faurecia sièges d’Automobiles c/ Sté Oracle France) fera sans nul doute date dans les annales du droit des contrats puisqu’il clôt plusieurs années d’incertitudes pour les praticiens du droit en matière de clauses élusives et limitatives de responsabilité.

Que dit l’arrêt du 29 juin 2010 ?

C’est par un attendu limpide que la Chambre commerciale de la haute cour, présidée par Monsieur Vincent Lamanda, a affirmé que « seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur ».

Ainsi, dès lors que le plafond d’indemnisation sera dérisoire, vidant par là même l’engagement de sa substance, la clause litigieuse devra être sanctionnée et donc réputée non écrite.

Cette décision rejette le pourvoi formé contre l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris, 25e ch., sect. A, du 26 novembre 2008, aux termes de laquelle le plafond de responsabilité stipulé dans un contrat de service informatique doit être respecté même quand le prestataire a manqué à son obligation essentielle, si ce plafond n’est pas dérisoire et ne vide pas l’engagement du débiteur de sa substance. [1]

Signalons que l’arrêt de la Cour d’appel de Paris précité était un arrêt de résistance à la jurisprudence dégagée dans un arrêt du 13 février 2007 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation [2] qui jugeait au visa de l’article 1131 du Code civil (et donc sur le fondement de la cause) que la clause élusive ou limitative de responsabilité devait être anéantie automatiquement dès lors qu’était relevé un manquement à une obligation essentielle, peu important que la clause ait pour effet d’inciter le débiteur à bien exécuter son engagement. Ce qui revenait par conséquent à faire fi de l’appréciation par les juges du fond du caractère dérisoire du montant maximal de l’indemnisation prévu par la clause.

Quelle est la portée de l’arrêt du 29 juin 2010 ?

Liberté contractuelle. La solution dégagée dans l’arrêt du 29 juin 2010 renoue donc avec le principe de la liberté des conventions qui postule la validité des clauses réduisant l’obligation de réparation. Cette décision restaure la liberté contractuelle en échappant au mécanisme jurisprudentiel de sanction automatique introduit en droit positif en 2007.

La détermination d’un plafond de réparation non dérisoire reviendra à l’avocat, rédacteur de l’acte, qui devra apprécier l’économie du contrat pour faire échapper la clause de responsabilité à toute sanction. En effet, l’avocat avait été dépossédé de ce rôle puisque le caractère automatique de l’anéantissement de la clause limitative ou élusive de responsabilité était jusqu’ici en vigueur.

Orthodoxie juridique. La décision du 29 juin 2010 revient vers davantage d’orthodoxie juridique et renoue avec la jurisprudence Chronopost qui a posé la règle selon laquelle c’est en raison du manquement à une obligation essentielle que la clause limitative de responsabilité du contrat qui contredit la portée de l’engagement pris doit être réputée non écrite. [3]

Jonathan Quiroga-Galdo, Doctorant en droit

[11. CCE, n° 4, avril 2009, comm. 37 par Ph. Stoffel-Munck

[22.Cass. com., 13 févr. 2007, n° 05-17.407, FS-P+B+R+I, Oracle c/ Faurecia : JurisData n° 2007-037369 ; Bull. civ. 2007, IV, n° 43 ; Comm. com. électr. 2007, étude 22, J. Huet ; JCP G 2007, II, 10063, note Y.-M. Serinet ; RLDC, mai 2007, p. 6, note G. Loiseau ; JCP G 2007, I, 185, n° 10, obs. Ph. Stoffel-Munck.

[33. CCC, févr. 1997, p. 9, note anonyme ; D. 1997, p. 121, note A. Sériaux ; JCP 1997, II, 22881, note D. Cohen ; RJDA 1/1997, n° 6 ; D. aff. 1996, p. 247, note Ph. Delebecque.

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