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A quand la réglementation du droit de grève ? Par Alain Monkam, Avocat
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Parution : mardi 2 novembre 2010
Adresse de l'article original :
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Bernard Boubli, mon éminent professeur de droit du travail (et doyen honoraire de la chambre sociale de la Cour de Cassation) avait l’habitude de répéter à ses étudiants que « la grève est un fait social ». D’un fait social au XIXième siècle, la grève est devenue un Droit consacré par le Préambule de la Constitution du 27 Octobre 1946, reprise par l’actuelle Constitution de la Vè République. L’article 7 déclare en effet que « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le règlementent ».
Or, nous constatons à ce jour qu’il n’existe aucune réglementation légale du droit de grève dans le secteur privé. Dès l’instant où le mouvement collectif répond à la définition donnée par la jurisprudence, c’est à dire la cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles, la grève est en principe licite.
Toutefois, il n’existe aucune procédure relative au déclenchement ou à la durée du conflit collectif. Est-ce normal ? non. Nous venons d’expérimenter comment des syndicats (souvent minoritaires), voire des groupes d’individus déterminés sous bannières syndicales peuvent gravement nuire à la vie économique du pays en bloquant nos raffineries d’essence. Quelle légitimité ils avaient à procéder à ces blocages ? Aucune.
Pour une fois, le droit social français gagnerait à s’inspirer du droit social anglais. La Dame de Fer Miss Margaret Thatcher, nouvellement élue premier ministre, avait pour ambition de contenir les nombreux mouvements collectifs qui perturbaient les industries métallurgiques, automobiles et portuaires de Grande Bretagne. Sans être démentis par la suite par le New Labour de Tony Blair, les gouvernements conservateurs ont ainsi soumis l’exercice du droit de grève à une procédure stricte dont le non respect est immédiatement sanctionné par une ordonnance du tribunal d’arrêter le mouvement collectif :
• préavis donné à l’employeur au moins 1 semaine à l’avance
• tenue d’un scrutin où doivent être invités tous les salariés membres du syndicat initiateur de la grève
• vote par bulletin secret et par voie postale
• information immédiate de l’employeur de l’issue du scrutin et préavis officiel de grève
• démarrage de la grève sous un délai maximal de 4 semaines
Le Gouvernement Blair a ajouté sa pierre à cette règlementation en limitant l’exercice individuel du droit de grève à une durée de 3 mois par salarié. Au-delà de ce délai, l’employeur peut prononcer une mesure de licenciement contre chaque gréviste.
Sans bien entendu enfermer le droit de grève français dans un corset aussi terrible, il serait enfin temps de « règlementer » l’exercice du droit de grève comme le prévoyaient déjà les rédacteurs de la Constitution de la IVè République.
Cet article est disponible en anglais ci-dessous.
Me Alain MONKAM
Avocat aux Barreaux de Paris et de Londres
Certificat de Spécialité en droit Social
/LL.M. in Employment Law
Version anglaise de l’article
When does France adopt a statute regulating the right to strike ?
Bernard Boubli, my former distinguished Professor of Law (and senior member of the social chamber of the French Cour de Cassation) used to say to his students that « the industrial action is a social event ». Such social event, originating from the 19th century, has become a full right provided by the preamble of the French Constitution of 27 October 1946, repeated by the current French Constitution of the 5th Republic. Section 7 states that “the right to strike is exercised according to the relevant statutes that regulate such right”.
However, unlike the Trade Union and Labour Relations (Consolidation) Act 1992, Part V adopted by the UK, there is still no French statute as to the right to strike. Any industrial is lawful as long as it complies with the definition provided by the case law, i.e. the collective and concerted stoppage of work in order to sustain employment claims. But there is no procedure as to the beginning of the industrial action or its duration. France has recently experienced how a few trade unions or some groups of individuals (wearing trade union banners) can block oil refineries and jeopardize the economic life of the country. Were such blockades legitimate or even fair ? The answer is certainly NO.
For once, French employment law should take model on British employment law. Newly elected Miss Margaret Thatcher wanted to contain the numerous industrial actions that thrived within the steel, car and docks industries. The Conservatives Governments of the eighties and nineties subjected the right to strike to a very stringent procedure ; the breach of any point of such procedure would render the industrial action unlawful and the court could issue a restraining order to stop the strike. These rules, confirmed by the Blair Government, relate to e.g. :
• the notice of the trade union intention to hold a ballot.
• he employees concerned by the vote ‘all members of the trade union who it is reasonable at the time of the ballot for the union to believe will be induced by the union to take part (…)’.
• the conduct of the ballot (secret postal ballot)
• the information of the result ‘as soon as is reasonably practicable’.
• the notice of industrial action
• the calling of the industrial action within a maximum 4-week period
The Blair Government slightly softened these rules and afforded the employees taking part in the industrial a protection against unfair dismissal for a period of 12 weeks. Without imitating such stringent procedure, the French right to strike should eventually be regulated as provided by the French Constitution of the 5th Republic.
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